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24/04/2020

Françaises, français encore un effort pour sauver des vies

Hier, plusieurs amis m'ont adressé la dernière étude précisant que le confinement aurait permis de sauver 60 000 vies et m'ont demandé si, en voulant ressortir et vivre, je n'étais pas un génocidaire larvé. Un épigone de Trump et Bolsonaro... C'est vrai ça. Quelle sécheresse de coeur de ma part.

J'ai noté que toutes et tous ont pris au pied de la lettre une étude qui annonce des ordres de grandeur de 1 à 5 au minimum. Le confinement aurait évité au virus de toucher 10 à 47 fois plus de personnes, tout est au conditionnel (et comment pourrait-il en être autrement) sur le nombre de personnes infectées. Avec une règle de 3 mâtinée de saturation de lits d'hôpitaux divisé par l'âge médian des personnes infectées pondéré par la moyenne des cas graves, je vous en mets 60 000 qui seraient morts sans le confinement.

J'imagine que 100 000, ça faisait trop. Trop rond, trop parfait. 60 000, ça fait sérieux, une ville moyenne, ça vaut le coup de se confiner, quoi. Tout le monde reprend benoîtement, magiquement, 60 000 vies sauvées. Les mêmes n'ont jamais bougé une oreille, jamais tressailli, jamais demandé une once de changement lorsque sortirent des études, pourtant tout autant scientifiques, sur les centaines de milliers de mort de la pollution, du tabac, de l'alcool... Ce sont pourtant les mêmes méthodologies avec des échantillonnages, de l'exposition aux risques, et une part d'aléas. Certains boivent une bouteille par jour et vivent centenaire et des faibles buveurs meurent d'une cirrhose, des fumeurs impénitents rejoignent le cimetière dans leur sommeil quand des crapoteurs intermittents trépassent d'un cancer du poumon. C'est injuste. Il n'en demeure pas moins que pour éviter les risques, mieux vaut ne pas boire et fumer. Ne pas respirer d'air vicié. Ne pas manger gras, salé, sucré... Et pourtant, on le fait. Mais on fait gaffe. 

Si vraiment nous entamons la révolution copernicienne visant à mettre la vie au dessus de toutes considérations politiques et financières, super, mais allons y pleinement. Françaises, français encore un effort pour sauver des vies ! On peut sans doute épargner des millions de morts en interdisant le tabac, l'alcool, les usines, l'automobile.... A ce propos, si elle est suivie de décisions concrètes, la lettre du MEDEF demandant de surseoir aux normes environnementales tuera plus que le COVID. En faisant sauter les gardes fous sur les sites Seveso, on se prépare de nouveaux Lubrizols, en bétonnant, des crues mortifères partout, des inondations dantesques. On pourrait aussi oublier nos précautions sur le gaz de schiste puisqu'il faut relancer la croissance et renforcer notre souveraineté énergétique. Ca serait une bonne idée, non ?   

Alors, bien sûr, les travailleurs et travailleuses de tous ces sites industriels vont connaître des risques de morts bien plus forts. Sans compter tous les riverain.e.s, mais on s'en fout c'est des prolos. Ce sont d'ailleurs eux qui risquent plus aujourd'hui, on le signale, mais on s'en fout. Mon contempteur d'hier, d'ailleurs, celui qui me comparait élégamment à Bolsonaro n'est pas sorti de chez lui depuis le 16 mars. Il se fait livrer régulièrement ses courses. C'est déjà bien assez que des précaires prennent des risques, pourquoi les privilégiés s'exposeraient aussi ? On sait que le Covid ne comprend pas les distinctions de classe, il a eu le toupet d'emporter Patrick Devedjian, nous sommes tous susceptibles de périr sous ses attaques ! Même Bojo et Tom Hanks ont souffert, quelle horreur, le Covid n'a aucun scrupule, aucune limite ! Bien sûr, pour l'heure, les prolos meurent beaucoup plus (la Seine Saint Denis a deux fois plus de surmortalité que Paris à 3km d'écart...), mais quand même, nous ne sommes pas à l'abri. 

Ces inégalités folles face au Covid ne vont pas disparaître avec le déconfinement. Comme le soulignait parfaitement Denis Maillard au moment des grèves RATP, "le fait d'être touché directement par les grèves est la nouvelle distinction de classes : énormes galères pour les plus précaires qui s'entassent à l'aube dans les rares RER présents quand les cadres peuvent télétravailler". Il en ira de même le 11 mai. On va rouvrir, mais les tous petits commerçants prendront les transports pour lever le rideau quand les cadres continueront à Zoom Zoom zens. 

Le registre à adopter face à cette crise sanitaire n'est pas courage vs couardise, mais responsabilité vs inconscience. Aller dans le métro, ça n'est pas prendre les armes à Alep contre les troupes de Bachar et rester chez soi, ça n'est pas être collabo. Dans tous les cas, il s'agit d'être responsable face aux risques sanitaires mais de vivre, bordel.

On peut mourir en traversant la rue (quand on trouve pas un job) et pourtant on marche. On s'attache en voiture, on porte des maniques quand on sort un plat fumant du four, on laisse un pilote dans l'avion... Face aux risques de l'existence, on se protège, mais le risque zéro n'existe pas. On mettra des masques et on se lavera les mains, on va éviter Woodstock, les fan zones et les partouzes pendant quelques temps. Ok, ça n'est pas une raison pour continuer à se calfeutrer dans un mode de vie qui fait passer les Amish pour des décadents. 

 

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