Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/09/2016

Sarko/Zemmour, l'axe des irresponsables prêts à tout pour vendre

maxresdefault.jpgAinsi donc, cette semaine, on a pu entendre à une heure de grande écoute une saillie puissante telle que "refuser de donner un prénom issu des évangiles c'est accepter d'être moins français". Le chroniqueur en promotion continuait en expliquant que le choix d'un prénom non catholique pour sa descendance serait un refus évident d'assimilation et par conséquent, un soutien implicite aux puissances extérieures. Bigre. Deuxième annonce étonnante dans la même semaine, dans un registre fort éloigné : le réchauffement climatique ne serait pas lié à l'homme. Nous serions victimes d'un hubris mal placé, d'une repentance idiote alors qu'en réalité, il en irait ainsi depuis que le monde est monde et tout les plus grands scientifiques de la planète sont justes un peu cons. De la part d'un ancien Président de la République, l'annonce a de quoi surprendre en reléguant l'auteur dans un club très fermé où l'on ne trouve guère plus que Donald Trump et une poignée d'autocrates... 

Et derrière, la machine à buzzer s'emballe. Tribunes, contre tribunes, experts mobilisés pour tenter de comprendre si le polémiste a définitivement basculé du côté des obscurs (il a tout de même dit "Marine le Pen ? Evidemment qu'elle est de gauche", je crois que ça constitue un indice) et si l'ex Président est devenu infréquentable. On va même plus loin en se demandant si RTL doit continuer à employer pareil polémiste (sans pousser l'irrévérence jusqu'à demander son avis au directeur de la station) puis envisager la possible révocation d'un chef d'état climatosceptique. Sans penser, là non plus, ce qui relève pourtant du bon sens au regard des enjeux du XXIè siècle : pourquoi ne pas condamner les propos climatosceptiques comme on condamne le négationnisme ? On ne pose pas ses questions et on invite plus que jamais nos deux "cliveurs professionnels", nos deux "non politiquement correct en chef". 

Dans l'hystérie actuelle, marquée par un rythme de l'information qui va trop vite pour la vérité factuelle et où le contre feux arrive toujours en retard d'un buzz ou d'une polémique, cette stratégie grossière n'est pas suicidaire. Au contraire. L'establishment peut bien pousser des cris d'orfraie, Eric Zemmour est en tête de ventes de la rubrique essais/documents et Nicolas Sarkozy fait un carton auprès des électeurs de droite dure, ceux qui se déplaceront à coups sûrs les 20 et 27 novembre. On peut le déplorer, en être affligés, mais on a le devoir de s'en rendre compte. Cet axe des irresponsables ne croient évidemment pas aux énormités qu'ils assènent. Mais ils les assument fièrement, car ils savent que leurs énormités font accourir micros et caméras. Les imbéciles ne sont pas forcément ceux qu'on croit. Ecrans noirs pour les propagateurs de haine.

17/09/2016

La guerre des âges est moisie

10930774_p.jpgQue c'est pénible de lire, du Figaro à Society, des articles sur les figures de proue de la "Génération Y" qui veulent "renverser la table et donner toute leur place aux jeunes" sans qu'aucun journaliste ne décentre le propos. Tous reprennent le même champ lexical de la guerre générationnelle sans remettre en question la légitimité de cette opposition. Forcément, les vieux patrons et les vieux élus qui s'accrochent à leurs mandats sont les vilains et tous les aspirants contrariés sont les héros du casting. Tu parles d'une intrigue foireuse... 

L'inanité de l'opposition, son caractère factice pour être exact, tient au fait que "les jeunes" n'existent pas. Pas plus "que les vieux"... Une date de naissance peut vous rapprocher pour certaines références culturelles, certaines habitudes de consommations ou manies vestimentaires, mais hormis cela, quoi de commun aux jeunes titulaires d'un bac +5 ou d'une grande école, avec une famille, un réseau et un capital de départ derrière eux, contre d'autres qui ont connu des galères scolaires ou d'orientation et sans ressources familiales ? Rien. Mais alors rien de commun. D'ailleurs, toutes les radiographies parlent soit des uns, soit des autres. Pas "des jeunes". La "France qui galère d'un côté" et "ces jeunes yuppies qui niquent la crise", comme deux pôles si éloignés qu'ils ne tiennent pas dans le cadre de la même photo. Alors on triche, on invente un artifice bien lourdeau avec un joli intitulé qui fait chic. Si possible en le yankeefiant. Gen Y, parce qu'à l'oreille ça fait "why" parce qu'ils posent des questions les jeunes, tu vois, ils sont pas polis les jeunes, tu vois, ils vont te dégager les jeunes, tu vois ? Sauf si tu les mets en avant du magazine que tu les reçois dans ton fonds, que tu les accueilles dans des "conseils du numérique" des "shadows cabinets" et des "young leader society", là ils arrêtent de gueuler, les jeunes. Ils veulent pas du tout renverser la table, juste venir y bouffer. Et à la meilleure possible. La rebellion cesse quand le fumet des truffes arrive.

Et pendant ce temps là, où sont les galériens de la Gen Y ? Disparus de la circulation. Un peu comme les galériens des générations antérieures, ou sont ceux qui vivent avec le minimum vieillesse ? Ou sont ceux à qui l'on a sans cesse repoussé l'âge de la retraite alors qu'ils ne trouvent plus de boulot depuis leur mise à la porte à 56 ans ? Disparu aussi. Le regretté Jack Goody montrait parfaitement dans "le vol de l'histoire" comment nos représentations étaient biaisées par ceux qui écrivent l'histoire qui ont peu connu la colonisation, la domination et autres ignominies. Transposée à la bataille générationnelle, l'analogie peut se poursuivre. La guerre des générations est factice, la seule qui vaille est celle décrite (avec un brin de catastrophisme) par Louis Chauvel : les écarts de patrimoines entre générations qui oblige un rééquilibrage drastique, des mesures radicales. On en parle peu, car cela ne se prête pas au caractère reptilien des médias instantanés. Si l'on tentait de le faire demain, on peut redouter le pire "ces jeunes qui veulent faire les poches des vieux" et autres visions cataclysmiques. C'est pourtant une réalité, héritage principalement de cinquante ans de spéculation immobilière non maîtrisée et d'une imposition sur le patrimoine insuffisante. Ajoutez à cela les effets de réseaux et vous arrivez à des écarts générationnels sans précédents. Cela doit nous pousser à mieux répartir l'égalité des chances par âge, appliquer le principe fondateur de notre fiscalité -la progressivité- pour aborder la "vraie" guerre de générations. Celle qu'on devrait nous raconter. Trop chiante, on lui préfère une guerre des places, sans aucun intérêt dans la mesure où le feuilleton existe depuis une éternité. Au moins... 

12/09/2016

Le ras le bol démocrate

Fotolia_42099286_XS.jpg« Vous pouvez placer la moitié des partisans de Trump dans ce que j’appelle le panier des personnes pitoyables [« déplorables »] (…)  Les racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes », jugés « irrécupérables ». C'est avec ces mots aimables qu'Hillary Clinton a laissé éclater à voix haute et devant un micro son dégoût de la démocratie. Elle n'est pas seule, mais rarement cela avait été avec tant de franchise par un responsable en campagne.

En 2005, à la suite du triomphe du "Non" au TCE avec 55% des voix, Valéry Giscard d'Estaing, père du texte, s'était exclamé qu'on aurait du l'écouter et que le "peuple" n'était pas capable de comprendre la portée d'un tel texte, d'en juger toutes les nuances, et donc, qu'on aurait pas du la consulter. Les 90% d'éditorialistes qui avaient pris parti et fait campagne en faveur du "oui" avaient bien du mal à masquer leur haine pour ceux qui les faisaient passer pour des imbéciles. Dans de longs éditos enflammés, ils expliquaient que les électeurs avaient été victime d'une désinformation majeure, qu'ils ne comprenaient rien aux enjeux de ce texte bon pour eux et qu'ils s'étaient fait floués.

Sans doute une partie des électeurs avaient effectivement été victimes de raccourcis de campagne et de slogans populistes. Et après, quelques gogos croient bien à l'inepte "travaillez plus pour gagner plus" et que dire de ceux qui ont basculé en faveur d'un candidat parce qu'il a affirmé que "son ennemi c'est la finance". Ca s'appelle la démocratie, on use des ruses de margoulins, on se livre à des raccourcis percutants, on maquille.  

Je note qu'en 2005, aucun de ces bons éditorialistes rougeauds de colère n'avaient pris la peine de réhabiliter le travail d'Etienne Chouard qui avait attiré des centaines de milliers de lecteurs sur son blog où il disséquait, article par article et avec une minutie sans égale, le texte de la Constitution Européenne. Il était rangé dans le même camp des "populistes qui parlent sans rien connaître" alors qu'il connaissait mieux le texte que n'importe lequel de ses défenseurs. Mais non, ignoré, piétiné. Un déni de démocratie majeur, et jamais reconnu comme tel. Pas étonnant que le peuple finisse par se venger.

A force de nous refourguer de force d'amères potions libérales, le peuple se mithridatise contre cela. Il se renforce, tanne son cuir et en vient à considérer avec un certain dédain la solution démocrate. Trop douce, trop timide et timorée. Quand on se sent vraiment grippé, on ne veut pas de l'aspirine mais un remède de cheval. D'où la vogue pour des dirigeants dont le verbe se distancie de la souffreteuse démocratie. D'où la vogue pour les régimes illibéraux et les "vrais chefs". La question n'est pas, n'est plus, de savoir si c'est judicieux. Evidemment que je partage (et n'importe qui avec une once de bon sens) le dégoût de Clinton pour ceux qui sont attirés par les propos de Donald Trump. Mais il ne mène nulle part, ce dégoût. Un peu comme le "rien ne sert de chercher à comprendre les terroristes" de Manuel Valls. C'est à chaque fois une résignation, une négation de la politique, en disant "circulez y a rien à voir et choisissez parmi les candidats raisonnables. 

Après l'uppercut du Brexit, l'Europe groggy se réveille et comprend qu'elle doit boxer : menaces contre Google, amende record contre Apple et ce matin Juncker qui pose un véto au pantouflage de Barroso chez Goldman Sachs. C'est sans doute encore insuffisant, mais c'est la voie à suivre : plutôt que dénigrer l'adversaire autocrate et fou, redonner force à la démocratie avant qu'elle ne se meure.