02/02/2017
Bayrou, la victoire à la Pyrrhus devant la droite
Depuis hier, circulent un grand nombre de noms de prétendants au remplacement de Fillon. Des plans B, comme battus d'avance. Baroin, Bertrand, Wauquiez, Pécresse... Pourquoi pas Copé, aussi, pendant qu'on y est ? Affolement général, colère aussi face à la déroute annoncée quand la victoire semblait acquise fin novembre.
La droite pédale dans la semoule et chaque jour où Fillon s'accroche, le camp LR perd ses chances de rebondir. Les autres candidats sont tous moins crédibles, moins expérimentés, moins préparés. Pour faire face à la violence de la vague anti affairisme, seul un chevalier lavant plus blanc que blanc pourrait s'en sortir. Les deux candidats hors primaires, Henri Guaino et Michèle Alliot Marie, ont tous deux suffisamment de casseroles pour être actionnaires majoritaires chez Tefal. La puissance de la vague Macron qui, chaque jour, gagne un point à droite, va submerger une droite lâchée par les médias qui adoraient le programme transgressif de Fillon (casser la sécu, quand on peut se payer une assurance privée, ça change des demies réformes...) et qui ne veut plus soutenir le cheval boiteux.
Cette élection est proprement inhumaine tant il faut être préparé et les plus doués et habiles devant les médias comme NKM ou Baroin n'ont littéralement aucune chance face à Macron qui bosse depuis un an son récit, ses éléments de langage et son personnage. Lesquels lui font office de programme, détail superflu pour gagner une présidentielle, une posture suffit amplement. C'est Chirac et "la fracture sociale" ou Hollande et "la justice fiscale", Macron c'est "libérez les énergies de la France qui bouge". C'est grotesque, mais ça peut largement suffire.
La droite n'a-t-elle pourtant aucun recours ? Non, elle a Bayrou. Bayrou Judas, Bayrou qui a appelé à faire battre Sarkozy en 2012. Bayrou sifflé dans tous les meetings de la primaire dans le camp sarkozyste. Bayrou, l'ange déchu à droite... Un centriste, autant dire une lopette, un renégat. Il suffit de voir la posture de Macron ces derniers temps, il voit bien que l'espace sur lequel il grossit chaque jour est celui du centre droit, d'où sa main tendue à Bayrou. Si le fondateur d'En Marche réussit cette prise, la messe est dite, la grande alliance du premier tour, la grande coalition des meilleurs à l'allemande ou à la Renzi. Un truc qui fait 65/70 au 2ème tour contre Marine le Pen. Problème, Bayrou refuse la main tendue et cogne contre "le candidat de l'argent", "le candidat du système", "le candidat sans ligne et sans majorité".
Si le maire de Pau peut faire ça, c'est qu'excepté 2012 où il a appelé à battre Sarkozy pour cause de contentieux personnel, il y a peu d'ambiguïté sur le centre de Bayrou : il n'est ni de gauche, ni de gauche. Bayrou ministre, avec Longuet, Millon, de Charette. C'est pas exactement un rassemblement de beatniks. Il a l'an passé rappelé son soutien à Juppé. Outre qu'il est de droite, Bayrou a l'avantage immense de n'avoir aucune casserole en quarante ans de vie politique. Aucune. Financièrement, tout est connu, avec son héritage de la ferme parentale, des droits d'auteurs très conséquents et ses divers mandats. Laïc convaincu et pondéré, il est bon catholique et ne rate jamais une messe dominicale. Il est le seul à pouvoir repousser Macron. C'est même tellement évident que l'on peut se demander pourquoi l'hypothèse n'est pas plus mise en avant par des commentateurs qui évoquent pourtant l'ensemble des troisième couteaux de la famille LR. Bien sûr, les egos s'y opposent, bien sûr la blessure de 2012 est vivace. Mais pour la droite, c'est l'assurance de reprendre la main avec deux couleuvres à avaler: investir un certain nombre de députés MODEM, mais c'est un moindre mal si cela leur permet d'avoir tous les pouvoirs et donc, adouber celui qui les a fait perdre en 2012.
Cette campagne est celle de tous les événements inattendus : abandonner sa famille pour faire gagner son camp, voilà le dilemme qui attend l'électorat de droite. Mourir debout ou gagner à genoux, en somme.
10:11 | Lien permanent | Commentaires (14)
01/02/2017
Penelopegate : et si on recausait du salaire maximum ?
Le doigt, l'idiot, la lune, énième remix... Ce qui serait bien avec cette histoire de Pénélope, c'est qu'à un moment, on organise des débats publics en remontant la focale pour interroger les raisons poussant à ces scandales financiers à répétition. On peut d'emblée évacuer l'argument délétère qui l'emporte, hélas, aujourd'hui "de toutes façons en politique, ils sont tous pourris", ainsi que sa version édulcorée "depuis la nuit des temps, les responsables publics ont toujours cherché à tirer avantage de leur situation. Ça défoule, mais outre que c'est faux, ça ne fait guère avancer le débat. En revanche, interroger les responsables publics plus longuement sur le fait qu'ils ont l'impression de mal gagner leur vie nous éclairerait.
Plus que l'avidité ou le goût pour la corruption souvent avancées comme explication, je crois beaucoup plus à une consanguinité des élites et un mélange public/privé qui a complètement fait perdre la tête aux responsables publics. Ce, particulièrement depuis 30 ans que les rémunérations dans les hautes sphères privées se sont envolées. Quand vous sortiez de l'ENA, en 1970, vous ne gagniez pas nécessairement tellement mieux votre vie dans le privé que dans le public et vous pouviez faire une carrière de grand serviteur de l'Etat en voyant vos amis partis pantoufler sans éprouver aucune jalousie. Mais avec la dérégulation financière, les écarts entre comparses de promo peuvent aller de 1 à 10, voir beaucoup plus selon qu'ils sont haut fonctionnaires ou haut actionnaires. Les conseillers d'Hollande partis dans la banque gagnent déjà, à 35 ans, 5 ou 6 fois ce qu'ils gagneraient en restant à l'Inspection des Finances ou à la Cour des Comptes. Et en général, ces courbes ne font que s'accentuer. Pas étonnant que ceux qui restent du côté public ont l'impression d'être "vertueux", voire "sous-payés".
C'est Guaino qui nous explique qu'il est presque à la rue avec sa paye de député, c'est JF Copé qui explique comme argument pro cumul que "si l'on accueille ceux qui se contentent de 5 000 euros par mois on aura que des tocards", c'est Gérard Collomb ulcéré par le plafonnement de ses indemnités... Ad nauseam. Ces responsables sont-ils vraiment au bord de l'indigence ? Evidemment, non. Mais ils prennent leur petit déjeuner, déjeunent, dînent, partent en vacances avec des amis bien plus riche. Quand vous êtes invités en vacances par un yuppie qui s'est loué une villa en Toscane avec 2 hectares, vous vous interrogez sur vos propres deniers.
Repensons à ce cher Emmanuel Macron, interrogé par Jean-Jacques Bourdin alors qu'il est à Bercy "vous êtes riche, Emmanuel Macron ?". "Non, j'ai bien gagné ma vie dans la banque, mais c'est fini". Pauvre petit, après avoir empoché 2 millions d'euros dans la banque, il émargeait à un crasseux 12 000 euros par mois avec une ribambelle d'avantage en nature conséquent et il nous dit "qu'il n'est pas riche". Forcément, comme il regarde toujours vers le haut et vers ce concept infâme, indécent, abject, de milliardaire, il se considère démuni...
Interrogé sur sa proximité avec les couches populaires, Jean-Luc Mélenchon sur France 3 lundi soir répondait "non. Ca n'est pas parce que je vis dans un quartier populaire et que je prends le métro sans garde du corps que je suis proche. L'indemnité parlementaire, c'est 5 ou 6000 euros quand le salaire moyen est de 2200 euros et le médian de 1700, donc j'en suis loin". Ca fait du bien, tout de même, cette lucidité. Mais c'est le minimum. Pour dépasser les scandales financiers à répétition, il faut cesser de regarder du mauvais côté de la lorgnette et faire le procès de l'argent roi.
En effet, le phénomène n'est pas français : les membres des équipes d'Obama qui sont tous partis dans la Sillicon Valley ne l'ont pas fait uniquement par amour transi pour les forces technologiques mais parce que leurs comptes en banques vont grossir d'un ou deux chiffres... Or, pour être accueillis à bras ouverts ainsi, c'est bien que vous ne fûtes pas un emmerdeur ou un adversaire législatif. Ces allers/retours, cette mollesse des positions, c'est ça le danger. C'est qu'on ne remet plus en cause ce système absolument dingue où l'on passe de 62 à 8 types qui détiennent autant de richesses que la moitié de l'humanité. Ou Bill Gates pourrait être trillionnaire dans 30 ans s'il est encore en vie... Ou les écarts salariaux entre un ouvrier et un patron du CAC est passé de 30 à 400. On parle de 1%, voire de 0,1%, mais le problème est l'ultra consanguinité entre les responsables politiques et ces 0,01%. Le problème c'est la force d'attraction incroyable de ces pôles privés sur les responsables publics. En termes de masses, y a pas débat pour savoir où se situe l'intérêt général. Mais la lutte du pot de terre contre le pot de vin est rarement gagné par le premier. Pour se prémunir de boire la tasse, le salaire maximum est un bouclier puissant.
Tous les arguments vérolés justifiant les rémunérations démentes s'effondreront rapidement. Ceux qui vous disent qu'à 20 SMIC, on n'a personne pour diriger Renault mentent. Les patrons nous renverront vers les salaires des footballeurs. Fort bien. Ces sommes indécentes sont déversées - à perte - par des investissements de nababs et des fonds peu soucieux d'éthique. Si on lutte contre le gonflement de ces fonds, les salaires des stars du ballon chuteront rapidement. Toutes ces rémunérations relèvent du boeuf aux hormones. Ca n'est pas tenable. 900 000 euros sur 10 ans de Pénélope, c'est un détournement immonde qui doit empêcher Fillon de se présenter, bien sûr, mais c'est 1 mois de salaire d'une star du PSG, c'est un bonus d'Emmanuel Macron époque Rothschild, ce sont ces ratios qui doivent nous interpeller pour empêcher d'autres affaires à l'avenir...
09:02 | Lien permanent | Commentaires (18)