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20/09/2021

Faire peuple

Comme à chaque présidentielle, une surenchère va s'entamer pour "parler au nom du peuple". A droite, on attaque très fort en expliquant que la France n'est plus ce qu'elle était, à cause de la perte de blanchité et de catholicisme de son peuple justement. Brecht disait ironiquement "puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple", la nouvelle extrême droite nous dit très sérieusement "puisque le peuple ne représente plus la Nation, il faut changer le peuple: renvoyez les non blancs, faire plus de blancs". A toute berzingue sur la dimension identitaire du peuple pour tenter d'emporter le magot des électeur.ices de la droite extrême à l'extrême droite qui représentent à eux seuls désormais de quoi accéder au second tour à coups sûrs.

À gauche, on va enclencher la surmultipliée pour essayer d'aller récupérer les abstentionnistes, les gilets jaunes originels, ceux qui pestaient contre l'abandon des services publics, les fâchés pas fachos et autres électeur.ices qui votent soit blanc, soit ne se déplace plus. Puisque mathématiquement l'addition des forces de gauche est dramatiquement inférieure à celles de droite, il faut bien haranguer les foules au risque de sortie de route intempestives... En 2012, Laurent Bouvet publiait "le sens du peuple" annonçant que la gauche avait oublié les damnés de la terre en ne parlant qu'aux femmes, aux immigrés, aux LGBT et qu'il fallait retrouver "le sens du peuple". Une rhétorique séduisante de prime abord, empreinte de chevénementisme, mais qui en réalité se superpose très vite à celle du RN... Lutter contre les inégalités et les discriminations de front, c'est la mission non négociable de la gauche. Dès que l'on euphémise les secondes, on s'égare.

L'expression "faire peuple", peut s'entendre de deux façons : faire Nation ou singer le peuple. Dans le premier cas, cela signifie de s'attaquer aux chantiers homériques des inégalités de destins. Reconnaître que nous sommes plus dans un système "héritocratique" que "méritocratique" pour reprendre la formule de Paul Pasquali. Admettre, une bonne fois pour toutes que le problème ça n'est pas seulement la panne de l'ascenseur social, mais l'obsession pour l'ascenseur et une vision pyramidale de la société où une élite impose ses vues aux autres. Refaire peuple c'est aller vers davantage d'horizontalité en donnant plus de considération (y compris financière) aux métiers du lien, du soin, du care, à cette fameuse première ligne hypocritement encensé lors du premier confinement. Ça ne sont pas des mots, c'est un système éducatif, d'orientation, en conséquence. Ce sont des grilles de salaire, une fiscalité, afférente, pour remettre à plat, araser des différences insanes et reconnaître celles et ceux qu'on invisibilisent trop. C'est une oeuvre titanesque, de faire peuple, mais on n'a pas le choix.

Hélas, faire peuple, ça peut aussi être embaucher un coach pour "désapprendre à parler" comme Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand ou Arnaud Montebourg qui singent par de l'argot mâtiné de grossièretés ce qu'ils pensent être prisé des milieux populaires. C'est flatter des bas instincts, mythifier un passé inventé et idéalisé. C'est grossier, mais électoralement fructueux. Tristesse.  

 

 

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