28/04/2020
Tout le monde n’a pas la chance de mourir d'une balle dans la nuque
Pour ceux qui ne se réjouiraient pas de cette issue, on peut proposer le crash d'une voiture contre un platane ou encore le décès en milieu de Méditerranée sur un canot orange avec 150 autres rescapés. Dans tous ces cas, l'origine de la mort ne fait aucun doute. Et vous serez rangés dans les boîtes d'assassinats, d'accidents ou de noyades par les autorités compétentes. Quand bien même vous auriez aussi été porteur d'une tumeur cérébrale grave qui vous condamnait à l'échéance de quelques semaines, peu importe. Et c'est bien normal. Des morts nettes, une comptabilité sans bavure. Voilà ce qu'on aime : pouvoir ranger des morts dans des cases.
Hélas hélas hélas, dans les vies capricieuses qui sont les nôtres, il arrive souvent que l'on ne sache pas de quoi on meurt. C'est très ennuyeux car nous sommes dotés de machines d'une puissance de calcul inimaginable capables de savoir combien il faut de feuilles A4 mises bout à bout pour relier la terre à la lune ou combien de petit pois on peut mettre dans un cratère d'obus, mais qui est mort de quoi, on ne sait pas toujours. Ballot.
Peut-être parce qu'ils ont voulu oublier cette vérité éternelle, ceux qui rapportent le nombre de morts du COVID sans mettre des guillemets, des doutes sur leur décompte sont d'une malhonnêteté insigne. Je vois bien l'intérêt qu'ils ont à faire ça, à légitimer la vie en mode Daisy Town, à hurler à la terreur ; 23 000 morts ! Rien que de lire le chiffre, on est pétrifiés. En quelques semaines, seulement, quelle angoisse ! Tout est à l'avenant "les morts en réanimation sont pires que prévus", "de nouvelles formes graves, sévères apparaissent". Tout cela est vrai. Mais le Covid est une toile de Signac et il faut prendre du recul au lieu de regarder les 2 ou 3 points qu'on nous montre sans cesse et qui ne disent pas tout de cette maladie.
Tout les soirs, on annonce le nombre de guéris. Un nombre faible, très faible, car on annonce les guéris sortis d'hospitalisations. On nous parle de 45 000 guérisons pour 23 000 morts. Je comprends que ça foute les chocottes. 2 pour 1, pas bézef. Mais les mêmes nous disent en susurrant que 4 millions de personnes en France ont contracté le Covid. Le nombre de guéris est donc en réalité de 3 977 000 personnes. Ça rassurerait, mais on ne le dit jamais. Encore une fois, prenons le Charles de Gaulle, 1046 positifs, 4 hospitalisations. On compte 0 morts et 4 guéris quand on devrait dire 1046. Un ratio de 1 à 250, mais à part ça il n'y a aucun récit de panique ! Pour l'instant, 99,5% des gens qui ont contracté le Covid ont survécu et parmi les cas les plus sévères nécessitant hospitalisations, 16% sont décédés, c'est quand même pas la même histoire...
Quant aux morts. Le décompte est celui de Tchernobyl, quelque chose comme "ils ont été irradié par le Covid et morts foudroyés". Ha ? Presque la moitié des morts sont morts en EHPAD. Je ne sais pas si vous avez déjà visité des EHPAD, mais moi, hélas, un certain nombre. Un peu pour le boulot, un peu par aléas de l'existence. Le Covid n'est pas le seul meurtrier dans ces lieux. Dans les années 80, on y restait environ 2 ans et demi avant d'en sortir, direction cimetière. Pour tout un tas de raison (coût très élevé, envie des personnes âgées de rester chez elles ou des familles de ne pas les envoyer), cette durée est tombée à peu près à un an. Un an. À ce stade de fragilité, une sale bronchite peut vous tuer. La grippe saisonnière aussi. Une chute. Le Covid étant plus agressif que tous les cas précités, il fait plus de ravages, mais chez des personnes qui de toutes façons, avaient, biologiquement, "fait leur temps".
Encore une fois, quand j'écris ça, ça n'est pas de la sécheresse de coeur. Si Manuel Valls aime l'entreprise, j'aime les vieux, figurez vous. J'en ai dans mon entourage qui me sont très chers et j'ai peur qu'ils défuntent du Covid. Car ça serait une mort foudroyante, sans pouvoir dire au revoir à celles et ceux que vous aimez, sans que les mêmes puissent tous venir aux funérailles. Je sais tout cela, je ne minimise nullement et d'ailleurs j'incite ces personnes à la plus grande prudence. Mais si elles et ils veulent sortir, ils et elles ont le droit de prendre le risque.
Au-delà des EHPAD, nombre de personnes très fragiles avec des pathologies associées, décèdent. Faites un peu parler les gériatres que diable ! Il y a des vieux qui meurent dans leur sommeil, mais beaucoup meurent de viellerie sans qu'on sache laquelle des saloperies qu'ils avaient les aura emporté. Comme écrivait très justement Pierre Sansot "les vieux, ça ne devrait jamais devenir vieux". Le Covid joue comme une faucheuse et abrège les souffrances, certes. Mais si on veut être honnêtes il faudra voir en 2021 la mortalité totale pour voir si le raz de marée chez les plus fragiles est là, ou si le Covid a "juste" ôté quelques mois d'espérance de vie aux plus fragiles. Encore une fois, je ne minimise pas, mais ce sont des réalités médicales infiniment plus nuancées que les récits qui sont faits où on l'impression que l'armée des morts face à Arya Stark et Jon Snow de l'hôpital...
La peur est mauvaise conseillère dit-on. En l'occurence, elle nous invite à la tétanie, à l'immobilisation, à la distanciation de toute chose. A vivre sous bulle. Si on prend les recommandations sanitaires à la lettre, il ne faut plus jamais aller chez le coiffeur, se faire masser ou masser quelqu'un, ne pas ramasser un enfant qui tombe dans la rue sans gants...
Quand Damasio, quand les militant.e.s écologistes rappellent qu'on meurt beaucoup plus de la pollution, de cancers environnementaux et autres que du Covid, ils ne "mélangent pas des choux et des carottes" ils rappellent seulement que nous sommes fragiles et qu'il faut trouver un degré raisonnable de protection. Tout le monde n'ira pas vivre dans des endroits déserts pour échapper à la pollution, aux plastiques, mais on peut construire, par des normes, des pratiques, des actions, un monde moins dangereux à cet égard. Mais vivre !
A toutes celles et ceux qui veulent prolonger le confinement sans fin, je recommande "l'enfant bulle" un film de 76 avec Travolta sur le cas rare d'un de ces enfants né sans aucune défense immunitaire et vivant dans un environnement stérile car le moindre virus le tuerait. C'est une histoire atroce et on voit bien que le môme trouve que c'est d'une injustice folle. Nous ne sommes pas, fort heureusement, dans ce cas. Le genre humain ne va disparaître à cause du Covid, mais l'humanité faite de relations, d'empathie, de contacts, de confiance à l'avenir, elle est clairement menacée.
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