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16/03/2021

Morts en Syrie, morts du Covid

Il y a un an, nous étions confinés avec l'obligation de ne pas bouger et si jamais nous sortions, ça devait être impérativement muni d'un laisser-passer et pour moins d'une heure. "Nous sommes en guerre" avait dit notre Président. Une guerre face à un adversaire circulant dans l'air et l'État Major ne nous fournissait pas de masques. Ni à nous ni même aux soignant.es, dont il avait diminué le nombre, ainsi que les places d'hôpitaux. Nous n'étions pas une armée de métier, mais des réservistes sans entraînement physique depuis des années, appelés au front alors qu'ils se resservaient de la blanquette de veau arrosée de Pessac Leognan blanc. Tu parles d'une entrée au combat...

Il n'empêche que dans une guerre, il y a des morts et des morts injustes. Et depuis un an, on compte nos morts chaque jour. Et on évoque des personnels de sécurité, des soignant.es, des profs qui n'avaient pas de masques et qui sont donc des morts de la guerre contre le Covid, que nous n'avons pas protégé. Je ne vais pas nier que 90 000 personnes sont décédées en France depuis un an, suite à une infection au Covid 19. Elles sont mortes, d'une mort lente et douloureuse pour elles, comme pour leurs proches car on meurt isolée, du Covid. Je ne nie aucune de ces morts, mais je maintiens que compter les morts c'est nous pétrifier, nous tétaniser, nous tromper de chiffres. 

Aujourd'hui, on parle des 90 000 morts du Covid, pour invoquer l'incurie gouvernementale et exiger la fermeture d'écoles, la non réouverture des lieux de culture et ad libitum, ad nauseam. Parler des morts, c'est continuer à terroriser des gens qui ne veulent plus sortir de chez eux, pas rouvrir, pas échanger. Une accroche d'article disait il y a peu "500 000 morts du Covid aux USA, plus que lors de la seconde guerre mondiale". Voilà. Mettre sur un même plan 500 000 gamins tuées par les balles des nazis et des personnes arrivées au bout de leur vie, emportées par une ultime maladie, ou des pauvres et des obèses victimes d'un système de santé inhumain d'inégalité d'accès financier. Belle comparaison...

Chez nous, les pauvres et les obèses ont accès à l'hôpital quels que soient leurs revenus. D'où le fait qu'on meurt moins. Sur nos 90 000 morts, presque la moitié sont morts en EHPAD. Avant la campagne de vaccination, 44% des décès liés au Covid étaient résident.es d'EHPAD. Ces personnes sont mortes du Covid, mais elles seraient mortes d'un rhume, d'une fausse route, d'une chute. L'âge moyen des morts du Covid continue à augmenter, même si celui des personnes admises en réa baisse, les variants étant plus teigneux et touchant des personnes plus jeunes (1/3 de moins de 60 ans passant un sale moment en réa, certes, mais ne mourant pas). 

Quelle indécence de continuer à parler des morts du Covid, comme on parle des morts en Syrie alors qu'on commémore les dix ans du début d'un conflit qui a fait 400 000 morts et 11 millions de déplacés, plus de 50% de la population... De quelle drame on parle ? Doit on dire qu'avec 500 000 morts, l'Amérique a payé un plus lourd tribut que la Syrie ? Inepte et infâme.

Qu'on parle de pression hospitalière locale, point barre. En France le virus circule très faiblement dans la majorité des régions. Qu'on y rouvre les théâtres, les lieux de culture, même les restos. Et là où ça circule intensément, et bah tant pis, bouclez ce que vous voulez. Mais pas les écoles, bordel, pas les facs, bordel ! Le nombre de jeunes en détresse psychique a été multipliée par 6 en un an. Par six ! Ils ne rentrent pas dans le décompte macabre, mais on va le payer pendant des années. 93 000 cancers non détectés l'an dernier, d'après l'Institut Gustave Roussy. Moi aussi je peux compter les "dégâts collatéraux" du Covid. Mais je ne le ferais pas. Il faut cesser cette comptabilité inepte qui nous recroqueville quand on a besoin de sortir, de rouvrir, de donner des perspectives. Courages aux soignant.es là où la tension est forte (ce qui reste minoritaire, hein), pour le reste, il faut se résigner à vivre car c'est un projet d'existence plus sympa que le suicide collectif.

 

 

 

 

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