06/11/2019
L'été indien du pluralisme démocratique
Souviens-toi, c'était il y a 3 ans à peine. Il y a un siècle, une éternité. En voyant le paysage politique actuel, où un premier ministre peut se permettre dans l'hémicycle de désigner Marine le Pen comme seule adversaire légitime, on peine à croire qu'En Marche a été crée il y a 3 ans seulement. Des débuts mystiques à Amiens, on avait remplacé l'étable par un gymnase, mais le public se pressait autour d'un gourou dont les initiales donnaient le nom au mouvement. Une suite christique où des marcheurs illuminés allaient porter la parole révélée du nouveau messie, lequel avait vu la lumière et apporterait au pays "le meilleur de la gauche et le meilleur de la droite".
C'était grotesque, c'était emphatique, c'était un condensé de wishfull thinking, de développement personnel, il fallait être d'une inculture politique crasse pour y croire, mais la démocratie avait la gueule de bois. La gauche avait trahie comme jamais. La droite était pourrie comme jamais. Il y avait un trou de souris, il s'engouffra et au contact des sondages, la souris se fit éléphant. On connaît la suite, du grand art de stratégie électorale avec un coup d'essuie glace surpuissant. D'abord, un coup à gauche pour rallier toutes les branches mortes des réseaux DSK, Valls, toute l'aile droite et modérée du PS. Assez pour déshabiller le camp et les laisser à leurs querelles intestines pour un nouveau leadership. Depuis, les promesses vaguement sociales ont été enfouies. Le dédoublement de classes de CP est une fumisterie démontée même par la cour des comptes, la gratuité des soins dentaires et optiques n'ont pas les moyens prévus. Les montants investis pour ces mesures ne représentent pas 1/10ème de mesures reaganiennes comme la fin de l'ISF, la flat tax, la limitation de la fiscalité des banquiers pour attirer les brexiters... Tirer le rideau côté jardin.
Côté cour, les huées grondaient. Macron c'était le traître, la gauche bobo bien pensante qui prônait les droits des gays. La conquête de ce camp serait plus rude. C'était mal connaître Macron. Son côté réac mâtiné de classicisme , nourri au côté d'une épouse prof dans le privé (à Amiens, puis dans le 16è...), fit merveille. Une rhétorique très XIXème siècle, fondée sur l'ascension méritocratique aveugle aux discriminations, aveugle aux injustices de naissance, fit merveille. Sur le sociétal, il s'adoucit et adouba la légitimité de la parole catholique lors d'un long discours aux Bernardins. La répression violente des manifs de gilets jaunes lui permit de se distancer du "laxisme de gauche". Sur l'immigration, celui qui vantait la diversité des talents quand il était en poste à Bercy fait passer des quotas comme Sarkozy et lance un débat boueux sur "voile, immigration, terrorisme, islam" comme Sarkozy...
Enfin, il finit le travail avec une réforme de l'assurance chômage où il réalise le fantasme le plus absolu de tous les ministres de droite, mais comme tout fantasme, jamais assouvi : se passer des syndicats de salariés pour imposer la réforme rêvée du MEDEF. Exit le pluralisme, welcome TINA : there is no alternative. Et en effet, après les deux coups d'essuie glace, there is no more alternative autre que Marine le Pen... D'où la harangue d'Edouard Philippe hier, désignant bravache Marine le Pen comme seule adversaire légitime pour 2022. On comprend évidemment le Premier Ministre a adouber le plus grand repoussoir, mais c'est jouer avec le feu car les digues républicaines ne sont plus ce qu'elles étaient... 19% pour le Pen en 2002, 33% pour la fille en 2017 et déjà 45% selon les sondages hier... C'est loin, 2022 et à la vitesse où croissent les fissures, c'est trop loin.
Quand j'écris "there is no more alternative", ça n'est pas un souhait, évidemment. Et je les vois les alternatives, mais leur pluriel est leur faiblesse dans un système institutionnel aimant le monolithe. Ce matin, Ruffin proposera son chamboule tout social et écologique. C'est intelligent, cortiqué, puissant. Ça pourrait être une alternative. Mais Mélenchon n'aimera pas qu'on vienne faire le malin dans son camp, Jadot rappellera son score aux européennes pour vanter sa légitimité sur l'écologie, Olivier Faure... Oui, non bon, Olivier Faure on s'en fout, mais vous voyez l'esprit, là où les alternatives fleurissent, les divisions murmurent. Comme on disait en mai 68, "à 2 trotskystes on fonde un mouvement, à 3 on crée une nouvelle internationale, à 4, il y a risque de scission"...
Les institutions ne changeront pas avant 2022. Il faut une seule tête. C'est navrant, c'est inepte, c'est daté et dépassé, c'est christique... Et c'est ça le drame. Le pluralisme démocratique a ses défauts : il pousse à des compromis, des arrangements, des négociations. Mais fors cela, voilà à quoi on aboutit, une absence totale de débats, des passages en force, du chantage au fascisme odieux. Ayant été élevé loin des fictions de Disney, je suis bien incapable de terminer ma note par un happy end.
07:55 | Lien permanent | Commentaires (16)
Commentaires
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Castor , le retour ! après quelques semaines de cure loin de la politique .
Eloge lyrique , à la limite de l'indécence , de Macron et éreintement sans appel et aussi indécent de la gauche au tapis ( de l'art de tirer sur les ambulances ..)
Écrit par : Léo | 06/11/2019
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L'espoir à peine dissimulé de Castor et autres déçus de la gauche vertueuse : que Marine Le Pen ( avec leur aide) gagne en 2022; ils pourront alors clamer " Nous l'avions dit " ( s'ils ne sont pas privés du droit de " dire" ) ...
Écrit par : Jacques Aubin | 06/11/2019
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" privés du droit de " dire" " ? certainement pas : certains d'entre eux iront à la soupe , d'autres se réfugieront dans une " résistance" verbale , grincheuse et sans danger ( Sartre et Beauvoir sous l'occupation ) .
Marine Le Pen se gardera de les persécuter , afin que puissent survivre des débris fossilisés , muséifiés , de l'ancien monde .
Écrit par : Paul Prolo | 06/11/2019
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Quand Castor pique une crise , il se remet à parler anglo-saxon ...
Plutôt que de nous moquer de lui , plaignons-le et accompagnons -le dans cette mauvaise passe .
Écrit par : Mémé Octogénie | 06/11/2019
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Castor fait une crise de nihilisme , comme le faisaient nombre de gens tant de gauche que de droite ( Drieu, Rebatet , Céline , Alain , Giono ...) à la veille de la 2 ème Guerre Mondiale .
La défaite de 1940 ( " divine surprise") , les a soulagés , leur donnant , pensaient -ils , raison
La gauche qui va à la soupe : 1799 , 1851 , 1958 ... Rien de nouveau sous le soleil , sinon, la soupe dont le goût change en fonction des modes et des arrivages
Écrit par : JC Jaurras | 06/11/2019
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Selon le patron de mon café du matin , il est plutôt sain que Marine Le Pen fasse un bon score , tant au premier tour qu'au second : cela oblige en effet le pouvoir à ne pas trop exagérer dans le laxisme ( immigration , islamisme , moeurs ...)
Il me dit qu'à au temps de sa splendeur , le PC jouait aussi ce rôle de préservatif , mais alors , contre un patronat trop peu soucieux de l'intérêt des travailleurs .
Bon sens ou naïveté ? je ne sais ...
Écrit par : Nouveau Parisien | 06/11/2019
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La "bataille des idées " étant perdue par la gauche , nous n'avons plus le choix qu'entre deux droites , le RN et Macron .
Mais les deux , pour que l'offre démocratique soit crédible , ont intérêt à cultiver leurs différences ou plutôt leurs nuances ( ex : sur les quotas en matière d'immigration , les questions de moeurs , la laïcité ...)
D'accord avec le patron du café du Nouveau Parisien :
Une opposition forte ( hier le PC , aujourd'hui le RN )
est un frein aux abus du pouvoir .
Écrit par : Pépé Castor | 06/11/2019
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Plutôt d'accord ; mais à la fois pour la santé de la démocratie et pour le folklore , il est bon que survivent
quelques vestiges des anciennes gauche et droite ; Marine et Macron devraient s'accorder pour les maintenir en vie ( aides financières , prêt d'experts ...)
Écrit par : Saint -Thèse | 06/11/2019
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A maintenir en vie : Mélenchon car il peut , si on l'y aide , prendre des voix à Macron comme à Marine et donc faire baisser ou monter l'un ou l'autre en fonction des besoins du jeu démocratique.
Il faut donc que Marine et Emmanuel s'entendent pour le mettre sous perfusion , en le citant dans leurs interventions , en lui facilitant l'accès aux medias, pour faire vite , en le prenant au sérieux , ce qu'il adore ...
Ce faisant , on rend impossible l'émergence d'une "vraie" gauche ( débris du ps , écolos , humanitaires , islamistes , groupuscules trotskistes ...)
L'idéal : Mélenchon à 7 -8 % , voire 9-10: ça suffit comme valeur d'ajustement
Écrit par : Dédé Mago | 06/11/2019
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Tout cela est fort intéressant encore qu'un peu simplificateur .
Ne prenons pas à la légère le coup au moral que vient d'encaisser Castor ; compatissons et accompagnons-le plutôt que de le brocarder , ainsi que le demande Mémé Octogénie .
Si, avec l'aide de Marine et d'Emmanuel , JL Mélenchon survit et prospère , il restera à le situer et à le définir dans le nouveau paysage politique : droite ultra ou gauche extrême ou encore nouveau centre mou ?
" bataille des idées " perdue (Pépé Castor) ? il s'agit moins d'idées que d'une sorte de mouvement profond de l'opinion ( immigration , Islam -islamisme , délire humanitariste , audaces sociétales... ) ; les " vertueux " ont poussé le bouchon un peu trop loin , sans comprendre qu'ils finissaient par irriter les Français " ordinaires " ; ils n'ont rien vu venir ...Le succès de Zemmour aurait dû les alarmer ...
Écrit par : J Mentor | 06/11/2019
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Selon un de mes collègues de Sciences-Po , expert en sondages , ceux qui mesurent l'opinion sur des sujets tels que l'immigration et l'islamisme interprètent mal les réponses fournies : nombre de sondés craignent de se prononcer pour un rejet , ne faisant pas confiance à la discrétion des sondeurs ( police de l'opinion etc, )
Et certains organismes de sondages ont aussi tendance à minimiser le rejet , par crainte de se faire lyncher par les professionnels de la vertu .
Il se produit donc un double biais : celui qui est le fait des sondés et un second , imputable aux sondeurs .
Écrit par : Julius | 06/11/2019
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Actualités , hier :
1-sur BMW entre 19 et 20 h ; interview d'Edouard Philippe par Ruth El Krief
--- elle : à la fois roucoulant (comme si on la chatouillait ) et agressive : coupant la parole à son interlocuteur sans écouter ses réponses , citant un de ses propos récents en le tronquant ; du très mauvais journalisme ..
---lui : clair , bon pédagogue , droit dans ses bottes , bienveillant avec quelques pointes trop fines pour que la dame puisse les comprendre ...
2- la manif de dimanche prochain des Frères Musulmans contre l' " islamophobie " et la laicité et en faveur du " voile pour toutes " ; nombre de ceux qui , à gauche , ont appelé à défiler se défilent : ils disent avoir signé l'appel sans l'avoir lu !il y est question d'un " racisme d'état" ; le RN ( et pas seulement lui ) se marre.
Écrit par : Léo | 07/11/2019
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Ruth El Krief ; une déçue du macronisme , en mal de reconnaissance ; promotion ratée ?
La manif islamiste de dimanche : les pétitionnaires qui se défilent mettent en avant les prétextes les plus classiques , comme les élèves qui sèchent l'école (décès d'une grand-mère...) ou les travailleurs en panne de zèle ( un réveil qui ne fonctionne pas , un gros rhume impromptu . )
Ce que j'ai lu de mieux dans le genre : le député qui a rendez-vous à Bruxelles avec ses rejetons pour manger des frites .
Exercicess risqué d'équilibrisme : ne pas y participer tout en disant qu'on aurait aimé le faire ; y être en se faisant tout petit , hors du champ des caméras et le dire face à une caméra ...
Écrit par : Paul Prolo | 08/11/2019
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Un temps de ...cochon pourrait dissuader certains islamistes de manifester ; et leurs dames , la crainte de gros vent dans les voiles...
Écrit par : Dédé Mago | 08/11/2019
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On ne sait si la manif islamiste ira se recueillir à l'ancien siège de Charlie et au Bataclan , en y déposant quelques fleurs et couronnes ...
C'est important, la mémoire ....
Écrit par : Lulu Charia | 09/11/2019
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Avec un petit détour par Notre-Dame et la PP , en face l'une de l'autre .
Écrit par : Myriam | 09/11/2019
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