30/08/2020
L'ensauvagement des esprits
Sidéré par les pages et les illustrations de Valeurs Actuelles dessinant la députée Danièle Obono avec des chaînes d'esclave, je me demandais, non pas si c'était légal, mais comment en sommes-nous arrivés là. D'abord, je me suis consolé. Le portrait est violent, mais pas violent comme l'assassinat de Jo Cox, députée travailliste qui défendait le Remain et fut tué par un militant d'extrême-droite pro Brexit. Aux États-Unis, AOC reçoit des insultes violentes comme beaucoup, mais y compris de ses pairs la qualifiant de "pute", ce qui est plus rare... En Allemagne, hier, à l'issue d'une manifestation des opposants au port du masque, quelques manifestants ont adressé un salut hitlérien en direction du Bundestag. À cette aune, ça va en France...
Cela va d'autant plus que Valeurs Actuelles a présenté ses excuses et que toute la classe politique a soutenu Obono ou s'est abstenue de commenter. Pour autant, on aurait tort de penser que l'incident est clos car la fenêtre d'Overton est trop grande ouverte. L'allégorie d'Overton (du nom du fondateur) vaut pour l'ensemble des idées considérées comme acceptables dans le débat public. Fut un temps, le meurtre des patrons abusifs entraient dans la fenêtre, et pas que dans Hara Kiri, dans Libé... Aujourd'hui, même une chemise déchirée de DRH émeut l'opinion, cette fenêtre sociale tient plus désormais du vasistas. Sur les questions sociétales, en revanche, les abus sont d'autant plus tolérées que les propagandistes de la haine avancent sous une pancarte "on ne peut plus rien dire".
Dans un livre édifiant à paraître jeudi, "les grands remplacés" (Arkhé) on plonge avec l'auteur des réseaux de nouvelles extrême-droite, là où l'on appelle Marine le Pen Malika le Pen la gauchiasse. C'est dire. L'outrance permanente est leur mantra. Ils font toujours dix pas en avant vers la droite et seulement neuf en arrière. On les tance, certes, on les fait reculer, re-certes, mais ils gagnent du terrain. Dans le cas Obono, le rédac chef s'excuse pour le dessin, mais maintient le fond de son dossier (opportunément grimé en fiction) : l'un des drames mal connus des français c'est que nombre de noirs furent inhumains avec les noirs pendant l'esclavage. Et grâce au bad buzz, il est invité partout pour proférer 30 secondes d'excuses, puis 5 minutes de révisionnisme historique. Je ne nie pas que des noirs se sont comportés comme des ordures avec d'autres noirs, aujourd'hui encore nombre de marchands de sommeil de migrants sont des migrants eux mêmes. La misère n'est pas toujours mère des vertus...
Mais ce que Lejeune oublie de dire c'est que les donneurs d'ordre de la traite des Noirs, les initiateurs, les continuateurs de cette atrocité historique étaient des blancs. Les responsabilités sous cette période ne font heureusement plus débat depuis des années entre historiens, et hop, opportunément, Valeurs Actuelles instille un doute sur le récit. Avec #MeToo, s'en suivait une dénonciation de systèmes patriarcaux, et hop ils sortent une Une mythique "les nouvelles féministes, elles cassent l'ambiance en soirée".
On aurait tort de croire, bis, que ça n'est "que" Valeurs Actuelles. Macron a accordé un long entretien à Valeurs Actuelles. Il a rouvert le Puy du Fou. Il n'a jamais accordé de long entretien à l'Humanité et autres... L'ensauvagement dont on glose beaucoup aujourd'hui commence plus souvent par les cerveaux trop disponibles...
20:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
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