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28/01/2021

Innovation partout, progrès nulle part

Face aux pandémies, a-t-on tellement progressé depuis sept siècles ? L'espèce humaine a bien évidemment réalisé des progrès colossaux depuis que Boccace écrivit son "Décaméron", mais force est de constater qu'on gère la Covid 19 presque comme nos ancêtres affrontaient la peste : en nous confinant. Et dans le cas du XIVème siècle, ils faisaient face à une maladie autrement plus létale, autrement plus dangereuse et ils n'avaient pas encore découvert l'aspirine, l'acmé de la médecine, c'était les décoctions d'herbes ou une saignée. Dès lors, on comprend bien qu'ils restèrent chez eux. Au XIVème comme aujourd'hui, faire face aux pandémies est foncièrement inégalitaire : les bourgeois peuvent rester chez eux, dans de grands chez eux, et travailler de chez eux, quand les plus démunis vont aux champs dans un cas, où vont des champs aux rayons des supermarchés.  

Je m'étonne tout de même grandement que cette remise en perspective ne soit pas plus souvent établie. On a beaucoup progressé sur l'évaluation du nombre de contaminations, qui sont connues "en temps réel", territoire par territoire, les clusters sont identifiés, les chaînes de contaminations tracées, là il y a le progrès. Bien sûr que la situation sanitaire se dégrade, à cette aune. 27 000 cas de Covid c'est plus que 20 000 cas donc assurément, cela se dégrade. Mais je m'étonne tout de même qu'on nous explique que "le troisième confinement est inéluctable". Inéluctable, impossible de faire autrement, circulez, y a rien à voir.

Avant que la Covid ne nous enferme, on parlait beaucoup innovations : on investissait des milliards pour des distributeurs de croquettes pour chiens à reconnaissance faciale (véridique), pour des préservatifs connectés permettant de renseigner les performances utilisateurs, pour permettre à l'homme de jouer au golf sur la lune. Au CES de Las Vegas, on causait taxis volants qui supprimeront à jamais les bouchons sur la route, certaines boîtes de séquençage génétique promettaient l'éradication des cancers et bien sûr, Ray Kurzweil et ses amis continuent à investir plusieurs dizaines de milliards pour nous rendre immortels. Notre capacité à innover est vraiment sans limite... Notre capacité à progresser en arrêtant de polluer, de réchauffer, de manger mieux et de nourrir les 800 millions de personnes qui ont faim malgré notre surproduction agricole, elle, est toujours faible... Innovation partout, progrès nulle part, en somme.

Nous faisons face à une zoonose, comme 60 à 70% des maladies qui touchent l'homme depuis la nuit des temps. Coup de pot, elle est bien moins violente ou létale qu'Ebola, pas de bol, c'est la plus contagieuse que l'ont ait connu depuis des décennies. C'est la seule spécificité vraiment pénible de la Covid, elle est très très contagieuse. Rappelons que la grippe espagnole a infecté 600 millions de personnes en deux ans, à une époque où la mobilité était bien inférieure et la population mondiale de deux milliards d'humains. Soit un tiers de la planète. En un an, nous sommes à 100 millions sur 7 milliards, soit à peine 2%... Nous mettons tous nos moyens pour prolonger des vies, plus que pour en sauver, ça constitue à l'évidence une innovation, mais pas un progrès. Passé la sidération de mars 2020 lors duquel tout le monde dupliqua le modèle d'une dictature les plus répressive au monde, on pourrait tout de même attendre plus de débats, plus de concertations dans les démocraties. Mais là encore, on innove avec des attestations de sortie, des dérogations, désormais un passeport vaccinal, mais on ne progresse pas dans notre capacité à vivre avec ce virus. Il y a peu, Arnaud Desclaux, médecin au service des maladies infectieuses du CHU de Bordeaux qui a traité les premiers patients du Covid il y a un an, s'exprimait "à l'évidence contre le 3ème confinement". Et lui de poursuivre : "confiner, c'est capituler face au virus. Il ne sera pas parti dans un mois, ni dans six. Il faut sortir de la pensée magique vaccinale ou autre. Il faut continuer à chercher des traitements, continuer à être prudents, mais il faut tout ouvrir, même s'il y a des risques, car chaque fermeture est une capitulation face au Covid". Je n'aurais pas dit mieux. Le confinement est la plus navrante, la plus désespérante défaite de nos imaginaires de progrès.

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