13/10/2020
Aporie, aporie
Faut-il sauver des vies ou l'économie ? La planète ou le PIB ? Fin du monde ou fin du mois ? La destruction créatrice ou le modèle Amish ? Je n'invente rien, c'est tristement en ces termes que la plupart des grandes rédactions, des grandes voix de l'info, posent les alternatives offertes à nous. Si l'enjeu n'était crucial, je m'esclafferais, mais c'est évidemment à pleurer.
Comme on me chaparde trop souvent des livres sans me les rendre, je ne sais plus dans quel ouvrage de Raoul Vaneigem c'est, mais c'est bien l'auteur du "traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations" qui a écrit "la grande force du capitalisme, c'est de réussir à détourner toute question sociale, tout débat de fond et de choix, pour les réduire à une aporie". Le dictionnaire parle pour "aporie" d'une "contradiction insoluble dans un raisonnement" et c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous sommes comme des singes pas savants face à un Rubik's Kube vérolé, interdits de perplexité. Nous soupirons sans voir que la seule manière de résoudre l'équation est de reprendre un Rubik's Kube propre.
Peut-on sauver des vies sans économie ? Sans argent pour payer les soignant.es, financer leur matériel ? Inepte. Une planète inhabitable au PIB florissant, est-ce un projet de société ? Si la fin du monde est là, est-ce vraiment un drame d'être à découvert bancaire ? Et ne pas se précipiter vers la 5G, vers les couches culottes connectées, l'hydrogène vert et l'intelligence artificielle pour nous aider à choisir le menu du restaurant, c'est à dire rester avec le niveau inouï des innovations découvertes en 2020 nous transporterait comme par magie à la fin du XVIIe, quand les Amish se sont constitués en mouvement refusant la marche du temps ? C'est évidemment inepte. A se battre sur des feux contre-feux sans voir ce que nous voulons, nous sommes voués à l'échec. On ne peut jamais rassembler sur la base d'une aporie. "Êtes-vous pour le partage des ressources ?" Naturelles, financières, en temps, par genre, par territoire et populations habitants ces territoires, cette façon permet de poser le débat avec une base de 95% de favorables. Il y aura évidemment beaucoup de pertes en ligne, c'est inévitable, mais ça demeure un postulat initial supérieur aux combats intersectionnels, si légitimes soient-ils.
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Commentaires
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"contradiction insoluble dans un raisonnement"
Mais soluble dans un petit verre d'alcool , par exemple un calva matinal ( méthode Mentor ) ....
Les contradictions , insolubles en théorie , le sont dans la vie de chaque jour ; mieux ; s'en accommoder sans en faire un drame " ( le "en même temps " macronien )
Chers amis du blog , comment vivez vous ce début de
seconde vague de la pandémie ?
Écrit par : Rosa du Luxembourg | 13/10/2020
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-Ma méthode du petit calva quotidien : je la pratique depuis ...1955 ..
En exil professionnel à Caen , je commande le premier matin " un café" au bar proche de mon domicile d'occasion ; servi , je lui trouve un drôle de goût .
Le taulier me dit , goguenard ( " ah , ces Parisiens ..) qu'en Normandie , " café " sans précision signifie
" avec calva" ...
J'adopte cette pratique qui m'aide à supporter mon exil et qui n'a depuis cessé de m'être bénéfique , pandémie ou non .
Comment je vis la séquence actuelle ? strict respect des précautions prescrites , diète médiatique , non fréquentation des réseaux sociaux ( à l'exception de ce blog) , soutien psychologique aux plus jeunes , lecture de Montaigne , excellent mentor pour temps de crise.
Écrit par : J Mentor | 13/10/2020
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"Si la fin du monde est là, est-ce vraiment un drame d'être à découvert bancaire ? "
Voir " Le dernier rivage " , roman et film : dans une Australie , dernier pays à être atteint par le nuage radio-actif consécutif à une guerre atomique , les survivants ( provisoires ) vivent , chacun à sa façon , le bref moment de vie qui leur reste ...
Deux soiffards distingués vident les réserves d'alcool d'un hôtel ; un passionné de course automobile prend tous les risques : deux amoureux s'aiment .
Des parents euthanasient leur bébé pour lui éviter une mort douloureuse .
Pour ma part je m'en tiens à l'adage " tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir " et je vis sans presque rien changer à mes habitudes si ce n'est en respectant strictement les consignes officielles , aussi absurdes soient -elles parfois ....
Écrit par : Perpetua | 13/10/2020
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"Perpetua ' évoque pour moi l'épouse d'Ernst Jûnger lequel , dans Paris occupée ( notamment par lui) , s'adonnait à la chasse aux papillons et aux livres rares tandis que le monde s'écroulait ( " Journal parisien" )
Quelques notations sur la rue du cherche-midi , chère à Mentor ...
Quant à moi , je ne chasse pas le papillon ; je ne quitte guère mon appartement , il est vrai largement ouvert sur Paris : lectures , musique , soutien psychologique aux plus jeunes et à quelques anciens , parents et amis
Optimisme modéré et surtout curiosité , mon vice dominant ..
Quelque inquiétude pour Castor , manifestement perturbé , sur le point de craquer ...
Écrit par : Cluny | 13/10/2020
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Risque de craquer : " ils ne mouraient mais tous mais tous étaient frappés " disait le bon La Fontaine
Mon cabinet ne désemplit pas et j'a dû , bien que ce soit peu déontologique , substituer les thérapie courtes aux longues cures prescrites par mes maîtres Freud et Lacan .
Castor n'en est pas là mais je le sens un peu vacillant; je suggère donc que l'on cesse de le titiller , au moins pour un moment ...
Écrit par : Anna Lisa | 14/10/2020
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La cure Lacan était courte ( parfois cinq minutes ), mais rémunérée comme une longue ...
Ses patients y croyaient , ce qui était l'essentiel...
Écrit par : Lesbie | 14/10/2020
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