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07/11/2021

Politique chronophage et endogamie

On peut le lire comme un progrès en termes d'égalité : dans un couple, l'homme met sa carrière entre parenthèses pour ne pas nuire à son compagne. Thomas Sotto, le présentateur de l'émission politique phare de France 2 s'arrête au nom de sa relation avec Mayada Boulos, dircom de Jean Castex. Sa co présentratice, Léa Salamé, avait elle même dû arrêter de présenter les journaux d'Inter pendant les européennes puisque son compagnon, Raphaël Glucksmann, était candidat. Chaque histoire d'amour est singulière et je m'en voudrais bien de juger l'une ou l'autre de ces relations, mais le fait est que la France détient la palme en termes d'endogamie entre politique et information, et ce depuis longtemps. 

Le phénomène était documentée et Acrimed montrait bien de façon critique ce que le systématisme de ces couples avait de pervers pour la démocratie : DSK et Sinclair, Ockrent et Kouchner, Boorlo et Schoenberg, Marie Drucker et Baroin, Pulvar et Montebourg, Trierweiler et Hollande... Sarkozy et Chirac avaient eux mêmes eu des liaisons avec des journalistes stars en marge de leur couple (Anne Fulda pour l'un, Jacqueline Chabridon, pour l'autre). Dans "les nouveaux chiens de garde" Serge Halimi pointait les manquements déontologiques évidents que ces questions posaient, mais ça a continué sans jamais s'arrêter jusqu'au deux relations citées plus haut. Jean-Michel Blanquer a quitté son épouse pour une éditorialiste BFM, Anna Cabana, Caroline Roux a épousé le dircab de Sarkozy, Laurent Solly, Vincent Peillon avec une journaliste de l'Obs, Sapin s'était remariée avec une éditorialiste des Echos et j'en oublie sans doute des tas car je ne lis pas de Tabloïds, tout cela je l'ai appris a posteriori, quand le "conflit d'intérêt" de la relation oblige l'un ou l'autre (souvent la femme, donc) à se mettre en retrait. 

Toutes ces histoires ne sont pas des rencontres de jeunesse, mais exclusivement des relations nouées au pouvoir et en disent long sur la folie chronophage de la vie politique à la française. Nous sommes le pays au monde où ces relations endogames sont le plus fréquentes précisément à cause de notre pratique journalistique : pas assez d'entretiens et d'interviews claires et franches publiques et ouvertes. Pour avoir des infos, des scoop, pour que les politiques se lâchent, il leur faut des déjeuners isolés, des dîners, des week-ends même au prétexte fallacieux d'un meeting ou autre université d'été... Ceci n'est pas anecdotique, c'est un facteur très profond du malaise vis à vis de la politique, qui fait que nombre de français.es refusent de s'investir, pensent qu'il faut être fou pour le faire... Je les comprends. Quand on m'a demandé si j'allais "m'impliquer dans la campagne à gauche pour 2022", ma vie personnelle est la première raison qui m'a fait dire non. Huit années à diriger un Master en communication politique m'ont fait observer le rythme littéralement intenable de mes ancien.nes étudiant.es membres de cabinets ministériels. Fatalement, vous n'avez plus de vie hors du politique et donc plus de vie amoureuse non plus. Qu'on me permette de préférer ma vie à une campagne... Et je crois que nous sommes très nombreux et surtout très nombreuses à vouloir changer cela. Le programme "Investies" lancée par Quitterie de Villepin identifiait les freins à l'engagement des jeunes femmes en politique et la disparition d'une vie intime était haut dans la liste. Récemment, Alice Barbe a lancé son Académie des Futurs Leaders et elle aussi a reçu moins de candidatures féminines, par auto censure ou complexe de l'imposteur, sans doute, mais évidemment pour la même raison. Rendre la vie politique moins chronophage, plus naturelle, plus compatible avec une vie "normale" devrait être une priorité que ne voit pas ceux qui vivent définitivement trop entre eux... 

 

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