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08/07/2013

40 ans après...

15844546-40-ans-d-39-experience-etiquette-doree-avec-ruban-illustration-vectorielle.jpgDéjà dans le roman de Dumas, 20 ans après, les Mousquetaires font peine à voir. Ils ont pris du poids, des rides et dégainent moins vite la rapière. Mais cela s'appelle la vie. En revanche, la monotonie de leur existence les accable. Deux décennies à répéter les mêmes refrains, les mêmes ruses, bottes de Jarnac et coups de fourbe ; les mêmes filles lutinées, les mêmes souverains à protéger, ça use. Alors, imaginez le double... Quarante années consécutives avec le même scénario à quelques variantes près, sans que jamais le dialoguiste pense à renouveler ses lignes et on imagine bien que plus personne ne lirait. Malheureusement, ce n'est pas de littérature qu'il s'agit. Sinon, on changerait d'auteur. Je parlais malheureusement de politiques et j'ai comme le sentiment que le jour où l'on tentera vraiment de changer le casting, ça ne sera pas réjouissant...

40 ans de crise, 40 ans de crise économique et de crise de la parole pour parler de cette crise. Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde écrivait Camus. En l'espèce mal parler de la crise, c'est plutôt mal la penser. On ne voit pas un seul dirigeant ayant eu à gérer les destinées du pays s'interroger sur la nature de la crise. LCP a fait une très bonne rétrospective sur ces 40 années, que l'on peut revoir l'émission

Ce qui frappe, c'est de noter qu'aucun d'entre eux ne s'interroge sur le capitalisme et surtout la croissance. Depuis 40 ans, une immense majorité de ces gouvernants n'a pas fondamentalement remis en cause ses convictions sur l'économie. Pour détourner Marx, philosophie de la crise, crise de la philosophie. Pendant tout ce temps, un grand nombre de mots clés/malles/valises/ou sac à dos : réforme, efforts, dur, il faut dire la vérité ou encore "réduction", "réalisme"... 

Si l'on prend ces politiques au mot, ce qu'il y a de proprement fou est de noter le peu de changements intervenus comparée à la grandiloquence des discours et l'ambition des programmes. De quoi décevoir de la capacité du politique à changer le monde. Evidemment, pendant ces 40 années, le contexte géopolitique a changé, fin de la guerre froide et triomphe sans partage de l'idéologie yankee. Mais justement, le mainstream libéral s'est répandu dans toutes les instances, notamment au sein de l'Union Européenne avec un seul Saint Graal : la croissance. Chez nous, en 83 on disait qu'elle était partie et ne reviendrait pas et pourtant, il fallait y aller. Aujourd'hui, c'est cela qui me surprend le plus : de très nombreuses voix disent qu'il n'y a plus de croissance et pourtant d'aussi nombreuses entreprises parlent de 10 à 15% de croissance par an pour leurs boutiques. Cherchez l'erreur. Deuxième truc proprement fascinant, le discours archi dominant disant qu'il faut aller retrouver de la croissance pour réussir le désendettement et réduire les déficits publics. Ha ? Mais les Etats-Unis sortent de soixante ans de croissance et atteignent bientôt les 20 000 milliards de $ de dettes. Idem pour le Japon et leurs 200% de dette. La Chine des années 2000 est sur un rythme de 10% de croissance par an et la dette grossit. Je ne sais pas quand viendra l'âge de raison, mais je crains que pour l'heure on soit toujours dans la middle life crisis....

07/07/2013

L'autre triple A

624_341_photo_1326468299189-1-0.jpgHier soir l'été avait enfin pris ses quartiers. Tous les chromos étaient réunis dans le jardin calme qui nous accueillait : une très grande tablée, un barbecue et une réserve très importantes de flacons. Au bout d'un moment (il devait être 6 verres et 2 bières, donc assez tôt) la discussion se fit légère et grave à la fois : comment concilier le plaisir, l'intérêt et les intérêts dans le boulot. L'amusant est que j'étais entièrement en accord avec les propos de mon interlocuteur qui se trouve être musicien. Il paraît que chez eux (c'est évidement une grande famille où tout le monde s'aime) cette équation se résume à un triangle : l'Ambiance, l'Artistique et l'Argent. Un nouveau triple A.

Et à l'heure des choix, savoir si l'on s'embarque ou non dans une nouvelle aventure professionnelle, il semblerait qu'il faille toujours avoir au moins 2 des 3 côtés du triangle. En réalité, la pratique dément la théorie dans la mesure où les triangles à 3 côtés n'existe pas. Ou si peu. Mais il était assez amusant de voir que ce théorème s'applique à tous les free lance et indépendants de France. Les fonctionnaires et salariés associatifs n'ont pas à se poser la question de l'argent, qui est géré pour eux par des grilles et des conventions collectives. Pour les salariés du privé, les choses varient trop et il faudrait 17 notes pour détailler l'éventail de cas différents donc passons... Mais pour les indépendants, les tensions sont toujours celles résumées par le brillant violoncelliste. L'argent constitue souvent un rapport temps/emmerdement, et il faut un nombre d'euros proportionnels au sacrifice que l'on a l'impression de faire par rapport à ses valeurs, ses engagements ou de façon moins grandiloquente, ses envies. A l'inverse, l'artistique se résume très (trop...) souvent à l'équation temps consacré/kopecks gagnés ; rares sont ceux qui réussissent à vivre de leur passion. J'en connais 1 ou 2. En revanche, je connais des tas de free lance qui consacre de 10% à plus de 50% de leur temps à vivre pleinement leur passion, Violon d'Ingres ou tocade, tout en sachant pertinnement qu'ils n'en vivront jamais. Et le reste de leur temps, ils vont chercher leur pitance, mais le coeur léger de savoir qu'ils retourneront toujours à leur passion. Ce supplément de vie, cet A majuscule et majeur, rend le quotidien plus léger. Puisse tout le monde trouver le sien un jour, mais à voir les gueules d'enterrement qui écrasent les métros à heure de pointe, je pense que nous en sommes encore loin. Moi j'ai le mien, c'est pour cela que je souris toujours comme un imbécile heureux.

05/07/2013

Logement : quand les vraies fractures sont territoriales et générationnelles

logement 4.jpgLe pouvoir d'achat, ce serpent des mers des dirigeants politiques contemporains, ne se calcule plus à l'aune du prix de la baguette de pain ou du litre de super. Il se concentre en réalité sur ce qui vous reste hors dépenses contraintes. Or, celles-ci ont doublé en près de 20 ans pour deux raisons : hausse du prix de l'énergie et surtout du logement. Et c'est là où les inégalités se renforcent car cette montée des prix du logement ne concerne pas 4 français sur 10. Du tout. Il y a en France 40% des propriétaires qui ont fini de rembourser leurs traites. C'est juste énorme. Pour eux, les hausses d'EDF ou du prix de la baguette sont moindres... Bien sûr, il faut relativiser : il n'y a pas 40% de nantis, une grande partie de ces propriétaires sont retraités et donc sans possibilité d'augmenter leurs recettes pour faire face à des hausses de dépenses de santé ou des imprévus. Néanmoins, en cas de cataclysme, 40% des français peuvent récupérer une manne importante puisque le foncier français est très prisé, ce qui explique que notre patrimoine moyenne est le double de celui des allemands (prends ça, Merkel).

Par ailleurs, 16% des français sont propriétaires, mais n'ont pas fini de payer leurs traites. Là encore, derrière ce chiffre se masque des réalités très diverses (dans le premier aussi, on peut être propriétaire d'un cagibi ou d'un château) : on peut risquer de basculer dans la précarité car on a emprunté au taquet et en cas de perte d'emploi, de séparation ou autre, les affaires peuvent se gâter. Même sans ces menus tracas, l'histoire change selon qu'il nous reste un an ou vingt cinq de remboursements...

Enfin, pour les 44% français de locataires, ils se partagent quasiment équitablement entre le parc social et le parc privé. Ce qui signifie une moitié de locataires qui voient graduellement leur pouvoir d'achat augmenter à mesure qu'ils gagnent mieux leur vie, puisqu'ils ne peuvent sortir du parc social. Si au contraire ils perdent leur emploi ou sont bloqués, ils sont prioritaires pour aller vers des logements au loyer infiniment moindre que le parc social privé. Il y a donc environ un français sur 4 pour qui les questions de logement sont particulièrement épineuses avec des loyers qui grimpent (avant la loi qui doit les bloquer).

Bon, pour qui relit ces 4 chiffres, il y a fort à parier qu'ils ne correspondent pas à leur réalité. Pour deux raisons : votre âge, et votre adresse. Si vous avez moins de 30 ans, la proportion de propriétaire que vous connaissez n'est certainement pas de 56% et si vous avez plus de 50 ans, vous avez peut être la grande majorité de vos connaissances qui ont acquis un bien, même modeste. Là où les inégalités sont les plus fortes et qui justifient en elles seules, la dénomination du Ministère de Duflot "d'égalité territoriale". Dans certaines régions de France, on est quasiment au 1 pour 1 de demandes de logements sociaux. Autrement dit, il vous suffit de constituer un dossier pour accéder au logement social. Cela crée une fluidité telle que, de facto, le marché privé ne peut hausser ses prix sous peine de ne trouver de locataire. A contrario, si vous êtes parisien, la demande est de 10 pour 1 logement. Corollaire de cette asphyxie, les prix du privé peuvent augmenter, crééant une vraie fracture. Un couple d'amis vivaient dans un honorable 3 pièces du XXème privé. En accédant au logement social (sans piston, ça existe, faut déjà bien remplir les dossiers et correspondre aux plafonds de revenus) à 400 mètres de là, ils ont gagné 25 m2 en diminuant le loyer de 400 euros. Tant mieux pour mes potes, mais l'écrasante majorité des jeunes franciliens restent confrontés à un marché fou. Réussir à mettre un plâtre sur cette fracture là relève de l'exploit chirurgical à n'en pas douter. D'ailleurs, personne n'a tenté l'opération et préfère mettre des pansements au risque de laisser la blessure dégénérer en gangrène sociale...