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14/08/2015

Croissance verte n'est pas croissance du PIB

Il y a quelques jours, nous nous sommes rendus dans la Chapada Diamantina, une région désormais chérie des touristes qui viennent arpenter les chemins de randonnées et se goberger devant les merveilles de cascades, grottes et autres piscines naturelles. Je dis désormais, car jusqu'en 1996, cette région comme son nom l'indique était surtout connue pour son exploitation de diamants. En discutant avec notre guide de randonnée sur l'avant et l'après, je suis frappé que l'on ne mette pas plus ce genre de récit en avant pour évoquer ce que devrait être une "croissance verte".

Le problème de la croissance actuelle c'est qu'elle est portée par des fausses valeurs qui ne profitent qu'à une poignée. Jamais une entreprise n'a pesé autant de capitaux en si peu de temps qu'Uber dan l'histoire de l'humanité, disent, grandiloquents, les commentateurs boursiers. Soit, et alors ? Ces dizaines de milliards ont-ils apporté un bien être social à mesure ne serait-ce que du dixième de ces sommes ? Evidemment, non. Idem pour Facebook, Google, Amazon... Au contraire, la région de San Francisco devient invivable, ou à tout le moins inlogeable et le nombre de SDF dans la plus riche région du monde n'a plus rien à envier à ceux d'un pays en développement. Vous appelez ça croissance, sérieusement ?

Si on se contente de ce seul indicateur, le PIB, la Chapada était plus riche il y a 20 ans. Grâce aux extractions de mines de diamants, quelques exploitants étaient devenus latifundistes et pouvaient exaucer leurs caprices comme rejoindre en jet privé les grandes métropoles (la région est enclavée, il faut 7h de bus depuis Salvador et les nababs n'ont jamais 7h à perdre...). Hormis ces happys fews, les habitants du coin étaient très pauvres, le taux de chômage ahurissant puisque rien n'était développé fors les mines, l'éducation lamentable (à quoi bon s'attarder à l'école pour devenir mineur ?) et la criminalité galopante.

En 1996, donc, l'Etat central a mis fin à ses conneries et décrété que l'exploitation de diamants devenaient toxique pour l'écologie puisqu'il fallait trop creuser, ils ont dépêché une police militaire empêché toute nouvelle exploitation. Voilà la région privée de son industrie et son PIB dégringole. Commence alors une mutation économique en économie verte, centrée autour d'un tourisme écologique avec beaucoup de marches et peu de voitures. Tout le monde a un job puisque les hôtels ouvrent, et les restaurants, les centres de guides et autres services associés aux touristes. Notre guide, dont la femme est coiffeuse, nous vante ce modèle et effectivement, en marchant dans les rues de Lençois le soir, il n'y a pas de mendiants, pas de SDF et peu de désoeuvrés, les jeunes du coin ont un boulot et des perspectives.    

Notre guide nous explique qu'ici les salaires sont modestes, mais les terrains aussi et les restaurants ici. Donc monétairement, c'est faible, mais on y vit bien. Comme en France où les bobos quittent un Paris trop onéreux, il connaît des avocats et journalistes de Sao Paulo qui emménagent à Lençois pour devenir guides ou ouvrir une agence de voyages. Et avec eux, des profs arrivent, le niveau de l'école monte. Et la vertueuse boucle est bouclée.

Je ne suis pas naïf au point d'y voir un programme politique global, une transformation écologique repose sur une transformation énergétique plutôt que touristique. En revanche, cet exemple devrait nous aider à voir l'impasse de la croissance actuelle, porteuse de fausse et même de contre valeur sociale. Sur ce, je retourne marcher sur la plage, ce qui ne coûte rien et fait un bien fou.

 

 

06/08/2015

L’opinion n’est pas un délit journalistique

L’Opinion est depuis quelques temps dans les revues de presse, mais il s’agit du titre du journal libéral de Nicolas Beytout. Pas l’opinion au sens où les journalistes en émettent une pour agrémenter leurs papiers. Celle si s’étiole de plus en plus jusqu’à disparaître des titres. Les décideurs aiment dire qu’ils vouent un culte au journalisme américain « facts, facts, facts » avec sa précision que la presse française ignore, paraît-il, et se vautre dans l’approximation. Le plus amusant est que les tenants de ce genre de thèses écrivent tous des tribunes qui, sous couvert d’impartialité, sont des brulots contre le droit du travail et la fiscalité redistributive. Facts, facts, facts, my ass…

Récemment, alors que je prête un intérêt mou à l’actualité française vu du Brésil, je suis tombé sur une sortie de Morano de toute atrocité, comme elle sait le faire. Elle explique, en somme, que les malheureux migrants qui sont en France auraient mieux fait de rester chez eux se battre et elle de conclure fièrement « heureusement qu’on a pas fait ça, les Français, en 39-45 ». Comment peut-on se contenter de citer ses propos sans commentaires ? Comment ne pas dire l’insulte immense faite à ces migrants et l’incommensurable ignorance crasse de ce que fut l’attitude des français en 40. Sérieusement ? Nadine, Jean Moulin n’était pas exactement la majorité du genre… Comme partout et comme toujours, peu de vrais héros, peu d’authentiques salauds (collabos zélés) juste une grosse majorité silencieuse qui voudrait bouffer, vivre normalement et que l’horreur s’arrête. Des gens obligés de fuir aussi, en 39, il y en eut légion, obligé de quitter le territoire sous peine de mort certaine. Les migrants actuels ne font pas exception.

Ca n’est pas compliqué de reprendre Morano, sur ce point. Ca ne mérite pas une rubrique « décodage » ou « désintox » ou que sais-je, juste la reprendre à la volée et mettre la pression sur les Républicains pour leur dire qu’un parti de gouvernement ne peut tolérer ce genre de personne dans leurs rangs. Mais les titres se contentent de neutres dépêches et si interview politique il y avait, il reprendrait les propos et demanderait à leur invité s’il assume ou condamne ces mots. C’est trop facile : de même qu’on se cache derrière des marionnettes pour contourner une supposée censure, certains se cachent derrière leurs invités pour livrer leurs flèches. Toute l’année, d’autres propos façon Morano seront distillés et toujours mis en écho par des interviewers et éditocrates qui n’oseront le dire tout le mal qu’il pense de tel ou tel, de peur que le ou la dit, ne vienne plus sur leurs plateaux. Les mêmes éditocrates qui réclament à longueur de journée du « courage » aux dirigeants politiques…