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30/04/2021

Le choix du champ de bataille

Aujourd'hui, l'hypothèse la plus pessimiste possible pour elle donne Marine le Pen à 48% au second tour. La réouverture des terrasses, l'insouciance tant attendue/espérée par des millions de personnes marqueront peut être une pause, voire une décrue estivale. Mais après ? Quand le casting de la présidentielle sera un peu plus abouti, la courbe repartira à la hausse et il sera plus compliquée de l'inverser que les contaminations Covid. On ne peut pas confiner le désir de fascisme.

Enfin, si, on peut. Mais il faut s'y mettre collectivement en cessant de déverser des jerricanes d'essence en espérant que cela éteindra l'incendie. La flambée du vote Le Pen ne s'explique pas par un brio de la candidate ou de ses lieutenants au RN. Ils sont toujours aussi nuls qu'en 2017, aussi mal préparés, aussi peu d'accord entre eux (la nièce risque de ne pas voter pour sa tante, Robert Ménard la trouve nulle, Philippe de Villiers veut son frère, Eric Zemmour se tâte). Mais on ne parle que de leurs thèmes, de façon inversement proportionnelle à leur importance. Immigration, insécurité, laïcité, terrorisme : relier les sujets comme pour les dessins d'enfants et vous obtiendrez le RN gagnant.

"Faire toujours la même chose et espérer un résultat différent est la définition de la folie" disait avec sagesse Einstein. Nous ne l'écoutons pas. Le pêché originel, c'est Sarkozy 2007 : il double le Pen sur sa droite et siphonne les voix, Jean Marie ne faisant que 10%. Mais les électeur.ices ne se sont pas fait avoir deux fois et depuis, plus on parle des sujets du RN, plus il monte. Et depuis la montée en puissance des réseaux sociaux et des chaînes d'infos en continu qui contribue à la "fait diverisation du débat", il explose. 

La fraude fiscale, la grande pauvreté, la disparition de services publics, les inégalités croissante à l'école, le dérèglement climatique, tous ces sujets sont beaucoup moins télégéniques qu'un attentat, une agression dans la rue, une burqua ou des voiles. Pour les premiers, on a des chiffres compilés, précis, irréfragables et incontestables qui montrent un délitement dramatique qui empoisonne la vie de millions de personnes. Pour les seconds, tous les experts s'engueulent entre eux : hormis le nombre de personnes incarcérées, peu d'indicateurs fiables. Alors, par populisme, on crée des places de prison. Mais personne ne sait si nous sommes dans une société pacifiée ou non. Les violences psychologiques, stress, souffrances environnementales explosent, mais sur l'insécurité pure, on ne sait pas grand chose. Mais on en parle.  

Je n'euphémise pas la mort de la fonctionnaire de police à Rambouillet. Mais c'est un assassinat d'une personne. Même un état militaire et fasciste comme Israël n'arrive pas à empêcher des désespérés radicalisés de tuer des gens au couteau. Mais ils empêchent les attentats d'ampleur. Depuis Nice 2016, nous aussi. Chaque mort est une mort de trop, mais les victimes du terrorisme en cinq ans restent infiniment moins nombreuses que les femmes tuées par leur conjoint chaque année depuis. Et il serait plus simple de sauver ces dernières...

Tout est là pour nous aider : la crise Covid impose de poser un débat politique sérieux. L'origine des pandémies est liée au dérèglement climatique, les conséquences sociales, économiques de la crise, imposent une remise à plat de la fiscalité et de la programmation des emplois de demain, dans l'agriculture, les énergies, les transports. Sur tous ces sujets, le RN n'a rien à dire. Rien. Si le champ de bataille est exclusivement celui-ci, Marine le Pen n'accèdera pas au second tour. Continuons les débats sur le séparatisme, les États Généraux de la laïcité, le voile, et la compatibilité entre migrations et identités, entre islam et République, et l'avance de Le Pen au premier tour sera si forte que le second sera déjà joué.  

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