02/05/2015
Know you're own busy
Un texte circule beaucoup depuis quelques jours, autour du thème "stop the glorification of busy", que l'on peut lire là. On ne peut évidemment qu'être d'accord avec l'auteur sur le sujet : oui, il faut cesser d'ériger le fait d'être débordé en modèle, d'en faire une gloire. Ce qu'il y a de vraiment étonnant par rapport à ce texte, c'est l'écho qu'il rencontre, on voit bien à quel point ce texte porte et qui le relaie, tous ceux dont la vie se résume à la sombre prédiction de la Boétie : une servitude volontaire.
Dans un pays qui compte 3,5 millions de chômeurs, 7 millions qui voudraient travailler plus n'y a-t-il pas une indécence à se mettre soi même en situation d'être débordé ? Les inégalités s'amoncelant, nombre de travailleurs à taux plein de 35h ou moins, qui pourraient avoir plein de temps libre, ne l'ont pas car ils font entre 3h et 4h de transports quotidien pour travailler ou parce qu'ils sont dans une situation de famille compliquée ; monoparentale sans grand parents à proximités, sans ressources pour avoir de l'aide à la garde ou au ménage, on se retrouve vite débordé sans pour autant fréquenter le Rotary....
Si autant se sentent débordés, c'est qu'ils se sentent rassurés par une multitude de responsabilités, de contacts de rendez-vous : dans une France où la peur du déclassement est de plus en plus forte, où près d'1/4 français a peur de se retrouver un jour à la rue, cette suractivité peut être lue comme un moyen de chercher à se rassurer. Assez compréhensible lorsque vous ouvrez des journaux vous expliquant grosso modo que vous n'êtes jamais assez modernes, assez réactifs, assez ceci... C'est soit la réaction outrée, la contestation, soit le débranchage civique, soit la course du hamster...
Pour autant, un truc m'a gêné dans les commentaires autour de la sympathique tribune de l'écrivain. Tout le monde louait sa vision très zen du monde et tout le monde voulait, tout à coup, cesser tout pour se repaître des joies de faire les courses, boire l'apéro, écrire et dîner avec des amis... Ce qui m'a ennuyé c'est que cette vie correspond en réalité à très très peu de monde mais tous ont feint d'en rêver... Un peu comme pour Rabhi qui fait bander tous les bobos parisiens, mais qui est sérieusement prêt à aller cultiver son lopin tous les jours ? Soyons sérieux...
Aussi, je crois que le gars a raison, mais à condition que chacun trouve son "own busy". Certains ne se sentent pas en surchauffe avec des rendez-vous de 8 à 20h, c'est leur routine, ils ont besoin de ça et il n'y a pas de mal à ça. Par ailleurs, ces choses là changent au cours d'une vie et on a le droit de surinvestir son travail à un moment sans être traité de workaholic, ou de surinvestir sa vie de famille quelques années sans être traité de tire au flanc... A titre perso, j'ai trouvé une parade : je me dis tout le temps débordé. Pas que je le soit au sens managérial du terme, pas pour faire cool, mais pour qu'on ne me cale pas plus. Pour moi, 4 livres par semaine, c'est vital et je n'y déroge pas, en dessous de deux je me sens franchement sale donc quand ma charge de travail ne me laisse le temps que de lire un ou deux livres dans la semaine, je m'estime salement débordé... Je n'ai jamais annulé un dîner, ni même un apéro. Non pas que je sois un Jean Foutre, mais je place mes limites et au-dessus de tout cela, le temps libre avec mes amis et évidemment l'amoureuse. J'ai trouvé mes limites de débordement et ça fait un bien fou. Je vous souhaite de trouver les votres.
19:31 | Lien permanent | Commentaires (0)