14/04/2022
Respectez le deuil de l'espérance Insoumise
Depuis dimanche soir, à côté de la colère, je sens monter la lente résignation de devoir monter Macron, dimanche. Ce vote sera à la fois, pour ne pas dire "en même temps", évident et impensable. Il me semble que pour des millions de personnes qui ont voté Mélenchon, cet ascenseur émotionnel est partagé.
Dans mon cas, ce vote est évident, car mes aïeux s'appelaient Glassberg, connurent les pogroms en Ukraine il y a plus de 100 ans (l'histoire...), ceux plus proches fuirent la France juste avant la débâcle de 1940 et évitèrent la Shoah de peu. Plus près de nous, je me souviens du crâne plein de sang de mon grand frère, qui n'a pas la même couleur de peau que moi et qui servit de défouloir aux poings américains d'une bande du GUD. Je sais bien que rien n'a changé, que la même violence, la même lâcheté, la même haine aveugle est là aujourd'hui et que la présence de Le Pen au deuxième tour impose évidemment de voter pour celui ou celle qui n'est pas fasciste, en face. Car quand les fascistes prennent le pouvoir par les urnes, ils ne le rendent pas.
Ils casseront les services publics plus encore que Macron, remercieront tout autant les riches (Le Pen a jugé les 60 millions de salaire de Tavares cette année "choquante, mais moins que d'autres", je dis ça à mes amis qui pensent qu'elle a "une fibre sociale) et n'hésiteront pas à se torcher avec les conventions internationales pour enfoncer les plus fragiles. D'où l'évidence indépassable.
Mais c'est en même temps impensable. Depuis le début, ivre de lui même, Macron et sa majorité se sont enfoncés dans l'injustice sociale, fiscale, écologique et le racisme décomplexé. Même si voter n'est pas cautionner, mettre ce bulletin dans l'urne me fait autrement plus mal qu'il y a 5 ans, quand il n'avait comme passif "que" du mépris de classe pour les ouvrières "illettrées" de Gad, sa loi économique avec cars low cost et son autre sur le secret des affaires. C'était moche, mais pas sa République Bananière défendue par les LBD. Je les hais. Je les hais et ils me le rendent bien. Je ne compte plus les emmerdes au boulot, les annulations ou empêchements de contrats que j'ai eu pendant cinq ans car j'étais "bien, mais trop politique". Je les hais, mais je peux les haïr, écrire que je les hais, que je les méprise, c'est précieux. Si nous basculions en régime fasciste, je pourrais l'écrire une fois, puis mon compte serait bloqué, à la deuxième je serai en garde à vue ou ce genre de choses. Je mesure la différence...
Donc impensable et pourtant évident. Mais c'est le 24, que j'irai. Les appels, les injonctions, depuis le dimanche avril à 21H me rendent fou de colère. Une personne, une voix et ces votes sont effectués le 24. Il n'y a pas de prime au zèle. Yannick Jadot, le Agnan du barrage qui leva la main dimanche à 20h02 pour dire qu'il voterait Macron ne pèse toujours qu'une voix et son électorat, pas beaucoup. Pas de quoi la ramener... Leurs procès, leurs oukases sur le manque de droiture, le manque de zèle, sont intolérables. A 20H02, Mélenchon a répété 4 fois, 4 fois !, "pas une voix à Madame le Pen". Alors, non, il n'a pas appelé à voter Macron. Ça n'est pas son rôle et surtout ça n'était pas le moment. Respectez le deuil de l'espérance Insoumise.
Je voudrais juste rappeler à ces petit.es marquis.es de la bienséance que leurs champions ont maintenu la gauche en état de mort clinique, n'ont jamais su rallumer la flamme. Depuis des années, les scores des candidats de gauche étaient tous désespérément, lamentablement bloqué à un chiffre. Bien avant le "vote utile", Mélenchon avait crevé ce plafond, avait ranimé la flamme. Je sais bien qu'il n'a pas rassemblé 22% des électeurs par conviction, mais il était déjà à 15% avant que ça ne cause stratégie. Il avait déplacé des marées humaines à Paris, Toulouse, Bordeaux, Lyon et Marseille gratuitement, quand les autres candidats de gauche peinaient à remplir des Zénith... Il est le seul et unique à avoir redonné l'espérance si cruciale. Ça n'a pas de prix pour l'avenir.
En 2017, déjà, les commentateurs tombaient sur les Insoumis en disaient qu'ils seraient "1/3 à voter le Pen au second tour". Ils furent 7%. 7%, c'est peu. C'est déjà plus que Jadot, mais ça reste insignifiant. Ils ne seront pas tellement plus à franchir le rubicond cette année. Sans doute de très nombreuses abstentions, mais des millions d'Insoumis.es vont prendre leur responsabilité, et nonobstant s'être fait cracher dessus par la Macronie depuis 5 ans, venir leur sauver le cul pour sauver la République. Ils vont venir, non par envie, mais parce que la Macronie est déplorable, est nulle et que leur nullité est telle qu'ils ne s'en sortent pas seuls pour écarter le Pen, alors on va faire le taff.
Mais ne nous y trompons pas, camarades, le bloc bourgeois fond et ne sera jamais majoritaire, dans 5 ans. Leur candidat.e sera balayée par un autre bloc. On aura alors le choix entre un bloc réactionnaire raciste et un autre populaire au service du progrès social et écologique. S'agit de se préparer tôt et de pas se déchirer par anticipation sur la promptitude à voter pour une crapule libérale. Chaque chose en son temps.
21:03 | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
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-"ces petit.es marquis.es de la bienséance" : entre
amis ( es ) on peut tout se dire ...Encore un petit effort , Castor !
Écrit par : Léo | 16/04/2022
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-"mes aïeux s'appelaient Glassberg, " et ceux de Zemmour ?
Écrit par : Jean-Marie | 16/04/2022
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-" Car quand les fascistes prennent le pouvoir par les urnes, ils ne le rendent pas." Castor a fini par comprendre ; mieux vaut tard que jamais!
Écrit par : Jacques Aubin | 16/04/2022
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