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24/09/2017

Tu fais vraiment chier, Jean-Luc

Cher Jean-Luc, je me permets de tutoyer. Entre camarades on fait tous ça, hein. J'ai voté pour toi le 23 avril alors ne m'engueule pas. Je ne fais pas partie des 600 000 qui ont manqué à l'appel, les félons à cause de qui la face du monde n'a pas changé. Ca n'a pas été simple tous les jours pendant la campagne de te défendre, alors qu'Hamon présentait un programme de progrès social, pacifique et d'une transformation écologique radicale, de voter pour toi. Au final, une seule chose m'importait : en 2008, tu as quitté le PS quand il est resté. Le PS est une machine à fabriquer du consensus libéral, il n'y a rien à en espérer et la Nouvelle Gauche qui va renaître dessus est du même tonneau frelaté avant de murir. 

Alors oui, il t'a manqué 600 000 voix, oui tu as porté un élan incroyable et oui, nos institutions sont moisies pour que LFI ne compte qu'une vingtaine de députés et le FN 8 quand LREM en a bien plus de 300. D'accord, mille fois d'accord, c'est injuste et frustrant. Et je comprends que pour contrebalancer cette iniquité institutionnelle, tu te serves du fait que tous les meilleurs orateurs de l'Assemblée soient dans ton camp. Très bien. Faire de la pédagogie, disséquer les textes, montrer la vraie nature des mesures prises par le gouvernement, tout ça c'est parfait. 

20 points. Macron a déjà perdu 20 points d'opinions favorables en un temps record. Arrogance, mépris de classe et surtout politique de classe, bourgeoise et anti écologique. Les français savent lire, savent s'informer, le désamour avec Macron est un désaccord de fond. Sur le fond, nos idées de révolutions écologiques et de progrès social sont majoritaires. Respirer un air meilleur, ne pas défoncer les sols, manger mieux, protéger et partager tous. Ca n'est pas passé à la présidentielle, mais on voit bien que les idées progressent. Laissons infuser, repartons vers des batailles locales et on verra l'avenir. Tu aurais tout, Jean-Luc, pour défendre ce fond là. Mais il y a la forme. 

Maduro... Pourquoi tu ne peux pas répondre simplement à cette question du Vénézuela ? Bien sûr, la géopolitique est complexe, mais comme pour Assad, ça n'est pas parce que leurs opposants ne sont pas des enfants de choeur qu'on doit édulcorer la réponse : il s'agit d'un dictateur, point barre. Les casseroles ? L'importation des mouvements protestataires d'Amérique du Sud résonne curieusement chez nous. A Paris, voir débarquer des manifestants avec des casseroles devant les ministères ne sent pas bon. Demain où ? Le siège de Total, de BNP et après ? Sciences Po, l'ENA ? Tout ça indistinctement ? Ca n'est pas sérieux et tu le sais. Et hier "la rue qui a chassé les nazis ?". C'est inepte et insane, indigne d'un homme doté de ta culture. 

Tu fais chier Jean-Luc, car à cause de cette forme immonde, tu prêtes le flanc à tous les libéraux qui se jettent la dessus comme des morts de faim. Ils n'ont plus à questionner la légitimité de la révolte sociale et écologique qui nous anime, ils se contentent de dire Maduro, nazis et le tour est joué... Ce matin dans l'Esprit Public sur France Culture, Hubert Védrine a d'ailleurs versé dans ce registre : "après les propos de Mélenchon sur la rue et les nazis, tout est disqualifié. Cessons de parler de lui". Tu sais, Jean-Luc, Hubert Védrine, c'est  le mec qui a du sang sur les mains, celui qui a armé le camp du génocide au Rwanda. Hubert Védrine, ce fieffé gredin qui se fait des couilles en or pour conseiller des types louches, te donnes des leçons de bienséance et on ne peut même pas te défendre parce que tu déconnes à pleins tubes et que tout ce que tu as comme ligne c'est "vous voulez eux ou moi ?". Alors, Jean-Luc, non, je ne veux plus d'eux, nous sommes des millions à ne plus vouloir des libéraux, mais dégonfle un peu ton bourrichon pour te rendre aimable. 

Pour finir, une anecdote personnelle. il y a quelques années dans une manif, je marchais avec mon père quand nous sommes arrivés à ta hauteur, Jean-Luc. Mon paternel t'as apostrophé gentiment, tu l'as regardé en souriant : en manif on est tous amis. Il t'as dit "j'ai voté pour vous. Mais "qu'ils s'en aillent tous", ça n'est pas nous. Ca n'est pas la gauche, vous devriez changer votre slogan". En retour, tu l'as fusillé. Certes, ça n'était que du regard, mais tout de même. On a besoin de pouvoir dialoguer, Jean-Luc. Nos idées sont majoritaires dans le pays, je n'en doute pas. Mais le ralliement sous contrainte, ça ne marchera pas. 

23/09/2017

L'école fait son travail, que le MEDEF remplisse ses devoirs

661%2Fafp-news%2Fb45%2F8ed%2F089d6912e6de2a2cb13fc5ccdd%2Fsi-l-ecole-faisait-son-travail-j-aurais-du-travail-le-slogan-du-medef-fait-polemique-60509d240c9696f512b0d136653efc6da516bea0-highDef.jpgIl y a eu pire que l'immonde campagne du MEDEF de cette semaine : ceux qui voulurent la défendre. L'histoire est symptomatique des réseaux sociaux : une campagne dégueulasse passée inaperçue quelques mois, quand soudain une personnalité plus suivie que la moyenne la relaie et c'est l'explosion. Accélération et transparence, les vertus d'internet grâce à qui les saloperies ne restent plus cachées bien longtemps. Quel malheur que cela ne soit pas aussi simple avec l'évasion fiscale que l'on révèle de plus en plus vite, mais qui reste toujours autant impunie. Le solutionnisme n'est pas un humanisme. Passons.

Cette campagne dégueulasse est un concentré des stéréotypes que le MEDEF fait peser sur "l'école". Selon eux, l'école publique est un repaire de profs syndiqués, communistes, qui refusent de former les élèves pour qu'ils deviennent du bétail compatissant et ânonnant bravement "merci patron" quand ceux-ci, grâce aux ordonnances récentes casseront sans discussion leurs emplois du temps, le salaire minimum et autres acquis élémentaires... Mais, n'en déplaise au MEDEF, le problème du chômage endémique en France n'est certainement pas du fait de l'école. En rien.

On manque de monde dans les métiers techniques, l'artisanat, l'hôtellerie ? Mais ça n'est pas "l'école" qui est responsable des stéréotypes liés aux métiers manuels et difficiles, ça n'est pas elle qui incite les parents à porter plainte contre elle quand une décision d'orientation en ce sens est prise pour les maintenir à tout prix en filière générale... Ca n'est pas l'école qui est responsable de la frilosité des entreprises face aux bacheliers littéraires, aux diplômés en lettres, en sociologie, en histoire, en psychologie, tous jeunes pour lesquels les pays du monde entier verraient "des talents" quand les entreprises françaises bien trop souvent voient des incapables... Ca n'est pas l'école qui bloque, qui gèle, qui immobilise les cursus. Tout cela, tout ce marasme est une responsabilité collective bien répartie entre des parents qui pratiquent la consumérisme scolaire (abus de cartes scolaires, contournement, recours massif au privé, actions en justice contre les école) et acteurs économiques d'un conservatisme navrant. Pour un think tank spécialisé sur l'emploi, j'avais rédigé une étude sur le recrutement où nous avions sondé 500 recruteurs. Je resterai pudique pour qualifier leurs réponses, mais en termes d'ouvertures sur la formation, il y a des baffes qui se perdent...

Je ne dis pas que l'école française est parfaite, c'est loin d'être le cas et la situation s'aggrave de façon dramatique sur le front des inégalités. Sans doute l'école française ne fait pas la part suffisamment belle à la confiance et à la créativité, n'encourage-t-elle pas suffisamment les travaux de groupes et ne met elle pas le paquet, donc, pour corriger les inégalités de naissance, les inégalités sociales. Mais pour le reste, quel procès inepte et vomitif. Et les avocats qui sont venus à la rescousse du MEDEF devraient se cacher de honte. Même Gattaz, tancé par Blanquer (qui n'était pas choqué il y a un mois alors qu'il assistait à leur université d'été, mais Jean Mimi est l'incarnation la plus absolue et décomplexée du "et en même temps), mais il s'en est quand même trouvé pour dire qu'on pouvait discuter... On ne peut pas discuter sur une base aussi spécieuse, aussi biaisée. Tous les débats sont ouverts, mais la façon dont on oriente le débat est acceptable ou non, celle-ci ne l'était pas. L'école est là pour former des citoyens, pour éduquer, libérer, émanciper. Pas pour former une armée de moutons bêlants. Cette note t'es dédiée, Nicolas Froissard, directeur de la communication du plus gros groupe de l'économie sociale et solidaire. Les fondateurs de ce mouvement fondé sur l'ouverture, le partage et la cohésion doivent se dire qu'ils ont un bien drôle de porte-parole... 

22/09/2017

Narcos, saison 4

Pas de spoiler, pas de révélations fracassantes sur un nouveau cartel colombien, mexicain ou autre destination exotique. Non, la saison 4 de Narcos a commencé il y a bien longtemps et nous sommes en plein dedans. Au sens où "nous" sommes en plein dedans. Il s'agit d'une série où nous sommes les anti-héros, ceux qui subissons de plein fouet les exactions du nouveau cartel insaisissable, mais qui pille infiniment plus qu'Escobar en son temps ; et en redonnant bien moins aux classes populaires, de surcroît. Lors des funérailles du célèbre baron de la drogue, des dizaines de milliers de colombiens pauvres pleuraient, inconsolables. Et pour cause, le tyran assassinait ses opposants politiques et policiers, mais a financé des HLM de qualité qui sont toujours debout aujourd'hui, des écoles, des hôpitaux. Il a arrosé les classes populaires dans des proportions inouïes, l'argent de la drogue a pallié là où celui de l'Etat faisait défaut. Combien de pauvres hères en Europe défileraient derrière le corbillard de Jean-Claude Juncker ou de José Manuel Barroso ? Aucun. Et pourtant... 

Pourtant, la récente révélation de ce que le rapport d'expertise européenne était truffé de copiés-collés de Monsanto confirme ce que tout le monde voit : l'emprise du nouveau cartel, la corruption rampante, étouffe le politique comme un boa constrictor achève ses proies. Dans "Une démocratie corruptible" le politologue Pierre Lascoumes a montré comment la corruption endémique paralyse l'action publique dans les pays en développement, obère la possibilité de redistribuer. Ce que nous dit Lascoumes c'est qu'il existe des seuils universels, des montants à partir desquels on peut corrompre, partout dans le monde. On se focalise sur les pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud, façon polie de mettre à distance le problème, mais la corruption des agents publics ne connaît pas de frontières et se répand de plus en plus dans les instances européennes. Selon Lascoumes, au delà de 20% du salaire d'un fonctionnaire, la possibilité de corruption est là. Prenez un douanier qui émarge à 1200 euros nets par mois. A 100 euros de backchich pour prendre des risques, il ne bronchera pas et vous fera coffrer. Mais à 500 ? A 1 000 ? Si cela heurte notre morale, Narcos montre bien comment la police, les compagnies téléphoniques (pour connaître tout des écoutes), les juges et une partie de la classe politique furent achetés par les barons de la drogue. L'avantage, ce qui mit fin à ces pratiques, était l'identification possible de l'ennemi. Là, nous faisons face à une hydre avec des centaines de têtes tapies dans l'ombre, mais qui avance. A mesure qu'ils avalent des empires médiatiques, journaux, télés, sites internets, les libéraux pratiquent la corruption soft, celle des esprits. A mesure qu'ils stipendient des experts, infiltrent les commissions, les arcanes des assemblées, des cabinets, ils instillent toujours leur dose personnelle dans tous les cocktails législatifs. 

Le décalage entre ce qu'on nous annonce sur les étiquettes de réformes et la réalité des recettes ne fait que s'accroître. Cela n'a rien de complotiste, les faits sont là. Les lanceurs d'alertes hurlent et nous les entendons pas assez (aidés que nous sommes par des gouvernants qui ne les protègent pas assez, quand ils ne les attaquent pas en justice). Dans Narcos, la justice finit par passer avec l'aide de quelques incorruptibles militaires et illuminés religieux. Espérons qu'on pourra s'en sortir avec d'autres types de renforts.