17/06/2016
Système vs populisme : le faux mythe de la poule et l'oeuf
Le principal problème de nos démocraties actuelles, c'est la démocratie. Représentative ? Une poignée de milliardaires, une cohorte de technocrates sortis des mêmes écoles, des mêmes moules, fréquentant les mêmes clubs, les mêmes restaurants et ayant les mêmes loisirs. Représentatifs, nos dirigeants ?
A mesure qu'ils s'isolent, se ferment, se déconnectent, la -légitime- colère monte. Une colère protéiforme dont il faut bien reconnaître, hélas, que ce sont les visages excluant, fascistes et racistes qui prennent le dessus. D'Orban à Fico, du Pis polonais au FPO autrichien, l'Europe se couvre de boue et aux Etats-Unis, celui qui était toujours considéré comme un pitre inoffensif, menace aujourd'hui très sérieusement d'entrer à la Maison-Blanche. Chaque fois, le point de départ, c'est la déconnexion.
Je déteste les thèses complotistes et l'explication par l'amalgame autour d'un club de Bilderberg qui contrôlerait l'économie mondial quand ce colloque, un peu fermé certes, n'a rien de secret, c'est une espèce de Davos premium (c'est dire) où les adoptes de Friedman et Von Hayek se gobergent de propositions plus libérales les unes que les autres. Pas besoin de caricaturer une réalité qui est caricaturale : il suffit de regarder la consanguinité que l'on ne retrouve même plus dans les villages reculés d'Auvergne entre élite économique, politique et technocratique. Pantouflages divers, allers-retours public privé avec les renvois d'ascenseurs afférents... Il y a quelque chose de proprement obscène à regarder ce spectacle, cette résurgence de la Cour d'Ancien Régime. Mais il y a plus obscène que leur actes ; leurs esprits. Ils ne comprennent pas ce qu'il y a d'indécent. Ils sont vraiment, sincèrement, authentiquement, coupés de toute réalité. Les exemples abondent toujours, dans le léger - l'animateur Nagui estimant qu'il fait du "bénévolat" sur France Inter par rapport à son indécent salaire de télé- ou dans le très lourd ; Jean-François Copé ou Emmanuel Macron estimant qu'ils se sacrifient pour la France avec des salaires miséreux quand ils pourraient gagner bien plus dans le privé. Ils le pensent sincèrement, ils le croient.
Ce même Copé a d'ailleurs été défendu par l'ineffable Guillaume Durand dans un article où ce navrant gazetier expliquait qu'il avait convié l'aigle meldois chez je ne sais quel étoilé au Michelin pour parler du chômage...
Dans tous les cas, nous sommes confrontés à une bulle hermétique qui protège ceux qui sont dedans de ce qui se passe ailleurs. Depuis la chute du mur, la "menace" communiste écartée, les libéraux se lâchent et ne voient pas les colères qui montent. 70% des ouvriers étaient opposés au TCE sur l'Europe en 2005 quand 80% des cadres sup" le plébiscitait. Les classes se reforme et on fait mine de l'ignorer. Les bulles ne protègent pas éternellement et quand elles éclatent, c'est douloureux.
Et elles éclateront à cause de ceux qui n'ont comme seul argument que de dire "hormis nous point de salut" c'est le seul argument qui reste à Juppé, à Valls et Hollande ou à Hillary Clinton, candidate plombée par un programme navrant et une campagne catastrophique. Au plus fort de la tempête, tout ce qui lui reste c'est la force de l'interdit populisme qui serait l'oeuf maléfique d'une poule systémique. Curieuse façon de voir les choses et de déni du fait que ses colères ne résultent que de leur propre cécité sociale.
12:56 | Lien permanent | Commentaires (7)
13/06/2016
Vivre en démocrates avec la barbarie ?
Pour ne vexer, viser, discriminer personne, j'ai choisi un non humain pour illustrer le propos. On peut répondre de façon un peu facile, que l'ordure qui a ouvert le feu dans la boîte gay d'Orlando hier n'avait rien d'humain. Mais c'est faux, c'est se leurrer.
Il était humain, américain. "D'origine afghane" nous apprend l'article, mais nés sur le sol américain, c'est donc que l'on nous instille l'idée que cette origine est importante car elle expliquerait l'acte : Afghanistan = islam = terrorisme. Bingo. Met-on en avant les origines de Beyonce ? D'Oprah Winfrey ? Bref... Il ne s'agit pas de minimiser, nier, faire l'autruche. Bien sûr, tous ces massacres sont commis au nom de Daech, mais pour mémoire 98% des victimes de Daech sont musulmanes. Faire de l'islam le catalyseur de la haine a tout d'un raccourci plus que spécieux.
Donc, Omar Mateen est américain, né en Amérique, il avait un boulot et n'avait aucun antécédent judiciaire. Nous sommes donc face à ce qui ressemble à un monstre que l'on ne pouvait prévenir, qui avait manifestement un problème avec l'existence de l'homosexualité, et puisque son ex femme nous apprend qu'il s'était adonné à l'exercice peu glorieux de la distribution de mornifles à visée éducative, on peut en déduire qu'il n'avait pas réglé un certain nombre de soucis de co existence avec l'altérité, qu'elle fut genrée ou d'orientation sexuelle. Pas un "fou" ça serait trop simple et ce, deux jours après qu'une "Mad Pride" s'est tenue à Paris pour essayer de modifier notre regard sur les personnes atteintes de troubles psychiques.
On sait, on sait que la guerre se déroule au Moyen Orient, et que ce sont les kurdes et d'autres rebelles aux motivations parfois discutables, qui sont en train de l'emporter. La palinodie des occidentaux qui, en quelques jours, se sont intégralement découvert Bachar compatibles et pro kurdes à de quoi surprendre. Et l'on sait que le Bataclan, le Danemark, mais aussi le Nigéria (avec plus de morts qu'en France, d'ailleurs...) et autres horreurs jusqu'à Orlando hier, ça n'est pas la guerre. Une guerre c'est de l'occupation, de la conquête de terrain, des mouvements de troupes et des butins (villes, femmes et enfants, devises). Là, rien de tout cela, uniquement la volonté de terroriser comme le dit l'étymologie de ceux qui prennent les armes. Les forces spéciales sont catégoriques : on peut limiter les guerres, on ne peut rien contre ceux qui sont prêts à mourir. Il nous faut apprendre à vivre en démocrates parmi ces barbares et ça n'a rien de simple.
Evidemment, depuis l'attentat, Donald Trump n'a pas manqué de réagir et l'a fait avec l'aplomb qu'on attendait ("redoutait", serait sans doute plus approprié) en expliquant qu'il allait durcir sa politique envers l'islam radical et que lui, contrairement à des doux rêveurs comme Obama hier et Clinton demain, il saurait faire. On bascule là dans un argumentaire qui n'en n'est plus un, un débat qui n'est pas possible, une conversation qui n'aura pas lieu : à l'intuition, voulez-vous aller vers ceux qui vous disent sans broncher : "je vais botter le cul des responsables" ou ceux qui vous disent sincèrement : "c'est compliqué. C'est très compliqué, l'essence des religions ne peut être mise en cause et il faut nous ouvrir davantage aux différences, faire de la pédagogie dès la petite enfance pour expliquer que tout le monde peut vivre dans sa singularité. Et après, avec beaucoup d'amour, beaucoup de solidarité et beaucoup d'explications, on sortira peut être de cet enfer". L'inconvénient avec la pensée de l'extrême droite, c'est qu'elle est très adaptée à la communication instantanée. Bref, on est dans la merde et la mauvaise nouvelle c'est que nous pourrions nous même aggraver la situation...
10:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/06/2016
Plus j'écoute Mosco (et ses avatars) plus je comprends les populistes...
Je n'ai rien contre Pierre Moscovici en tant que personne. Je crois qu'il est plutôt rigolo, et de plus, raisonnablement cultivé et noceur. D'aucuns lui reprochent même son goût pour les trop jeunes filles. Mais l'argument est heureusement moral et non légal (elles sont majeures) et je m'en cogne un peu, personnellement. Non je parle du Commissaire Européen. J'hésite sur le qualificatif idoine pour désigner le détenteur de cette fonction.
Comment vous dire ? Une chose est certaine, quand on l'écoute, on se dit que ceux qui critiquent le discours des "Nouveaux chiens de garde" au motif que leur discours déforme la réalité, n'ont pas tort. Leur critique acerbe des médias et des économistes "autorisés" à commenter le débat public est en deça de la réalité. C'est proprement terrifiant.
Invité de l'émission "question d'info" sur LCP (audience de 3 insomniaques et quelques névrosés comme moi) j'ai fini par démissionner de mon comptage, mais j'en étais à une bonne cinquantaine de "réformes" en moins de 10 minutes. Il semblerait que ça soit "important", et même "crucial" ou "décisif" de les faire. Jamais il n'explique le pourquoi, ni même le comment. Mais il martèle qu'il "faut" et "maintenant" sous peine de quoi des grillons s'abattront sur la France (pour les pluies diluviennes, c'est déjà fait).
Cette langue libérale a été passé au scalpel (ouch) par Eric Hazan dans un remarquable opuscule, "LQR, la propagande du quotidien". Ca reste indépassable et tristement d'actualité. Du TAFTA ou Traité Transatantique à la loi El Khomri, tous ces textes de régression profonde sont dictés par des gens qui ne prennent même plus de nous expliquer pourquoi. Alors, je les comprends, les régressions démocratiques, écologiques (le TAFTA est une immondice, de ce point de vue) et sociales sont compliquées à admettre. Mais quand on est fier de ses convictions, que l'on y croit, on les assume et on les formule. Je vois donc dans cette langue quasi leucémique, d'une infinie faiblesse, l'aveu d'une petite caste qu'elle n'a guère d'opinions... Le globi boulga qui leur tient lieu de langage masque mal le fait que toutes ces décisions sont prises au motif spécieux qu'ils pensent aux intérêts d'une caste avant de penser au bien commun, ce qui est plus complexe...
La faiblesse de leur langue, de leurs arguments et au fond de leur pensée est navrante. Mais ce qui est d'autant plus désespérant, c'est qu'ils ne prennent pas la mesure de leur responsabilité dans la montée de contestations à la Orban, Poutine, Erdogan, Kasczynski et consorts... Chaque fois des régimes flirtant avec la dictature qui sont une réaction à la "dictature larvée" des technocrates. Voir que lesdists ont été capable, au mépris le plus élémentaire de toute forme de justice sociale, de rayer 90% de l'ISF des 50 premières fortunes va malheureusement dans le sens d'un enfermement de cette élite. Ils vivent bunkeriser sans comprendre que la lame de haine qui monte est de leur faute. Plus j'écoute Mosco, plus je comprends les haineux. Je ne les justifie pas, mais je les comprends. Et je me lamente que la lucidité ne soit pas contagieuse...
18:01 | Lien permanent | Commentaires (7)