Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/04/2015

La primaire à droite, ultime chance du PS

a-PRIMAIRE-UMP-640x468.jpgDans un long entretien au Monde, Thierry Pech, délégué général de Terra Nova, explique doctement que la primaire joue un rôle de levier, de rampe de lancement pour la présidentielle, en se fondant sur l'exemple du PS en 2011. Et il file doctement le parallèle entre les deux partis. Etonnant. Etonnant de naïveté ou de mauvaise foi, ou d'aveuglement, bref, nier les différences non pas seulement entre les deux partis, mais entre les règles du jeu et le casting, biaise le tout.

La primaire n'est pas naturelle dans la vie politique française et, en réalité, nous manquons de précédents fiables. En effet, premier biais dérangeant dans l'analyse de Pech, il ne revient pas sur l'absence disons accidentelle, de DSK en 2011. Or, il aurait balayé tout le monde. Hollande peut bien refaire le match, se draper dans ses habits de président, il reste le seul à penser qu'il aurait battu le président du FMI avec sa formule "oui Dominique est plus populaire que moi car il sait parler dans les rendez-vous internationaux, mais je suis plus populaire à Chateauroux". Sauf que pendant la primaire on fait plus rêver comme lors des raouts internationaux que les meetings du syndicat d'initiative de Chateauroux. Preuve en est la primaire de 2006, où Royal l'avait emporté sur Fabius et DSK, uniquement parce qu'elle était en tête des sondages et que, tous les amateurs de PMU le savent bien, si d'aucuns aiment prendre des risques, le favori le reste jusqu'au bout et cette grosse cote ne fait que croître dans un processus bien connu d'auto-validation. Or, les primaires se fondent le plus souvent sur un processus de confirmation d'un favori (Hillary 2016) ou alors de validation d'un outsider (Obama 2008). En revanche, lorsque 2 favoris s'affrontent, ce n'est pas comme en mathématique, deux plus, mais bien un gros moins final... Et l'on sait que le conservatisme inconscient de nos institutions empêchent à un outsider d'émerger au d'un d'un certain seuil (effet Montebourg à gauche, le Maire à droite : ils montent car on aspire au renouvellement, mais au dernier moment, on craint qu'ils n'y arrivent pas et on retombe dans l'auto-censure...)

Premier hic pour l'UMP donc, ils n'ont pas un favori, mais deux. Et ça va compliquer la tâche pendant l'année à venir. Juppé favori des sondages devra continuer à distiller quelques tacles, soit directement soit par ses snipers Gilles Boyer et Edouard Philippe. Du coup, Sarkozy, peu connu pour sa capacité à surmonter les tracas et diverses attaques sur sa personne, devra en remettre une louche et attaquer. A mesure que l'élection approchera, les coups se renforceront et les dégâts s'intensifieront. Le précédent duel à droite Copé/Fillon montre que dans ce camp, le ridicule ne tue pas, mais peut exterminer le parti.

Second hic, l'UMP n'aime pas les outsiders. Là où le PS avait permis de façon bonhomme à Valls et Montebourg d'émerger gentiment pour qu'ils acquièrent une légitimité de ministrable voire premier ministrable, l'UMP doit composer avec des outsiders qui ont déjà été ministre et visent plus loin. Or, Sarkozy est excédé par l'arrogance de Le Maire et encore plus de son ex chouchou NKM, au point qu'il tente de verrouiller la primaire en compliquant les conditions d'accès. Ca laissera des traces. Les équipes de Montebourg et plus encore de Valls se sont très largement impliquées dans la campagne par la suite. Je doute que les jeunes rassemblées par BLM se rangent derrière Sarkozy... 

Au final, ça n'est pas que cela m'enchante puisque je ne vois vraiment plus de différences entre ces deux partis, mais les analyses répétées ad nauseam sur la primaire UMP me font doucement marrer et je maintiens que ça constitue sans doute la plus grande chance pour le PS de dépasser son adversaire historique en montrant que dans le Titanic Solférinien, on reste unis en espérant que l'histoire des paquebots ne se répète pas... 

16/04/2015

Chronique d'un quiproquo médiatique ordinaire

9782021123623.jpgIl y a des livres faits pour passer à la télé et à la radio. Des livres creux, mais où l'auteur a rodé son storytelling avec les trois mêmes anecdotes, exemples et blagues pour faire le tour des plateaux. Alors, à chaque fois, pour le spectateur ou auditeur gogo, la déception est immense en ouvrant le livre. Avec "la démocratie contre les experts" de l'historien Paulin Ismard, c'est le phénomène inverse qui est à l'oeuvre et c'est étonnant. "Inverse" j'exagère, mais disons que l'éditeur a bien piégé les médias. Comme le souligne mal le titre, l'essai traite de la Grèce Antique. C'est tout. Dans l'introduction, l'auteur glisse une demie phrase laissant entendre que les problématiques soulevées dans son livre sont "ô combien contemporaines".

Pour autant, par la suite, le livre parle de Platon, de Protagoras, d'Ulysse ou de Nicomachos... Rien, depuis l'introduction jusqu'à la conclusion, ne parle de l'actualité. Aucune référence ou facilité comparative, jusqu'à la conclusion où Ismard lui même reconnaît que le parallèle est branlant... "l'analogie, assurément boiteuse, a pour vertu de faire apparaître, par contraste avec notre propre condition politique, une double dimension constitutive de l'esclavage public des cités grecques. Elle relève tout d'abord le contrôle direct que la communauté dans son ensemble entendait exercer sur plusieurs domaines relevant pleinement de sa souveraineté (la force publique, la monnaie, les écritures civiques) et qu'il était impensable de confier à des citoyens, fussent-ils experts". Voilà. Pour ces quelques phrases et un délire d'une page à peine où Ismard imagine que nos experts de la BCE et autres archives nationales étaient des experts, ces quelques paragraphes, insignifiants à l'aune du livre, sont repris intégralement en quatrième de couverture et j'imagine sur le communiqué de presse. Ce que lisent les journalistes, pris en flagrant délit de non lecture comme Taddéï qui reçoit Paulin pour parler de la démocratie aujourd'hui. L'émission est bavarde et assez mauvaise. Laurent Joffrin et Nicolas Bouzou débit des conneries avec une régularité helvétique. Cherchant un contrepoint, Taddéï consulte Ismard et cherche à lui faire dire que "les élites" d'aujourd'hui devraient s'inspirer d'Athènes. Refus d'Ismard, cheval têtu qui demande une redéfinition "d'élite" l'animateur mal à l'aise ne parvient pas à ses fins... Le procédé s'est même reproduit sur France Culture (!) à midi... Si vous ne voulez pas parler de la Grèce, n'invitez pas un historien spécialiste de la Grèce Antique, auteur d'un excellent livre, érudit et élégant, mais qui ne nous éclaire pas forcément sur l'actualité. Je serai tenté de dire qu'on s'en fout, voire que c'est mieux ainsi eu égard à la surenchère de projecteurs braqués sur notre petit présent...

12/04/2015

Un livre inutile. Dans un monde parfait...

9782340003989.jpgJ'étais sans doute une des pires personne à qui donner ce livre. Ayant quitté par choix le monde merveilleux du salariat et ayant la chance de ne pas être contraint d'y retourner, je sais qu'à part une improbable coordination de circonstances exceptionnelles (poste passionnant, travailler avec un(e) personne supérieurement intelligente, qui vous aspire dans son sillage, des conditions horaires et pécuniaires sympathique, bref, pas la majorité des postes) je n'y reviendrai jamais. Alors, un livre sur les tracas des managers pressés...

Depuis que je travaille, mes rencontres, discussions ou interviews avec des centaines de managers m'ont confirmé dans l'idée que cette qualité professionnelle était aussi essentielle que mal prise en compte. Je ne dis pas enseigner, mais prise en compte. A force de répéter comme un mantra que "le management, c'est du bon sens" ce qui n'est sans doute pas faux, on euphémise l'importance de bien s'occuper de ses équipes au motif spécieux que cela s'apprendrait sur le tas. Il y a sans doute des prédispositions, mais il y a aussi, beaucoup, à écouter et à se remettre en question. Au fond, le mauvais manager est celui qui est incapable de se remettre en question. Bonne nouvelle, le livre est d'accord avec cette vue.

Autre bon point, les remerciements. Ceux là même qu'on ne lit jamais. Qu'apprend-t-on ? Que l'auteur remercie ses clients et ses étudiants qui ont bousculé ses propres vues sur le management. Mise en abime de l'auteur manager d'interviewés. Au-delà de la méthode, c'est la prudence de l'auteur qui est appréciable. Conscient de la difficulté qu'il y aurait à donner des leçons, il distille des vade mecum plein d'empathie : prenez ceci, pensez à cela, n'oubliez pas de regardez ça. S'il n'était écrit dans un style propre aux consultants, je l'aurais lu d'une traite... J'imagine que la déformation professionnelle était trop forte pour que ce consultant chez Deloitte écrive autrement que dans cette saloprie de novlangue managériale policée et exempte d'ironie. Tant pis, le fond vaut tout de même le détour.

Il vaut le détour parce qu'avec presque 1/5 salariés en mal être au travail, le rôle des encadrants est plus que jamais primordial. Parce qu'avec 72 mails professionnels par jour en moyenne, quand on songe à ce qu'est une moyenne, la mission du manager ressemble parfois à celle d'un Saint Bernard numérique. Parce qu'avec des frontières de plus en plus ténues entre vie professionnelle et personnelle ou, pour le dire plus crûment, avec l'invasion du privé dans l'intime, le bon manager sait mettre des barrières. Il sait repérer les faiblesses, encourager les progrès, éviter d'humilier, faciliter la cohésion en évitant de tirer la couverture à lui. Il sait recruter aussi, quand les besoins sont évidents. Or, nombre de manager à courtes vues pensent que cela "dégraderaient" leur performance et ne le font pas. Pour rappeler tous ces préceptes essentiels, ce livre est utile. Plus encore que pour vous, offrez-le à votre manager, en le délestant d'un dossier, par exemple pour lui laisser le temps de tout lire. Vous récupérerez bien du temps libre, bien précieux, par la suite. Merci à toi, Marc Jumbert, pacificateur de nos quotidiens déambulants.