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31/07/2016

L'actionnaire d'hedge fund et le retraité grec (fable estivale)

Depuis mon arrivée en Grèce, deux choses m'ont particulièrement frappé : le soleil et l'incommensurable gentillesse des locaux. Tous. Jeunes et moins jeunes ; serveurs, hôteliers, vendeurs de fringues, employés de musées, matelots, tous. Cette gentillesse est un pied de nez magnifique, une résistance souriante aux sévices ineptes de la Troïka. Depuis 5 ans, les gouvernements Grecs successifs sont contraints d'adopter des mesures d'une violence que nous ne pouvons envisager. -25% pour les retraites, des purges dans la fonction publique qui doit en plus pratiquer la glaciation salariale. Cette misère nouvelle se voit partout : dans le métro qui reliait l'aéroport au centre ville, nous avons été sollicité par une bonne douzaine de mendiants. Et les rues de la capitale sont pleine de sans abris, victimes des cures récentes. Des mesures scélérates pour une majorité, mais pas pour tous : l'église, les armateurs, les oligarques ne craignent rien. Leurs colossales fortunes n'ont pas fléchi d'un iota. La justice selon la Troïka, quoi. Récemment, un rapport indépendant est venu ajouter l'injure à la blessure : ces mesures inhumaines sont de surcroît complètement inefficace économiquement. Saigner le peuple ne fait pas repartir le pays, ainsi que l'a piteusement admis me FMI... N'en jetez plus.

5 années d'enflure, d'injustice, qui en augure sans doute nombre d'autres. Un effacement -légitime- de la dette grecque donnera un peu d'air aux dirigeants,  mais ne rendra pas aux retraités leur train de vie d'avant. Tout cela parce qu'on a cessé d'avoir confiance en eux. La confiance, c'est ce maître mot dont on abuse aujourd'hui comme jamais et qui irrigue tous les grands flux monétaires mondiaux, publics comme privés. Dans le privé, à quelques années d'intervalle, General Motors et ses centaines de milliers d'employés fabricant des millions de véhicules était vendu pour 1$. Peu après, Instagram et sa douzaine de salariés produisant un chiffre d'affaires de 0$ était racheté 1 milliard $ par Facebook... Confiance infinie d'une part, condamnation définitive de l'autre. Le vieux monde contre le nouveau entend-t-on dans les conférences entrepreunariales.

Sauf que jamais personne ne songe à l'espérance de vie de ces univers. Dans le "nouveau" des bulles éclatent sans cesse, égarant quelques milliards et laissant des yuppies sur le carreau qui iront tchatcher marchés ou employeurs ailleurs. Mais l'ancien ? Car les retraités grecs saignés par l'Allemagne qui avait peur pour ses propres aînés ne sont coupables de rien et ne peuvent plus rien faire pour changer le cours des choses. Pendant les quinze, vingt ou trente ans qu'il leur reste à vivre, ils devront rationner les sorties, ne pas reprendre de tournées, ne pas gâter leurs petits-enfants, ne pas visiter ces îles proches qu'ils s'étaient promis de découvrir, la retraite venue. Des centaines de milliers de destins comprimés, rétrécis, empêchès pour continuer une économie qui promeut l'infini pour quelques uns. Voilà pourquoi nous devons refuser les discours lénifiants de Jean Tirole sur la "science économique" et prendre la morale, la justice, la "common decency", comme seules boussoles.

25/07/2016

La gauche à visage Zemmour

images.jpgCa ne finira donc jamais... Au-delà d'un alignement économique, voire d'un débordement du MEDEF sur sa droite, cette fin de quinquennat voit une partie de figures se réclamant de la gauche marcher dans les brisées d'Eric Zemmour sur le terrain des valeurs... Misère. Dans un "Entretien Fleuve" au Figaro, cette entourloupe intellectuelle de Laurent Bouvet (officiellement politologue et prof à l'Université de Versailles) ose tout. Il explique que la gauche se leurre par mauvaise conscience et qu'à la recherche d'un nouveau prolétariat, cette gauche aveuglée voit dans les islamistes des damnés de la terre à défendre. Débile. Au sens étymologique du terme, c'est à dire faible, comme toute l'argumentation de cet énergumène qu'on peut lire (si on a des loisirs, ce qui est mon cas) ici.

Que dire sur cet "entretien fleuve" que Laurent Bouvet conclue joyeusement en citant Charles Péguy ? Oui oui, l'homme de "la terre qui, elle, ne ment pas" l'objet de dévotion d'Alain Finkielkraut et de Yann Moix. A l'image de cette coda con venenum, tout est navrant, approximatif et plein de confiance. 

En gros, en amalgamant un groupuscule (les Indigènes de la République) et deux faits divers où des responsables de gauche alternative ont soutenu Tariq Ramadan, Bouvet en tire la même conclusion que Houellebecq, une partie de la gauche s'est convertie et soumise à l'islam. Edifiant de bêtise... Etant souvent victime de ce procès en sorcellerie inepte, je n'arrive pas à comprendre : je déteste toutes les religions et condamne comme tous ceux que je connais les refus d'élèves d'apprendre la Shoah, les brimades aux filles en mini jupes, les attaques, insultes et autres. Je n'ai jamais rien nié de tout ça et il faut évidemment casser ces pratiques. Mais en déduire que la gauche est en train de faire allégeance, de mettre un genou à terre devant les islamistes juste parce qu'on rappelle l'importance, à côté de ça, de la question sociale, des inégalités qui croissent et des discriminations, c'est un procès que je ne comprends pas et c'est ce que fait Bouvet. 

Sans doute la personnalité de Laurent Bouvet, fondateur du mouvement "le Printemps Républicain" qui rassemble des figures mues par un même libéralisme économique, une même haine de l'islam et un gros rien à foutre pour le reste. A leur surboum de lancement, on trouvait des figures telles que Caroline Fourest, les séides de Valls, Anne Sinclair, Elisabeth Badinter.... Bref, ne nous énervons pas.  

Au fond, Laurent Bouvet c'est Zemmour. Un peu d'érudition en plus, beaucoup de ventes en moins. Même traumatisme originel qui explique la logique complotiste et les amalgames faciles. Pour Zemmour, c'était le double échec à l'ENA qui lui fait haïr "les élites" (dont il ne fait évidemment pas partie, le paria sur RTL, Paris Première, le Figaro...) pour Bouvet, c'est un échec à l'investiture des législatives 2002. Alors, il rédige le texte le plus bête de la science politique moderne, "nous les trentenaires mâles blancs, sacrifiés sur l'autel de la diversité et de la parité". La médiocrité à l'état pur. 10 années passées à ruminer cet échec puis en tirer deux livres franchement lepénistes "le sens du peuple" où il explique que la gauche s'est égarée dès qu'elle a commencé à mener des politiques agissant pour les femmes, les minorités homosexuelles ou immigrées... Du Philippot dans le texte. Il a enfoncé le clou avec son vomitif "l'insécurité culturelle" où il explique que les blancs sont dénigrés en France, que nos cultures traditionnelle sont sans cesse piétinées par des élites (lui aussi...) qui préfèrent le rap à Michel Sardou et Patrick Sébastien. Il y a un petit fond de vérité, encore une fois, du fait divers et lui en tire des généralités. 

Evidemment, avec des ouvrages aussi faibles et où il s'auto-cite beaucoup, Bouvet n'a rien d'un chercheur académique. Mais avec le retour des copains en 2012, il espère mieux et prend, de façon très éphémère, la tête du CEVIPOF. Bien vite, nombre de chercheurs s'insurgent et refusent de se ranger derrière un directeur qui n'est pas fiable, est un militant égotique grimé en chercheur. Débarqué avec perte et fracas en quelques semaines... Enorme ressentiment contre ces élites intellectuelles qui ne veulent pas de lui. Et il crée son lamentable Printemps Républicain. La boucle de rancoeur est bouclée. On ne fonde pas de politique sur du ressentiment. Supporters de ce mouvement, relisez le texte et ressaisissez vous. Si vraiment ça vous plaît, assumez vous et allez voir Philippot. Ca sera triste, mais faut être cohérent... 

18/07/2016

Sommes-nous vraiment si cons-plices ?

les-complices-01.jpgLe ventilateur essentialiste tourne à plein régime depuis le drame de Nice, de l'extrême droite traditionnelle à LR et à l'extrême droite progressiste rebaptisé "Printemps Républicain", l'alpha et l'omega des problèmes français se résume à ceci : l'islam radical. Toute la rhétorique martiale et intimidatrice va à l'avenant. L'avenir du pays c'est "eux ou nous" selon l'ancien Président Nicolas Sarkozy dont l'absence de pondération laisse supputer des réponses désespérantes à un attentat perpétré sous sa présidence. Sinon, de Valls à Soral, de Ciotti à Boutih, tous ceux qui refusent de s'engager dans la nouvelle croisade sont des "islamo complices". 

Pour discréditer tout opposant à cette logique monolithe de "l'islam radical va tuer la France", on vous accuse d'angélisme, de cécité et assez rapidement, de national-traîtrise et de soumission à l'islam. Saint Houellebecq priez pour nous... 

Ce procès, on me le fait régulièrement depuis quelques mois. Mes propos couvrirait l'horreur musulmane qui se répand sur la France pour ma plus grande jubilation à cause de ma mauvaise conscience coloniale... Cette pensée vomitive, naguère réservée au seul Eric Zemmour s'est répandue comme une traînée de poudre avec des messagers comme Laurent Bouvet. Au fond, le Printemps Républicain, c'est l'extrême droite acceptable, un mouvement libéral, voire libertaire, mais entre blancs où, comme Alain Finkielkraut et Nicolas Sarkozy, on se passionne pour les faits divers "on ne peut plus enseigner la Shoah, en France ; je l'ai lu !", "dans certains bus du nord de Paris, impossible de monter si on n'est pas homme et barbu". 

Voyez l'aporie à laquelle il nous accule : c'est ou nous eux. Et bah je refuse. Ni burqua ni bourrins. Je refuse les déformations grossières des faits quand ils ne correspondent pas aux attentes du grand récit anti-islam. La "radicalisation expresse" est de ce point de vue l'apogée, le climax du grotesque mâtiné de tragique : on ne peut expliquer l'horreur alors on trouve un moyen de le raccrocher aux branches. En plus, ça tombe bien, l'assassin est tunisien. Ca passe... 

Quand même, les tenants de "l'islam salafiste est la cause de nos maux", j'aimerais qu'on m'explique, à propos des quartiers : les centaines de morts par balles, de gamins, dans les cités Nord de Marseille, de Sevran, de Vaux en Velin, c'est le trafic de drogues et la circulation des armes ou c'est "l'islam radical" ? En Seine St-Denis, quand, pour la première fois de l'histoire, un collectif de parents - les bonnets d'âne- manifeste et porte plainte contre l'Etat pour cause d'absence de professeurs, de conditions d'enseignements indigne, d'abandon de la République ; là aussi, c'est l'islam radical qui gangrène les quartiers ? Même le télégénique Kepel le dit dans son livre "Banlieues de la Républiques" il n'y a pas de moyens d'insertion professionnelle ou de conseiller d'orientation là où il y en aurait le plus besoin, à Clichy sous Bois et Montfermeil, c'est encore l'islam radical ? 

Je ne dis pas que le salafisme n'est pas emmerdant. Il l'est. Mais dire qu'il y a d'autres problèmes dans ce pays ne fait pas de moins un complice du terrorisme. Mais alors vraiment pas...