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23/05/2020

Le goût du noir

Depuis dix semaines que nous ne parlons que du virus, une chose doit faire consensus : l'épidémiologie est une science molle, très très molle. On ne sait pas des tas de choses. On observe, mais on peine à expliquer. Pourquoi New-York est toujours une morgue à ciel ouvert et qu'il n'y a aucun mort à L.A ? Pourquoi seuls les vieux meurent en Europe et un peu plus de jeunes au Brésil, pourquoi la pandémie n'a pas du tout pris en Afrique, fors au Nigéria ? On sait pas. Pourquoi le virus s'éteint rapidement dans certains pays, plus lentement dans d'autres, on ne sait pas. Aussi, les modélisations bâties peuvent prêter à sourire. Sur le nombre de "vies sauvées par le confinement", sur le nombre de "cas contacts possibles" et autres, nous sommes sur une échelle de précision de 1 à 5 au minimum. 500% d'écart. Est-ce bien raisonnable de fonder l'alpha et l'omega de nos décisions collectives sur des prévisions plus floues que celles des Marabout ? A l'évidence, non. 

L'épidémiologie est une science très sérieuse quand elle regarde dans le rétroviseur, pas devant. On sait observer les déplacements, les foyers, les oscillations qu'il a réalisé, pas ce qu'il deviendra. Et cela ne fait pas débat, l'expérience de ces dix semaines montre que, systématiquement, les projections se sont plantées dans les très très très grandes largeurs. Il faudrait donc peut être arrêter de donner du crédit aux projections et d'arrêter de jouer à se faire peur et regarder beaucoup plus dans le rétroviseur, non pas pour se rassurer, mais pour comprendre ce qui nous est arrivé. "Le problème ça n'est pas de savoir si nous aurons une deuxième vague, mais quand elle arrivera", "attention, l'ouverture des restaurants peut être catastrophique", et tutti quanti. On ne sait pas, mettre le monde sous cloche pour des dangers potentiels, ça n'est pas très sérieux. 

De la même manière que l'on invite quasi systématiquement des libéraux orthodoxes pour parler d'économie, on donne largement la parole aux virologues broyant le noir. Concernant l'économie, la chose est très largement documentée, Acrimed et autres observatoires médiatiques montrent très bien comment on nous vend 90% d'Elie Cohen, Nicolas Bouzou et autres, pour 10% de Piketty et de Lordon. Il serait beau de faire le même comptage avec optimistes et pessimistes de la virologie. Hier, sur Inter, à 7h, c'en était caricatural : une fenêtre s'est rouverte et en 5 minutes, 4 épidémiologistes, tout aussi compétent.e.s et diplômé.e.s que les autres expliquaient pourquoi ils étaient à peu près certains que nous assistions à la mort du virus, que ce dernier pourrait revenir à l'automne, bien sûr, mais que là, il était en train de mourir. 4 en 5 minutes dans un journal. Contre des grandes interviews toujours accordées aux prêcheurs d'apocalypses. 

Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à Paris Descartes, ne regarde que dans le rétroviseur, lui. Ce qu'il voit c'est que le virus circule infiniment moins "il a disparu à 95% par rapport à fin mars". Il dit aussi que, dans cinquante pays l'épidémie est terminée. Il dit enfin que nous sommes à la fin de la DEUXIÈME vague, la première remontant probablement, très probablement à l'automne dernier quand cela circulait, entre Chine et Europe, fin 2019, mais avec moins de cas violents. Cela change tout de même considérablement la donne. Libre à chacun de goûter la flagellation et les infos intimant à la claustration, mais que l'on cesse de parler de consensus des experts en la matière. Personnellement, je continue à suivre ce cher Professeur Toussaint, lequel explique que les lieux ouverts, où l'air circule, sont infiniment moins dangereux. Fermer les parcs et jardins, ça n'est pas de science, c'est de la politicaillerie de sous-sol. Honte à vous, Olivier Véran.