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11/03/2017

Pensons à la Culture pour réhabiliter le protectionnisme

S'il est bien un mot épouvantail pour l'establishment, c'est bien "protectionnisme". Dans un monde global, ouvert, moderne, comment certains osent-ils vouloir remettre des murs, des barrières, des protections ? Voilà le piège rhétorique des libéraux : décrédibiliser, ringardiser, poujadiser systématiquement ceux qui veulent élever des protections. Il faut dire qu'entre la politique inhumaine d'Orban à celle tout aussi folle de Trump avec son mur mexicain, le protectionnisme a mauvaise presse. En 2011 Montebourg avait essayé de le relancer avec une trouvaille mercatique "le protectionnisme intelligent". Mais le discours qui en découlait ne l'était pas et sa "démondialisation" a coulé avec lui... Dire qu'on va taxer fièrement les marchandises extérieures quand votre consommation en dépend grandement est plus qu'épineux, suicidaire. Comment expliquer à des personnes dont les revenus mensuels sont faibles, comment dire à ces 12 millions de français qui sont à 50 euros près à la fin du mois et pour qui le meilleur produit est celui qui est le moins cher, qu'il va falloir payer double ? Si nombre d'entre nous sont près à payer plus cher pour des produits fabriqués en France, il faut voir l'ordre de grandeur et surtout les familles de produits en questions. Le problème de Montebourg était qu'il proposait un protectionnisme aveugle comme celui du FN et donc, s'exposait à doubler le prix des produits qui viennent de Chine : bon courage pour aller expliquer les bienfaits de la mesure lorsque les écrans plats et smartphones seront devenus inabordables pour l'écrasante majorité de la population mais que le prix du kilo de tomates françaises concurrencera enfin celles du Maroc. La bataille du cheval de l'alouette connaît son issue avant de débuter... 

Faut-il pour autant jeter toutes idée de protectionnisme ? Non. Je ne comprends pas le manque de volontarisme ou d'extension de mécanismes qui ont fait leurs preuves en plein et en creux. L'intermittence est aux yeux de Bruxelles une aberration, du chômage maquillé. Le prix du livre unique est aux yeux de Bruxelles et des Etats Unis une loi stalinienne, une insupportable entrave à la liberté du marché. Nous les avons maintenus pourtant, et à raison. L'intermittence ? Nous avons un dynamisme culturel envié par le monde entier avec une extension sans égal du nombre de manifestations culturelles qui font vivre les territoires, des emplois non délocalisables, des emplois qui ruissellent plus sûrement que le trickle down : la culture déclenche toujours un boom pour la restauration, l'hôtellerie, les commerces... Nous avons une vitalité indéniable du spectacle vivant, doublé du cinéma le plus dynamique d'Europe, non pas par "tradition" (l'Italie en a aussi et le cinéma italien s'est écroulé) mais bien par des mécanismes d'aides bien pensé. Le prix du livre unique ? Lors de mon dernier séjour en Californie, mes amis me faisaient visiter les librairies comme des musées tant elles ont toutes fermées ces dix dernières années. Nous, non. Quelques unes ont bien disparu, bien sûr et la situation est souvent préoccupante, mais en ayant pas distordu la concurrence avec Amazon, en soutenant fortement l'implantation de ces commerces en soulignant leur spécificité et en leur accordant un avantage comparatif sur les boutiques de fringues, la France compte encore le plus grand réseau de librairies au monde et les auteurs qui peuvent y signer, lire et rencontrer leurs lecteurs, remercie cette loi de Lang jamais détricotée. 

Ces mécanismes agacent donc, et pourtant ils marchent. Comme les clauses sociales dans les marchés publics qui font regimber ceux qui voudraient un marché entièrement dérégulé avec possibilités de généraliser le recours aux travailleurs détachés... La commande publique peut et doit aller plus beaucoup plus loin dans le protectionnisme. Il y a un exemple évident, sous nos yeux, d'utilité publique et de salubrité pour les générations à venir : généraliser le recours à 100% de nourritures locales dans les cantines, si possible bio. Aux Etats-Unis et au Canada, nombre d'élus locaux imposent désormais ce genre de clauses socialement et écologiquement vertueuses. Avec les rentrées fiscales induites par les travailleurs locaux, les départements pourraient compenser l'écart de prix en versant une aide aux établissements scolaires directement. L'équation gagnante pour les petits et leur santé, et pour les grands, avec l'emploi en local. Ne laissons pas le monopole du volontarisme aux populistes, bordel. 

07/03/2017

Un seul clivage vous manque, et vous êtes au bord du précipice.

image_2e1df.jpgNous y sommes. Vendredi dernier dans une tribune dans le Figaro, l'éditorialiste canal historique Ivan Rioufol a appelé à une union des droites et à ce titre, en cas de second tour Marine le Pen / Macron, a mobiliser toutes les forces de la droite en faveur de Le Pen. Ne pas se faire avoir par Macron, "issu de la gauche" cette "gauche" qui nie nos valeurs historiques, familiales, sexuelles et identitaires. Car la fracture est uniquement, seulement, désespérément identitaire.

Economiquement, il n'y a pas une feuille de papier à cigarettes entre les deux. Ca n'est pas un billet d'humeur, un jugement à l'emporte pièce ou une diatribe gauchiste, c'est l'avis rendu public hier par la CGPME, peu susceptible de socialisme exacerbé. "Macron/Fillon, blanc bonnet et bonnet blanc" dixit leur président qui rendait hier son verdict à la lecture des programmes. Macron continue ainsi à engranger les laudes patronaux après avoir reçu les félicitations de Pierre Gattaz qui disait précisément "Macron va dans le bon sens, mais peut faire plus", saluant notamment la suppression des allocations chômages au bout de deux emplois refusés "dans une limite de 25% inférieur au dernier salaire", une mesure effectivement modérément socialiste.. On croit lire, mot pour mot, l'avis de la commission de Bruxelles sur la France "après un quinquennat réformiste où il faut saluer les lois El Khomri et Macron, il faut faire plus en diminuant la sphère de la fonction publique, déréguler le marché du travail et augmenter la mise en concurrence des services publics". Les copies de Macron pour la présidentielle obtiennent donc 20/20 quand le professeur s'appelle Jean-Claude Juncker. C'est une option respectable pour les libéraux, mais franchement, comment certains osent-ils qualifier ça de gauche ? 

Comment ? Réponse : parce que la droite s'est droitisée à fond. La droite n'a plus de souffle, plus d'idées, plus de vision de reconstruction de l'économie. La planification verte, c'est pas son truc et leur logique de dérégulation et mise en concurrence des forces économiques ne marche plus. Pour être honnête, ça n'a quasiment jamais marché. L'expression "30 glorieuses" est très abusive : si l'on enlève toutes les années pendant lesquelles la France vivait toujours au rythme des tickets de rationnement et autres eau croupissante, la croissance à pleine balle n'a pas duré plus de 20 ans. Comme en Chine aujourd'hui, comme au Brésil. Comme partout. Le modèle productiviste pure s'épuise très vite sur une planète aux ressources finies et les coups indirects sanitaires et sociaux font vite craquer le modèle de croissance. On demande souvent au PS français de faire son Bad Godesberg, c'est à dire de se convertir à l'économie de marché, mais quid d'un aggiornamento de la droite ? Ou sont les néos gaullistes ? Ou est la planification urbaine, en matière de transports, ou est le redéploiement des services publics ? Out... Ils se sont repliés sur l'avortement et la lutte contre le regroupement familial. La droite d'avant Giscard, en somme. 

Reste le régalien et le sécuritaire, bastions historiques de la droite. Le hic c'est que le PS ayant voté la prolongation de l'état d'urgence depuis deux ans et proposé pendant trois mois cette grande idée de déchéance de nationalité, le camp LR a pour se distinguer l'obligation de dire littéralement n'importe quoi. Entendiez-vous Fillon parler de "résistance nationale à l'islamo fascisme" ? A part la droite du FN, qui ose proférer des horreurs pareilles ? 

Pour reprendre l'expression la plus détournée du quinquennat la frange Valls/Macron et celle de Sens Commun/Manif pour tous ont "pris en otage" la gauche et la droite traditionnelle. Valls, 5% à la primaire de 2011, la ligne droitière et sécuritaire dominatrice jusqu'à aujourd'hui. Bien sûr, il a pris une gifle à la primaire, mais trop tard. D'une, il a multiplié son score par six ou sept en droitisant encore sa ligne. De deux, il faut ajouter à Valls les voix de tous les électeurs de gauche qui ont déserté chez Macron. A droite, Juppé qui incarnait la ligne historique s'est fait balayer par la Manif pour Tous et Sens Commun, qui ont encore mobilisé dimanche et ont permis à Fillon de renverser le parti, hier. Une droite populiste, poujadiste, nationaliste et identitaire qui se retrouve dans ce que dit Poutine qui se moque de "Gayropa" l'Europe soumise au lobby gay... Nous voilà bien.

Le vilain film de la présidentielle américaine se reproduit. Macron incarne le consensus des deux grands partis. Toute l'aile modérée de LR lui faisant les yeux de Chimène. Fillon seul contre le parti, à la Trump, va venir mourir au premier tour à la troisième place et offrir ses voix à Marine le Pen, même si à titre personnel il n'appellera jamais à voter pour elle. Voilà où nous en sommes. Clinton avait 69 ans et beaucoup de casseroles avérées. Macron a 39 ans et est pour l'heure un puceau judiciaire. Voilà à quoi tient notre espoir de ne pas basculer dans le chaos populiste et identitaire. C'est maigre... Mais c'est sans doute ce qui nous restera comme alternative au chaos, le 7 mai. 

04/03/2017

La détestable détestation des abstentionnistes...

210c672b9d6699e8f013b9a4668b3.jpgHier soir, lors de l'émission "du grain à Moudre" sur France Culture, le panel d'invités aux côtés du journaliste Antoine Peillon avaient tous pris fait et cause contre lui. Et pas qu'un peu. Auteur du livre "voter, c'est abdiquer" (ed Don Quichotte) ce spécialiste de la fraude fiscale et des liens entre classe politique et argent sale à été littéralement agressé par les trois autres intervenants. Sylvain Bourmeau était gentiment dans la contradiction, mais Anastasia Colossimo et surtout Philippe Manière ont tenu à expliquer qu'il était un irresponsable, un danger pour la démocratie, un idiot utile du fascisme.

Frère de l'ancien ministre de l'éducation nationale Vincent Peillon et compagnon de route de la gauche pendant des décennies, Antoine Peillon expliquait une conversion quasi mystique à l'abstention. Une conversion non violente, mais pour lui définitive et évidente : face à la corruption massive des élus qu'il fréquentait et de leur constance assumée à ne rien changer à leurs pratiques, il lui est apparu évident qu'il ne devait plus voter. Dans un régime où le pluralisme est de façade et les institutions verrouillées pour contraindre à une représentation minimaliste et binaire, l'expression de convictions différentes est vouée à l'échec électoral. D'où son goût pour l'abstention, une abstention choisie, militante, désireuse de dire aux gouvernants de réformer leurs procédures de désignation. L'utopie de Peillon est sans doute d'arriver à ce qui se passe dans le très beau roman de Sarramago "la lucidité" où le parti du vote blanc arrive en tête aux élections. 

C'était donc un plaidoyer pacifique et apaisé auquel les trois autres invités se sont violemment opposé avec une réussite limitée. Et pour cause : l'inanité de leurs arguments a de quoi faire bondir. Ils refusent tous de reconnaître le caractère politisé des abstentionnistes. Pour eux, il s'agit de personnes coupables de désintérêt pour la chose publique. Par extension, ils accordent sans doute un caractère éclairé aux votants. Sauf s'ils votent FN, bien sûr. Et c'est là l'angle mort de leur raisonnement et de leurs analyses oiseuses. En somme, pour eux il faut voter, parce que c'est bien, parce que des gens sont "morts pour ça", mais il vaudrait voir à pas voter n'importer quoi... Les mêmes commentateurs vous expliquent à quelques phrases d'intervalles que Le Pen est un repoussoir, Dupont Aignan ne vaut pas mieux et que de l'autre côté, Hamon est sympathique mais irréaliste, que Mélenchon n'est pas très fréquentable, Poutou vous n'y pensez pas ad nauseam... Ajoutez à cela Manière qui se fend d'un "Nuit Debout, c'est violent", "les ZAD, c'est violent", et d'en conclure qu'en gros il ne faudrait peut être pas leur donner le droit de vote car ils ne servent pas la démocratie... A vomir.

Bien sûr, au second tour d'une présidentielle où nous ferions face à Marine le Pen face à un autre candidat, mécaniquement, les abstentionnistes "feraient le jeu" comme on dit  (mal) du Front National. Mais comment pouvons nous ne pas voir que derrière ce chantage dégueulasse au vote et au vote utile, on nie l'essence même de la démocratie, du libre choix des électeurs ? Comment ose-t-on faire porter le chapeau aux abstentionnistes de l'émergence du populisme ? En 2002, beaucoup d'abstention et Jean-Marie le Pen au second tour, certes. Mais Jean-Marie le Pen a 4,8 millions d'électeurs. Le problème 15 ans plus tard n'est pas tant que nombre de personnes qui pensent à aller à la pêche le 7 mai que la fille de Jean-Marie s'apprête à réunir près de 10 millions de votants. Près du double.

A force de nous expliquer en long en large et en travers qu'il faut voter, à condition de voter entre centre gauche et droite, on fabrique une abstention militante, tonique, une abstention de ceux qui se prennent par la main et font beaucoup, au quotidien. Ceux qui conspuent les abstentionnistes leur parlent-ils vraiment ? Et surtout, sont-ils déjà allé sonder des électeurs "de base", des militants de base qui vont aux meetings pour l'ambiance et ne connaissent rien des programmes de leurs champions. C'est étonnant, de parer l'électeur de vertus insoupçonnées... Une majorité d'électeurs votent en creux, votent contre un candidat, ou pour une attitude, une posture. A contrario, nombre d'abstentionnistes murissent leur décision de non vote pour des raisons idéologiques et politiques de non représentations de leurs idées et idéaux. C'est sans doute irritant, mais ça mérite plutôt une forme de respect pour leurs convictions et sans doute une beaucoup plus grande écoute de la part des élus qui continuent de traiter ces millions de voix par le mépris. Une attitude proprement détestable.