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25/05/2016

Les institutions aux abonnés absentes.

LogoInstitution-300x300.pngIl faudrait lancer une "alerte enlèvement" pour demander où est passé le débat sur les institutions. Technique, poussiéreux, vétilleux, secondaire... Les excuses pour ne pas aborder le sujet sont légions. On argue que ça n'est pas une priorité en période de chômage. Billevesées... C'est l'unique priorité. L'unique car on ne peut pas faire de la politique différemment avec les institutions actuelles. D'ailleurs, la phrase d'Einstein selon laquelle on ne peut sortir d'une crise avec ceux qui nous y ont mené tourne en boucle sur les réseaux.

Or, c'est fort énervant, mais la surenchère de rodomontades et de postures des impétrants à la présidentielle fait office de débat institutionnel. Or (bis), qui sont lesdits impétrants, sérieusement ? Ceux qui nous ont placé là. Fillon, qui fut 5 ans premier ministre sans rien faire promet là une révolution de Palais. Ca n'est plus un politicien, c'est Gérard Majax. Et il n'est pas le seul, on a une bonne idée de ce qu'a fait Nicolas Sarkozy président, mais voilà que Sarkozy Nicolas promet tout autre chose. Réaliste ? La problématique du postural s'étend très au-delà de la primaire à droite... Macron qui ferait différemment (comment ?), Montebourg qui va renverser la table... Tout ceux qui sont élus comme seul métier jamais exercer promettent qu'ils ont entendu et que "cette fois" ça sera différent. Mais pourquoi le serait-ce si les règles du jeu sont les mêmes.

Sauf à considérer que TOUS ceux qui sont en responsabilité depuis trente ans sont nuls, l'hypothèse institutionnel doit être retenue avec sérieux. Hélas, cette problématique jugée peu recevable électoralement ne mobilise que très peu les candidats et les médias. Tous ne désertent pas le champ institutionnel, mais certains l'abordent de façon trop frontale, trop étroite. Ainsi de Jean-François Copé qui veut répondre au déficit démocratique par une politique des ordonnances, une version chic et édulcorée du 49-3... Ainsi de Mélenchon avec sa 6ème République. Mais pour que ses débats puissent se propager, il faut une caisse de résonance, il faut que les médias s'en emparent. Somment les politiques d'avancer plus largement sur ces questions.

Depuis trente ans, la défiance à l'égard des politiques explose et les comités institutionnels ont abouti à des réformes naines. De la Commission Balladur à la Commission Jospin, tous ceux qui ont formulé des recommandations récentes ont rendu des propositions sub minima. Pourtant, la demande sociale est énorme : tous les nouveaux mouvements politiques qui se créent prônent la fusion du CESE et du Sénat, la diminution du nombre d'élus, mieux payés mais pas installés dans le temps...

Ce dimanche à Strasbourg, une législative partielle a eu lieu. La liste #MaVoix, qui n'existait pas quand la campagne a été lancé il y a moins de deux mois, a fini à 600 voix. 600 voix pour une liste avec un candidat tiré au sort et qui propose une refonte radicale de notre société. 4,25% des voix réalisés en si peu de temps, en partant de rien et sans moyen. Si cela ne prouve pas qu'on doit davantage parler de la réforme de LA politique elle-même je ne sais pas ce qu'il faut. Cessons de donner aux français ce qu'on pense qu'ils veulent entendre de la politique, des histoires d'alcôves et de cour d'école, parlons leur vraie démocratie. Ils n'attendent que ça. 

 

 

 

23/05/2016

Inconstance critique

539.jpgDu temps où Libération était encore un journal et pas le torchon vide de tout contenus qu'il est devenu, je me souviens de tribunes enflammées de Robert Maggiori pour défendre l'esprit critique. Pas en général, pas dans l'absolu, pas comme supérieur au fait d'encenser, d'aimer, d'admirer, mais comme symbole d'une démocratie vaillante. 

Les attentats de l'an passé avaient relancé le débat millénaire sur la liberté d'expression, mais aussi l'esprit critique. A-t-on le droit de questionner les groupes de gens persuadés que le monde est le résultat d'une construction divine et que des règles édictées il y a quelques millénaires prévalent toujours aujourd'hui. C'est plutôt sain, pour une démocratie, de pouvoir critiquer cela. Ca nous permet de mettre les témoins de Jéhovah dans un bocal et puis ça égaye les dîners, quoi. On discute. Beaucoup...  

Ce qui me surprend aujourd'hui n'est pas tant l'absence d'esprit critique, mais sa très inégale répartition. En matière politique, la critique n'est pas une possibilité mais un quasi devoir. La louange, ou même un simple satisfecit est immédiatement vécu comme une révérence surannée, quasi monarchique. Au fameux triptyque journalistique "on lèche, on lâche, on lynche", a succédé un diptyque, orphelin du premier terme... Même la montgolfière Macron est déjà l'objet de tirs nourris des snipers avant même d'avoir décollé... Les politiques sont notre défouloir commun, notre pinata que l'on fracasse tous ensemble pour récupérer les bonbons cachés à l'intérieur sans jamais nous interroger sur les risques qu'il y a à fracasser notre bien commun. Un jour, il n'y aura plus de bonbons, ou alors, empoisonnés...

Pour le reste, en revanche, la critique est suspecte. Pourquoi ? Parce que les autres, contrairement à ces feignasses de politiques, ils "créent". C'est d'ailleurs le point de départ de l'ineffable Alexandre Jardin avec son collectif "les zèbres". La revanche des "faiseux" sur les "diseux". Ha ? Mais il fait quoi Alexandre Jardin à part écrire des romans au demeurant fort discutables ?

Et les entrepreneurs et les patrons qui tombent, qui enfoncent, qui démolissent les politiques ; on peut les critiquer, eux ? Surtout pas ! Les grands patrons, à la rigueur, car ils ont de trop gros salaires, mais surtout pas les entrepreneurs "ils créent", ils "prennent des risques". J'ai toujours pas bien compris les risques par Jean-Baptiste Rudelle, fondateur de Critéo, entreprise qui vise à aller chercher des pauvres hères perdus sur un site pour les harponner et les ramener vers un site marchand. Utilité sociale digne d'une verrue mais encensé à longueur de colonnes. Bon... 

Et puis les artistes. Pourquoi diable critiquer les artistes ? Ils font, ils osent, ils nous dépaysent. Ha ? Fort bien, en ce cas louons saint Michel Houellebecq, réjouissions nous que des producteurs financent les Visiteurs 3, applaudissons les sorties de Benjamin Biolay. Surtout, ne pas réfléchir, c'est mauvais pour la santé. #Epoquedemerde. 

Rétablir de l'esprit critique sur tous les champs de la société, ne pas se laisser piéger par des mots clés ou des catégories comme le font les mais du collectif OuiShare qui n'encensent pas tout ce qui ressemble à du collaboratif... Comme le disait le président du groupe SOS, Jean-Marc Borello "il y a des entreprises de bonne volonté et des associations de malfaiteurs". Spanghero, qui mettait de la viande de cheval dans les lasagnes est une coopérative. Se réfugier derrière le statut est un leurre... Bref, dépassons tous ces raccourcis, par la critique, cela nous permettra de mieux nous retrouver. 

20/05/2016

Mettre en scène la violence pour la faire exister

Violence-dans-lhistoire-7.jpgJe sais par avance que cette note ne passera pas. Ne peut pas passer. Nous sommes collectivement conditionnés pour être hermétiques à cet argument : la France est moins violente que jamais. Laurent Obertone peut bien publier son inepte la France Orange Mécanique, pour parler de hordes de violeurs et d'assassins en tous genres, les faits sont têtus et le pays s'apaise. Ce qui l'attise, en revanche, c'est la force de l'image et sont incroyable puissance multiplicatrice. Et ils ont plus de poids que tous les ouvrages de sociologues un peu sérieux. Le poids plume des mots, le choc de plomb des photos et vidéos. 

Est-ce que j'encourage le crétin qui enlève son casque à un flic avant de frapper ? Quid de ceux qui font brûler une voiture de flics ? Questions rhétoriques... Evidemment que ces attitudes sont condamnables. Cette vidéo m'a mis mal à l'aise comme beaucoup de gens, mais pas pour les mêmes raisons que la majorité d'entre eux. Cette vidéo fut partagée rapidement par des milliers de personnes, regroupées dans un groupe sobrement intitulée "soutiens aux forces de l'ordre" qui rassemble 89 000 personnes... Et la vidéo de la voiture brûlée a atteint les 5 millions de vues. 

Regarder ce saccage d'une voiture, la partager, s'indigner, c'est accompagner l'idée selon laquelle nous vivons dans un pays violent, où des masses veulent abattre la République. Cette stupidité sans nom a été proféré par notre premier ministre, et joyeusement reprise par des sénateurs et députés zêlés... On parle de 4 casseurs. Tout cela me renvoi à la chemise du DRH d'Air France, nous avions réussi à dépasser le piège émotionnel en nous attardant sur la contre image produite, celle de l'hôtesse de l'air qui déclame sa douleur d'être licenciée devant des cadres supérieurs qui s'en battent la glotte... Il nous faudrait des contre images, sur les arrestations arbitraires, sur les tabassages en règle et autres joyeusetés. Malik Oussekine et Rémi Fraisse sont morts, tués par des flics. Là, beaucoup de mots, des attitudes condamnables et qui seront condamnés par de la prison ferme, mais ne nous égarons pas sur la plus grande forme de violence.... Les crétins d'hier vont faire de la taule ferme, pas d'échappatoire. Les assassins de Rémi Fraisse sont où, déjà ? Ha oui, sur le terrain, ils arrêtent les jeunes dangereux...

Globalement, collectivement, nous nous sommes mithridatisés contre toute forme de violence. Les gifles dans la rue, les fessées aux enfants et maintenant la cause animale, toute forme d'attitude non contemplative est condamnée... Pour autant, il s'agit d'un voeu pieu : la France est de plus en plus violente, socialement. Les gens dorment dans la rue, des millions de personnes ne peuvent plus remplir leur frigo, le chômage ne quitte pas ses sommets les agriculteurs se suicident à la chaîne et on voudrait nous faire croire que la violence est une voiture brûlée ? Ne pas pouvoir exprimer sa colère, sa révolte, en voilà des formes de violences... Opprimer et condamner certaines formes de violences hyper marginales et passer sous silence celles qui sont majoritaires produit des résultats inquiétants. Dans les années 60 et 70, les appels à la violence, au meurtre même, étaient légions, chez Merleau Ponty ou Sartre sans que l'opinion ne s'en émeuve outre mesure. Là, une photo de deux péronnelles avec un écrit sur le meurtre de patrons suscite une indignation nationale... Mais qu'ont-elles fait, au juste ? Elles sont juste un peu connes... Ca ne sont que des mots. Quand on condamne, opprime, réprime toute forme de violence, comme le fait la société américaine, il faut bien que le corps social exulte et quand il défouraille, ça n'est guère beau à voir. There will be blood, dit le film. On ne pourra pas dire que nous n'étions pas prévenus...