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16/09/2020

Refaire le monde, sans identités

Depuis quelques semaines, on m'a rajouté à un fil Whatsapp unitaire des gauches. Un peu plus de 200 participant.es, très divers en termes de profil politique (toutes formations), de parcours (d'ancien.nes ministres, élu.es, des responsables associatifs, des rien de tout cela). Je voyais passer des tas d'échanges nourris, des désaccords, des synthèses, des rapprochements. Comment concilier justice écologique, justice sociale, l'égalité entre les sexes, entre les territoires... La tectonique des gauches frottait et tenait. Et puis, et puis et puis. Quelqu'un a parlé de voile et là il ne fut plus question de refaire le monde...

Ça m'a déprimé. Le piège identitaire, une fois de plus, a refermé ses crocs sur le partage. Je ne dis évidemment rien du contenu des échanges, le problème de fond étant qu'on perdre trop de temps à débattre de ces sujets avec les inévitables dissensus, mais le temps perdu à s'engueuler, à essayer de se rabibocher, est un temps perdu pour ne pas réfléchir à la question de "si tu avais eu 100 millards, aurais-tu fait le même plan de relance ?" ou encore "quitte à relancer l'économie avec 100 milliards, pourquoi ne pas aller les chercher dans les paradis fiscaux où ils se cachent ?". C'était mieux de commenter les remugles d'une journaliste faf. Misère.... 

La semaine dernière, la revue anachronique Le Débat a prétexté les polarisations identitaires pour expliquer sa disparition. Dans le dernier numéro où ils fustigent la tyrannie des minorités et des jeunes, les rédacteurs ne voient pas qu'ils sont 83% d'hommes, d'une moyenne d'âge de 71,5 ans... Évidemment qu'il y a des inégalités identitaires colossales dans ce pays. Raison de plus pour l'aborder par la porte des inégalitéS plurielles... 

L'identité est un cul de sac et le seul moyen d'en sortir, c'est de ne pas l'aborder, collectivement. En 2017, 77% des français trouvaient qu'on parlait trop de religion dans le débat public. Sur le voile, sur les fêtes religieuses fériées, sur le fait de savoir si une personne transgenre ayant engendré un enfant comme homme et devenu femme peut être reconnu comme mère de l'enfant (la moitié du JT de 19h d'Inter....), on peut débattre, on doit débattre, mais ça ne peut pas constituer l'épine commune. La société civile se bouge, les militant.es font avancer les combats et accule le politique à voter des lois. Qu'on discute de projets de lois, certes, mais dans 95% des cas, on discute de faits divers, de tweets clashs, de propos rapportés, de rumeurs.... Sur tous ces sujets, la seule manière de résister, c'est de renoncer. C'est la posture Bartelby, "I would rather not to", ou Roland Barthes "permettez moi de ne pas avoir d'opinion". 

Il y a peu, j'ai déjeuné avec une jeune femme de gauche, brillante et habitée par la chose publique. Nos échanges étaient vifs, respectueux des divergences, curieux. Mais, quand je parlais du fait que tout partait du fait de prendre l'argent là où il est, de mettre des contraintes et des limites à un système économique devenu fou, je me vis opposer une fin de non-recevoir "c'est pas ça qui mobilise les gens. Les références historiques, les chiffres, ça bouge pas les gens. Et puis, il faut dire des choses crédibles, audibles : Amazon, c'est mal, mais ils payeront jamais de toutes façons, donc avançons sur des choses concrètes". J'étais déconfit, démobilisé, démoralisé. Que pouvais-je dire ? Ma génération s'est vendue au néolibéralisme comme jamais, a troqué ses idéaux comme des joueurs passant du PSG à l'OM à la mi-temps.... Alors bien sûr, l'idéal, un peu de profil bas...

Refaire le monde et rêver du grand soir n'amuse plus grand monde et la tentation est grande d'aller vers des petits matins à portée de main. Mais c'est quand même un putain de renoncement... 

15/09/2020

Populiste, populiste et demi

En défendant la 5G contre "le modèle Amish" Macron a quitté le camp qu'il prétendait incarner seul : celui de la raison. Pour justifier sa position centrale sur l'échiquier, Jean Le Canuet 2.0 a toujours prétendu être le dernier rempart "face aux populistes".

Dans son remarquable "qu'est-ce que le populisme ?" le politiste Jan-Werner Muller en donne une longue définition, avec force critère, montrant que l'on peut retrouver des populistes dans n'importe quel camp politique. Plus généralement à l'extrême-droite ou dans la gauche radicale, mais pourquoi pas chez les supposés progressistes. Car ce que montre Muller est que l'on bascule en populisme quand on joue sur les affects uniquement et que son discours est déconnectée de toute réalité chiffrée et factuelle. A l'extrême-droite, ce sont évidemment des diatribes anti-immigrations et sécuritaires, des discours sur le "déferlement", le "remplacement", les "crimes de masses" et le "climat de terreur" que l'on retrouve beaucoup aux éditions Ring, parmi les débatteurs de C News, mais dans aucune étude un peu sérieuse...

En disant que s'opposer à une technologie aussi nécessaire à notre quotidien qu'une prothèse auditive non waterproof à des poissons, Macron a rejoint les rangs populistes. Déjà, ces ministres montaient au créneau, contre les "Khmers Verts", fustigeaient une "écologie radicale improductive" pour faire l'apologie de la FNSEA et des chasseurs, plus réalistes... L'homme n'en est pas à son coup d'essai, déjà sur la taxe à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million par an (c'était vraiment une mesure rose pale, hein...) il disait "c'est Cuba sans la soleil". La 5G comprend des risques pour la santé et entraînera une gabegie énergétique folle quand la priorité des priorités est de réduire notre consommation. Avec la 4G, nous sommes déjà à des années lumières du "modèle Amish", oser dire cela, c'est décrédibiliser le débat contradictoire et ça ne fait jamais de bien au pluralisme politique. 

Contrairement au populisme d'extrême droite qui joue sur les peurs et le rétablissement d'un passé forcément plus glorieux, le populisme centriste joue sur le chantage : nous où le chaos, nous où un futur dégradé. Ceci sans voir que leurs programmes, leur modèle de TINA, amène déjà le chaos et condamne le futur.

Amis Amish (à répéter dix fois de suite, de plus en plus vite, après des shots de vodka) : ne prenez pas la peine de répondre, bornez vous à essayer de convaincre celles et ceux qui soutiennent toujours le camp présidentiel (20% aux européennes, 25% d'intentions de vote pour 2022) que leur remède est du niveau du mal qu'il combatte et qu'il serait sain de cesser l'outrance qui profite toujours aux adeptes originaux de ce registre...  

13/09/2020

En vert et contre tous ?

On savait déjà que les français étaient des veaux, mais à ce point, ça laisse pantois : songez que les électeur.rices bordelais.es se sont mobilisé.es pour élire un homme qui a comme seul priorité de sauver les sapins pour noël et les lyonnais.es, un thuriféraire de l'écriture inclusive détestant le Tour de France. Misère...

Si ça ne prenait tant de place, je trouverais cela très drôle. En à peine trois mois, les élu.es EELV sont en train de dilapider leur capital sérieux. Ils ont évidemment une part de responsabilité là dedans. Rubirola la nouvelle édile de Marseille fait partie des anti vax très remonté.es, comme Rivasi. À l'époque où la planète prie qu'un vaccin leur permette de retrouver une liberté de circulation totale, les propos font tousser... Hurmic et Bernard ont effectivement commenté l'avenir des résineux ou du tour et, ce faisant, ont orouvé qu'ils n'avaient pas encore eu recours à des séquences de media training... C'est dommageable. Mais on a tout de même le droit de se demander à qui profite le crime, en l'espèce le procès en perte de crédibilité intenté de partout. La réponse ne mérite pas une enquête bien fouillée : aux tenants du laisser faire environnemental. 

Alors qu'on réintroduit les néonicotinoïdes tueurs d'abeilles, qu'on accélère le déploiement de la 5G au nom d'une chimérique égalité territoriale et d'encore plus hypothétiques emplois boostés par les possibilités de télétravail, alors que les aides aux entreprises du plan de relance ne sont en rien conditionnées par des motifs environnementaux, se moquer des élu.es verts est une aubaine pour un pouvoir aux abois sur la question.

La "séquence" de l'enfumage avec une consultation citoyenne où Macron a écarté les seules mesures contraignantes (ponction sur les dividendes pour financer des projets écologiques, 110km sur les autoroutes et réécriture du Préambule de la constitution) pour garder toutes celles plus molles et malléables, tacler les verts est une question de survie. Idem pour le RN et LR, qui mettent en avant leur écologie rurale et traditionnelle, sans OGM (pour le RN), avec une régulation des espèces par les chasseurs, et le refus de la PMA/GPA pour ne pas modifier ce que la nature a prévu. Idem pour le PS tendance Hollande, Le Foll, Joffrin, tous ceux qui méprisent l'évidence de la fin de l'âge d'abondance... 

Que Valeurs Actuelles et le Figaro caricaturent les élu.es vert.es, c'est dans l'ordre des choses. Ils sont dans leur rôle, financés par les lobbys fossiles et les constructeurs de bagnoles. Mais que nombre de titres se joignent à la bataille, jusqu'à la curée, c'est mortifère. Car les listes vertes l'ont été avant tout sur des projets de société, pour qu'on respire dans les centres villes, qu'on en vide les voitures et repeuplent de petits commerces, qu'on ferme les centre commerciaux et facilitent la vie des piétons et cyclistes, qu'on révolutionne les cantines pour qu'on y cuisine à nouveau, frais et local. Qu'on monte des coopératives d'énergies propres, revitalise les festivals et ainsi de suite. Quand le sage montre la route vers Cocagne, l'imbécile regarde un référendum sur les sapins...