19/12/2020
Attention, école fragile
Le Président du Muséum National d'Histoire Naturelle, Bruno David, a l'habitude de comparer l'effondrement climatique à celui de la Tour Eiffel. Alors qu'on retire des poutrelles, l'édifice tient bien qu'il soit de plus en plus fragilisé, mais en apparence, il tient. Une poutrelle supplémentaire entraînera l'effondrement de l'édifice qui existera toujours, mais sous une forme fort différente... En voyant le traitement médiatique du suicide de Fouad, lycéenne trans à Lille, je me demandais s'il pouvait en aller de l'école comme du climat et quelle serait la poutrelle fatale.
L'assassinat atroce de Samuel Paty aurait pu être cette poutrelle, il ne l'a pas été. L'école, l'institution scolaire est incroyablement tenace et continue sa mission quoi qu'il arrive. En fait l'Éducation Nationale ne s'effrite pas, elle s'alourdit. L'Education Nationale est un bonhomme qui avance avec un gigantesque sac à dos et chaque nouveau drame est une pierre de plus. Depuis des années, on lui a rajouté tant de pierres qu'il y a de quoi condamner n'importe qui à l'immobilisme mais on attend qu'elle avance toujours au même rythme.
C'est vraiment insupportable de lire "la transphobie à l'école tue" à propos du suicide de Fouad comme il était dégueulasse de lire"l'école capitule face à la liberté d'expression" après l'assassinat de Samuel Paty. C'est comme si l'école était une enclave magique où tout était en état de fonctionner parfaitement et que chaque drame était de sa faute. Nos images en sépia des hussards noirs de la République ne sont pas trompeuses, elles sont mensongères. Non, le niveau ne baisse pas, non ça n'était pas mieux avant.
On ne peut pas comparer l'école d'antan, avec très peu d'élèves, pas de pression liée à la massification de l'éducation supérieure, pas de pression immédiate sur l'employabilité des écoliers (le chômage de masse n'existait pas et ceux qui sortaient de l'école à 14 ans bossaient quand même...), pas d'attente grandiose sur les langues étrangères, avec celle de maintenant. Surtout, auparavant, les attentes de l'école au regard de la citoyenneté étaient nulles : vive l'instruction et l'éducation était laissée aux parents. Bien sûr que l'école pouvait faire plus, mais réalisera t'on un jour la somme de tout ce qu'on demande de nouveau à l'école, depuis trente ans ? Il faut toujours enseigner les bases, lire, écrire, compter (et on est derniers en maths...), mais aussi les langues étrangères, les nouvelles technologies et les risques liés aux écrans, les bienfaits de l'alimentation saine, du sport, de la tolérance, les vertus civiques, la lutte contre le racisme, le dérèglement climatique....
Dans le même temps, mettre en face de ce monceau phénoménal d'attentes, les saccages successifs depuis 15 ans (ce salopard de Luc Chatel étant le premier gros fossoyeur) avec une réduction drastique de la formation des profs quand tout concoure à montrer qu'ils en ont besoin, le gel de leur salaire quand on arrive pas à avoir assez de bons candidats, la dégradation de leurs conditions de travail, les réformes successives et contradictoires, le manque de moyens accordés à la sécurité...
Autant d'attentes nouvelles cumulées à autant de moyens en moins, ça n'est pas possible. Les personnels éducatifs manquent de moyens, et de moyens humains. La longue enquête de Médiapart montre qu'avant de parler de transphobie comme si elle était volontaire, intentionnelle et discriminante, les personnels éducatifs sont souvent démunis face à ces cas nouveaux et en viennent à de la maltraitance institutionnelle, malgré eux. L'école est un joyau, nous devrions tous être conscients de l'immense fragilité et des risques qu'elle encourt aujourd'hui. La priorité pour protéger les enfants, c'est d'abord de protéger l'institution pour lui donner les moyens d'exercer pleinement ses missions et donc de protéger les enfants. Je doute que l'actuel locataire de Grenelle soit le meilleur pour cela, mais y a urgence quand même...
16:17 | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
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" L'Education Nationale est un bonhomme..."
Plutôt une bonne femme , semble-t-il si l"on en croit les statistiques.
Pour éviter le piège des "genres "écrire plutôt " une personne" .
Écrit par : Barbara | 20/12/2020
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Quid des ravages provoqués par le " pédagogisme " et autres utopies un temps à la mode ?
Pas question , évidement , de mettre le moins du monde en cause les enseignants eux -mêmes : sujet tabou depuis le drame de Conflans -Sainte -Honorine ; tous des petits saints ...
Écrit par : Léo | 20/12/2020
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" ce salopard de Luc Chatel étant le premier gros fossoyeur"
" fossoyeur " , une profession fort honorable et qui ignore les mortes saisons surtout en période de pandémie ...
Je trouve Castor bien condescendant à son égard ...
Écrit par : Paul Prolo | 20/12/2020
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Il n'y a pas de sot métier :
”Dieu sait qu' je n'ai pas le fond méchant
Je ne souhait' jamais la mort des gens ;
et d'ailleurs,
J' les enterre à contrecoeur.
J'suis un pauvre fossoyeur
si l'on ne mourait plus,
J' crèverais d'faim sur mon talus..
.J' suis un pauvre fossoyeur."
( G Brassens )
Écrit par : Bénédicte | 20/12/2020
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Il est démontré ,à la faveur de la pandémie , que l'enseignement à distance est plus efficace que celui dispensé en classe et ceci à tous les niveaux .
La classe , l'amphi jouent désormais surtout un rôle de garderie , ce qui implique que les profs soient formés pour s'adapter à ce nouveau métier .
Écrit par : Pépé Dago | 23/12/2020
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Il faut cesser de brocarder le " pion " de jadis ...
A l'époque où je préparais mon " premier bac" , j'avais décidé de m'isoler au fond de la classe pour étudier mes manuels , lire des petits classiques Larousse et des corrigés de maths d'histoire -géo et sciences nat ...
Résultat ; mention bien ...
Même méthode pour le 2ème bac , dit " de philo" ;`
Résultat : mention TB ...
Écrit par : J Mentor | 23/12/2020
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