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31/01/2017

Le vote à 16 ans : une évidence niée par l'écrasante majorité des candidats

Cyans-Sweet-16-Birthday-Party.pngJe me souviens du tollé qu'avait suscité (à dessein) Martin Hirsch avec une proposition pour le moins iconoclaste : donner un droit de vote à points indexé sur l'âge. Plus on est jeune, plus on a de points, au motif que l'on est davantage concerné par les enjeux de l'élection. Les hurlements avaient couverts la justesse sous-jacente : au lieu de traiter d'Hirsch de génocidaire, d'euthanasiste en chef, les commentateurs auraient mieux fait de chercher à comprendre la logique d'un homme peu connu pour ses excès. 

Si l'on pense à l'enjeu qui surplombe tous les autres, l'écologie, la proposition d'Hirsch fait sens. Les octogénaires et nonagénaires votants ne connaîtront pas les effets dévastateurs du réchauffement climatique. Dire cela, ça n'est pas de "l'âgisme", seulement une lecture des résultats électoraux. Bien sûr, il y a Edgar Morin et Michel Serres (et hier, Stéphane Hessel) que l'on nous ressort systématiquement pour nous dire que les anciens sont des sages, qu'ils sont altruistes et dévoués, qu'ils ne pensent à rien d'autre qu'à l'avenir de leurs petits enfants et arrière petits enfants... Mais Morin et Serres sont peu représentatifs du chenu moyen, outre qu'ils appartiennent à des CSP ++ quand le nombre de pauvres croit plus vite parmi les retraités que dans le reste de la population. Certes, à un peu plus de 8% de retraités pauvres, les plus de 60 ans sont bien moins concernés par le dénuement que l'ensemble de la population (autour de 14%) mais cette proportion monte et passé 65 ans, on a pas la possibilité de changer sa situation matérielle par son travail. Reste la délinquance ou le Loto... Pas majoritaire comme perspective. Alors, le candidat qui vous promet une augmentation du minimum vieillesse et des policiers et des caméras partout pour vous protéger des détrousseurs (que vous n'avez jamais vu, mais la télé en parle beaucoup, c'est inquiétant) a plus vos faveurs que celui qui promet une révolution énergétique et agricole qui changera la face du monde en 2035. Que vous importe que l'air soit plus pur dans le cimetière ou vous reposerez ? 

C'est une excellente nouvelle que les français vieillissent et vieillissent en bonne santé. Mais la démographie biaise le vote car la part de plus de 65 ans avec une dilection pour des enjeux plus court termistes devient franchement oppressante. Si l'on songe à l'élection de 2007, Ségolène Royal a obtenu plus de voix que Nicolas Sarkozy chez les moins de 67 ans. Or, au final, Sarkozy l'a emporté par 2,2 millions de voix d'écart... 2,2 millions uniquement chez les plus de 67 ans. Ca peut légitimement poser question sans que l'on vous accuse d'avoir des préjugés stigmatisants sur les personnes âgées. Et ça peut légitiment appeler une contre proposition politique : abaisser l'âge de droit de vote pour donner davantage la parole à ceux qui sont concernés apparaît comme une évidence. Dans une société qui glorifie sans cesse la jeunesse, qui vante son inventivité, sa fraîcheur, son audace, il serait cohérent d'abaisser l'âge du droit de vote à 16 ans. Age auquel on n'est plus tenu d'aller à l'école, auquel on peut s'émanciper de ses parents, et on serait incapable de choisir un candidat ? Foutaises. Deux arguments s'opposent : déjà que les jeunes de vingt ans ne votent pas, alors pourquoi prendre les plus jeunes encore qui s'en fichent sans doute davantage ? Sophisme, on verra bien qui ira voter, mais quand on vous donne une liberté et des responsabilités nouvelles, il est peu probable que la majorité d'entre eux s'en moquera. L'autre argument c'est celui qui voudrait qu'à 16 ans, on est pas autonome et on vote comme ses parents. Mazette. Nul ne peut nier le poids considérable de l'éducation reçue puisqu'une majorité de jeunes votent comme leurs parents selon les travaux de notre spécialiste du vote des jeunes, Anne Muxel. Mais pourquoi cette influence s'effacerait-elle comme par magie à 18 ans ? Ca ressemble beaucoup à la frontière hexagonale qui bloque les effets de Tchernobyl, allons... Par ailleurs, cet argument de paternalisme bouffi rappelle étrangement la voix qui s'opposait au droit de vote des femmes au motif spécieux qu'elles voteraient fatalement comme leurs maris.

Vieille revendication des écologistes, cette proposition de bon sens est aujourd'hui également poussée par la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon mais pas de trace de tout cela chez François Fillon (qui demande le rétablissement de l'uniforme à l'école, aux antipodes d'une telle réforme), chez Marine le Pen (alors même que les jeunes votent pour elle) ou chez Macron (le candidat du renouveau qui drague les sexagénaires et les quadras yuppies). Dommage de constater une telle hypocrisie : on adore la jeunesse quand elle consomme, mais pas au point de lui donner le droit de s'exprimer sur son avenir. Misère.   

28/01/2017

Les boules puantes n'existent pas

51TjsFHvKNL._SY355_.jpgPour désigner les affaires de Pénélope Fillon, collaboratrice parlementaire la mieux payée de l'Assemblée et chroniqueuse littéraire la mieux payée de l'univers, nombre de commentateurs emploient l'expression "boules puantes". Idem pour les révélations dans un livre dispensable selon lesquelles Emmanuel Macron ministre aurait abusé des frais de bouches de Bercy pour favoriser Emmanuel Macron candidat. Comme jamais deux sans trois, on va voir ressurgir l'affaire des assistants parlementaires européens du Front National qui travaillent sans relâche pour la campagne présidentielle de Marine le Pen et jamais au moindre dossier concernant l'Europe. 

Une fois l'expression lâchée, vient le temps du soupçon et même celui de la question ultime : qui se cache derrière ces horribles révélations ? Le fait est que, dans 99%, lesdites révélations ne sont pas contredites par la suite. Il ne s'agit pas toujours d'entraves à la loi, d'où l'absence de condamnations, mais en tout état de cause, de graves manquements à la morale. On est donc en droit de concentrer uniquement notre attention là dessus : que cela vienne d'un lanceur d'alerte, d'un collaborateur échaudé, d'un amant éconduit ou d'un pervers ne change rien au fond de l'affaire, ce sont les faits qui puent. 

On le sait "mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde" (Camus) et en l'espèce on euphémise des pratiques complètement inacceptables en se disant que cela fait partie des campagnes électorales. Que ce genre d'affaires sortent davantage au moment des élections est une certitude et donc la volonté de nuire relève de l'évidence. Mais ce qui abîme la politique ce ne sont pas les manoeuvres ourdies, mais les pratiques impunies. Point barre. 

 

27/01/2017

Revenu universel : le problème c'est la fortune de Mme Bettencourt, pas sa grippe

1588733_3_dd3f_liliane-bettencourt-le-12-octobre-a-paris.jpgLe grand mérite de la primaire à gauche, nous dit-on, aura été de faire émerger le débat sur le revenu universel. Sauf que ce projet est si vaste, si flou, que si l'on ne prend pas quelques précautions d'usage, on peut rapidement se retrouver enflés comme jamais. Aussi, le fait de seulement "le mettre sur la table" n'est pas un progrès. Comme ça ne l'est d'aucun débat : on pourrait très bien remettre le sujet de l'esclavage sur la table et réaliser, en fait, que c'est un vrai bienfait pour la compétitivité de notre pays et que si on veut une France forte dans une Europe forte, il faut savoir s'adapter et ainsi réintroduire, même temporairement dans un premier temps, l'esclavage. Voyez le topo ? Il faut vraiment être d'une naïveté confondante (ou d'une connerie rare) pour se réjouir que l'on débatte aussi vaguement du revenu universel.

Car ce projet a des thuriféraires de toutes parts et ça n'est pas la conception d'André Gorz qui est majoritaire dans le débat. Quand un ultra libéral comme Gaspard Koenig en fait l'apologie, on est à même de s'interroger deux secondes. Après tout, quand il voulait défier Sarkozy en 2007, Dominique de Villepin avait lancé l'idée d'un revenu citoyen universel qui était exactement une prolongation de l'aumône de sortie de messe. Et on avait eu les mêmes cris d'orfraie, les mêmes procès en irréalisme qu'aujourd'hui. Le problème était que la proposition sortait de nulle part : on ne change rien à l'ordre établi, on prélève une dîme qu'on pense renforcer la "cohésion sociale" (oui, on peut rigoler) et zou on teste l'opinion. 10 ans plus tard, on n'a pas tellement évolué. Pour l'heure, la conception qui fait son chemin est une espèce de RSA premium, mais avec casse des autres outils de protection sociale et l'avancée est compliqué à distinguer. 

On nous explique que ce revenu va devenir incontournable parce que "l'emploi va disparaître". Mais pas le travail. On aura toujours besoin de millions de personnes pour s'occuper d'aider, de soigner, de créer et de faire à manger. Toutes choses que les robots ne feront pas. Alors si l'idée c'est de donner un revenu universel et quelques euros pour faire ça et que la finance ou le phishing publicitaire rapportent toujours des millions, ça sert à rien. A rien. Un milliardaire américain avocat de l'augmentation du salaire minimum aux USA avait fait une conférence au titre volontairement provocateur "attention mes amis ploutocrates, les pauvres arrivent avec des fourches et ils veulent nos têtes". Ce qu'il disait était que l'histoire économique est faite de mouvements de balancier et que nous sommes allés beaucoup beaucoup beaucoup trop loin du côté des baisses d'impôts et de l'explosion de rémunération indécentes. Et que parallèlement des tas de profession à l'utilité sociale maximale ont vu leur rémunération chuter drastiquement quand d'autres à l'utilité sociale négative, nuisible, se sont envolées. 

Face à cette dérégulation folle, il faut une vague aussi forte, aussi violente, radicale et sans compromis : le revenu universel sans revenu maximum n'a aucun sens. Le problème n'est pas de soigner à égalité la grippe d'un SDF et de Madame Bettencourt, le problème c'est la fortune de Madame Bettencourt. Le problème c'est l'économie de marché dérégulé, la finance aveugle et son bras armé du trading haute fréquence. Le problème c'est bien de capter les centaines de milliards d'euros capturés par un capitalisme glouton et de s'assurer que la production de richesses de demain prendra en compte l'utilité sociale et les besoins de la collectivité (et de la planète). Fors cela, toute réforme allocataire n'est qu'un enfumage libéral supplémentaire. Et ça, ça appelle une violence législative et verbale dont n'est pas tenant l'ancien patron du MJS qui pousse une vision sympathique, mais éminemment naïve, s'arrêtant au début du chemin. Allez camarade Hamon, encore un petit effort pour être véritablement socialiste !