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26/05/2021

La République des intéressé.es

Dans le dernier numéro de Cash Investigation, on voit comment la société Iqvia vend nos données de santé privées, au mépris le plus élémentaire de la loi, grâce aux interventions doucereuses de Cédric O. et d'Emmanuel Macron lui même. Désireux "d'accélérer le progrès de la recherche en santé en créant un hub de données de santé" le Président propose de confier la réflexion sur ce sujet ultra sensible à Jean-Marc Aubert, alors patron d'Iqvia, société qui vend des données de santé, un data broker, en bon français. Après deux années de labeur, hocus pocus, Aubert redevient Président d'Iqvia France qui a un deal avec toutes les pharmacies de France. Les équipes de Lucet le font transpirer et la CNIL réagit à l'émission en disant qu'effectivement, les pratiques sont illégales et promet de recadrer le broker. A suivre...

Les réponses de Cédric O. sur le fichage illégale opéré par Google, sur Facebook et autres montrent bien que l'idée même de s'opposer à ces géants ne l'effleure pas. Et au fond, c'est assez emblématique de cette république des "experts". En 2017, lassés des "politiciens de métiers", Macron a fait passer une vague de députés issus de la "société civile" et "d'experts". Rhétoriquement, c'est imparable. Qui voudrait se passer d'expertise ? Face à des sujets complexes, vous préférez confier les dossiers à des béotiens ou des experts ? Pour parler de fiscalité, vous préférez des politicards ou des vrais gestionnaires d'entreprises ? Pour gérer l'assurance chômage, des fonctionnaires invirables ou des DRH qui connaissent "la vraie vie" ? Etc etc... 

C'est assez fou, que l'expertise, la vraie, soit confondue avec les intérêts. La DRH de Danone, Muriel Pénicaud a agi comme ministre selon les intérêts du CAC. Le directeur du lobbying d'Unibail Rodamco, Benjamin Griveaux, a protégé comme secrétaire d'État à Bercy les intérêts des promoteurs. Notre choix numéro un de commissaire européen, Sylvie Goulard, a été retoqué pour des raisons de conflits d'intérêts et notre choix numéro deux, Thierry Breton, est passé, malgré ses multiples casquettes (incluant outre Atos, un rôle de "sage" dans la succession Arnault chez LVMH...) bien plus encombrantes. 

Le livre "les voraces" du journaliste Vincent Jauvert détaille ses allers-retours publics privés, où l'on monnaye son carnet d'adresses... Une grande part de la Hollandie a recyclé son influence dans le privé : Guillaume Bachelay chez Decaux, Mathias Fekl chez les Brasseurs de France, Estelle Grellier chez Saur etc etc... Une grande part de la Macronie fait le chemin inverse en arrivant dans le public pour rincer leurs potes du privé comme ceux cités avant, ou Pannier Runacher et autres. Dans les deux cas, elles et ils ne vendent que de l'influence, du carnet d'adresse. Pas de l'expertise.

De l'expertise, il y en a chez les ingénieur.es, chez les soignant.es, pas chez les directeur.ices d'affaires publiques de promoteurs ou de Doctolib... Évidemment, la politique n'est pas un métier, et c'est incontestablement une bonne chose de mêler les profils, les parcours au service du commun. Mais un pays où la classe politique fait d'Anticor et de Transparency International des ennemis, un pays qui ne facilite pas la mise à distance des corruptions douces est un pays qui va mal. 

La petite musique du "tous pourris" relativise les dommages à l'oeuvre. Des rapprochements, des collusions, il y en eut de tout temps, mais jamais ô grand jamais les lobbystes n'ont eu le tapis rouge comme sous Macron. Ce dernier n'a pas "un passé dans le privé, où il a apprit les codes de l'entreprise". Non, il fut banquier d'affaires, un métier où l'on vend de l'influence et où l'on marie des fortunes. Son deal, comme banquier, fut de conseiller Nestlé quand ces derniers rachetèrent la division nutrition de Pfizer. Cela fait t'il de lui un expert en chef ou un intéressé en diable puisque cela lui fit gagner 2,8 millions d'euros ? Disons pudiquement que poser la question est déjà y répondre en grande partie. 

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