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04/10/2017

Vers une Europe à 600 ?

Dimanche, le poids des mots a été écrasé par le choc des photos. Des manifestants pacifiques en sang, des femmes tirées par les cheveux, des anciens bougés sans ménagement, des jeunes frappés au sol.... La police espagnole, encouragée par le premier ministre corrompu jusqu'à l'os a molesté sans retenue les indépendantistes et a perdu la bataille des images en même temps qu'elle gagnait celle de la rue. Surtout, elle a empêché tout débat. Car le départ de la Catalogne du royaume d'Espagne serait une catastrophe. Pas seulement en tant que telle, mais pour l'effet domino à redouter parmi toutes les régions riches d'Europe : quid d'un départ de la Lombardie, de la Padanie, du Tyrol, de la Wallonie, de la Bavière et de la Hesse pet de l'Ile de France ?

"La Catalogne est un pays riche, mais qui se fait voler par l'Espagne. Sans l'Espagne, la Catalogne serait la Suisse" entendait-on en marge du référendum de dimanche. La force des indépendantistes est de savoir catalyser diverses colères pour obtenir une majorité hétéroclite pour ne pas dire contradictoire, mais au fond toujours un peu dégueulasse. Dans le lot, vous avez quelques nostalgiques de leur enfance, où la culture locale était plus marquée, avec une langue plus présente et un certain folklore. Les jeunes en perdition reprennent souvent ce flambeau, faute de rôle à jouer dans le combat de la mondialisation. "Une vie violente", film français paru cette année montre très bien cela à propos de la Corse. Un mélange de fierté mal placée, de racisme mal avoué et de goût affirmé pour la lutte. Les pauvres hères, le lumpen de ces régions forment le carburant au service d'une minorité de poujadistes qui ne veulent plus payer d'impôts. A la tête de la lutte pour l'indépendance catalane, on trouve l'ex joueur et entraîneur du FC Barcelone, Pep Guardiola, tellement inconditionnellement catalan qu'il vit en Angleterre et entraîne Manchester City. 

Ces régions ne sont riches que et uniquement parce que des entités plus grandes sont là. Le système scolaire catalan, le système sanitaire catalan, les infrastructures de transports catalanes ne seraient pas viables sans l'assistance du royaume d'Espagne qui investit, planifie, prend en charge les dépenses exceptionnelles. Les volontés indépendantistes c'est le triomphe de la charité sur la solidarité, la victoire de l'entre aide individuelle sur le collectif, un retour deux siècles en arrière et une belle saloperie. De plus, l'indépendantisme c'est le triomphe de la guerre. On peut (on doit) faire nombre de reproches à l'Europe, mais soixante années de construction européenne s'accompagnent de zéro conflits entre états membres. Zé-ro. Demain, les velléités irrédentes feront immanquablement naître des nouveaux conflits. 

Macron refuse de commenter la situation d'un Etat souverain, Juncker sifflote au balcon et tous les dirigeants continentaux laisse Rajoy sombrer seul. Pour se sauver elle même, l'Europe doit devenir (j'allais dire "redevenir", mais je crains qu'elle ne le fût jamais un jour) un espace démocratique. Une entité qui sait entendre les rejets du seul marché comme lors de la très forte opposition au TCE, en 2005. Si l'on veut faire adhérer à l'Europe, il faut la vendre clairement : montrer ce que les échanges peuvent apporter, donner des exemples autre qu'Erasmus, programme très honorable mais qui ne profite qu'à une minorité qui réussira de toutes façons. La Catalogne pousse un cri que les 27 doivent entendre avant de se réveiller à 600, avec un triomphe des baronies locales, des petites mafias, des cliques. 

"Les racistes se trompent de colère" disait Léopold Sedar Senghor. Les indépendantistes aussi.