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01/11/2020

Représentativité du confinement

Il y a peu, pour une conférence sur le thème des "colères citoyennes", j'ai replongé dans le bain des révoltes politiques récentes et souvent, presque toujours, on trouve à la base des problèmes de considération, de reconnaissance. Les travaux de Richard Sennett, d'Axel Honneth et tant d'autres reviennent bien sur ce que le manque de reconnaissance provoque de frustration, de colère, de rage. Les applaudissements et des demies-augmentations de salaire ne peuvent combler des carences symboliques et pécuniaires énormes pour celles et ceux qui ont continué à travailler et à soigner pendant le premier confinement. Six mois après, il est assez logique qu'elles et ils soient d'autant plus amers à l'idée de recommencer. Non pas recommencer à travailler, ça elles et ils y sont prêt.es, mais recommencer à n'avoir aucun égard particulier, aucun traitement de faveur. Il y a de quoi devenir chèvre...

Intimement liée à la reconnaissance, la question de la représentativité. Cette dernière nous tiraille de plus en plus,  sur un mode importé des États-Unis où l'on cherche à mesurer si l'on représente bien toutes et tous dans l'espace public. Est-ce qu'il y a assez de femmes qui s'expriment comme expertes sur les plateaux télé, à la tête des boîtes du CAC 40, dans les métiers de l'industrie ? La réponse est à peu près toujours "non", mais on progresse. Beaucoup, beaucoup, beaucoup trop lentement, mais globalement, peu de régressions. Pour le reste de ce que l'on mesure, les choses sont moins nettes : les discriminations liées à l'origine ethnique, à la couleur de peau, au handicap ou à l'âge ne faiblissent pas. Si on prend l'acmé de la représentation nationale, on voit bien qu'elle est (enfin...) quasi paritaire, un peu moins monochrome blanche, plus jeune et tout à fait ouvertes aux orientations sexuelles non hétéros. Mais, et c'est un gigantesque mais, il n'y a plus ou quasi plus ni d'ouvriers, ni d'employés, ni de chercheurs d'emplois... Comme quoi, on peut être paritaire et pourtant ne pas représenter la moitié de la population. 

Or, ce que nous vivons avec le confinement c'est une exacerbation des inégalités en tous ordres, mais avant tout sociales. Bien sûr, les femmes souffrent les premières car elles sont encore plus victimes de violences, surinvestissent (malgré elles) les tâches ménagères... Mais au-dessus de cette inégalité de genre, l'inégalité de classe est patente et la représentativité publique des plus fragiles est epsilonesque. Pour cent matinales où l'on fait parler des virologues, des chef.fes des d'urgences et des patron.nes, on a un représentant du Secours Populaire ou de la Fondation Abbé Pierre qui viennent nous rappeler l'ampleur des drames qui se nouent. 

Cela n'a rien de neuf, nombre de chercheur.es qualifient ces millions de français.es de "France des invisibles". Dans les informations générales, ces catégories sont systématiquement oubliées. Qu'une assemblée nationale composée pour beaucoup de lobbystes, de consultants et d'avocats, de hauts fonctionnaires et de médecins ait de la précarité une idée lointaine c'est triste mais attendue, mais quid des journalistes ? Elles et ils sont payé.es pour s'intéresser, chercher, à refléter le pays. On peut reprocher beaucoup de choses à Ruffin, pas une connaissance intime et parfaite des mécanismes de silenciation des milieux populaires. Malheureusement, ses harangues pour les femmes de ménages de l'Assemblée Nationale ou les aides à domiciles, passées des pics de partage sur les réseaux sociaux, ne sont pas suivies d'effets. La précarité ordinaire recueille une solennité polie, mais rien de plus. Au moment où cette précarité explose, elle reste polie et s'efface derrière le virus.

Le climat social s'est largement durci en France, les baromètres successifs montrent un manque d'empathie croissant avec les chercheurs d'emplois, se disant qu'ils le cherchent bien (malgré les preuves évidentes du contraire). Souvenons nous, il y a quelques années, quand Uber est arrivé en France, les engueulades gigantesques : "ouais mais les taxis truandent, ouais mais c'est moins cher"... La même chose avec AribnB où l'on moquait les hôteliers replets. Fasht Fashion, fast services, fast teaching avec des vacataires enrôlés à la mission, à la pige, au fond tant que cela fonctionne, tant que la voiture avance personne ne soulève le capot. Et maintenant qu'elle n'avance plus, qu'elle explose même, on s'éloigne lentement et un peu penaud de la voiture en flammes...

Vraiment, les bras m'en tombent : au premier jour du second confinement, des témoignages sur des parisiens qui vont dans leurs maisons de campagne... 3 minutes du JT ! Mais tant mieux pour celles et ceux qui ont le choix, qui ont plusieurs toits sur la tête, mais comment expliquer que dans le même temps, on ne donne pas la parole à celles et ceux qui vont perdre le seul qui les abrite ? Idem pour les étudiants, on sonde les dilemmes des partiels, mais on n'alerte pas sur l'ultra précarité : logements minuscules, solitude exacerbée, plus de jobs alimentaires, pas d'aide... Les quelques papiers consacrés à ces questions (Mediapart, Street Press, notamment) montrait un grand nombre de jeunes ayant faim. Faim. 5ème pays le plus riche au monde. Aberrant. 

L'opinion publique n'existe pas, mais elle se façonne. Je me demande vraiment quel serait notre avis sur le confinement, si l'on balançait de 99% de peur sanitaire, 1% de crise sociale, à 50/50. Si tous les jours, on nous alertait sur des hypothèques, des faillites, des ventes de fringues pour acheter de la bouffe, des déclassements (le taxi du jour m'a parlé d'une de ses amies gérante dans l'événementielle qui après une année d'annulation a déclaré faillite et "a du prendre du travail chez Auchan", des décrochages scolaires, psychiques, du désespoir en barres... Si l'on nous rappelait tous les jours, le marasme ambiant, mais bon, avec des si on mettrait Paris en bouteille recyclée..

  

Commentaires

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"-On peut reprocher beaucoup de choses à Ruffin"

Un pitre très démago mais assez sympathique , plus marrant que ses potes " insoumis" ..

Mélenchon est jaloux de lui car il attire trop la lumière médiatique .

Écrit par : Léo | 02/11/2020

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Hier soir sur LCI : Luc Ferry insupportable ! omniscient ,
arrrogant ... il ne se remet pas de n'être plus ministre de l'Education .

En face de lui , JF Kahn en grande forme et Danny Con-Bandit qui fait figure de vieux sage , bien informé et plein de bon sens , macroniste modéré ...

Écrit par : Lesbie | 02/11/2020

Les commentaires sont fermés.