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05/03/2010

Lecture hygiénique

Image/Livre Image/Livre, j'hésitais entre vous parler d'un livre et the ghost writer que je suis allé voir hier. J'ai tranché en me disant que pour une fois, les dithyrambes autour du film de Polanski sont justifiées (si on excepte la fin, mais comme souvent) et que bon, z'avez qu'à y aller plutôt que d'aller vous ruer au salon de l'agriculture ce week-end.

Le bouquin, en revanche, je voulais y revenir. C'est Une société à soigner de Gérard Jorland, sur les hygiénistes au XIXème en France (Gallimard février 2010). Dans le Monde, le journaliste disait qu'on savait d'emblée que l'on avait affaire à un grand livrer et que Jorland c'était du calibre de Foucault, le panache littéraire en moins, mais aussi révolutionnaire dans le fond. Diantre ! Le genre de critique qui me semble confiner au copinage absolu. On le voit souvent en littérature: quand tu peux pas dire du bien du bouquin de ton pote, tu sors l'argument massue des grands anciens, plus pour leur vie que pour le style: "Nicolas Rey (ou Florian Zeller ou autres jeune beau, Ariel Kening, Gaspard Koening.... le mal semble assez masculin....) explore sa vie d'excès où il se brûle les ailes tel une phalène affolée par les paradis artificiels. Heureusement, en grand phénix fitzgeraldien ou proustien, il redescend parmi nous et nous livre un livre en fix. C'est du brutal !". Des critiques comme ça, on en trouve plein le Figaro Magazine ou son pendant branché de gauche mais tout aussi con, les Inrocks.

Le Monde a beaucoup de défauts, mais est peu suspect de ce genre de légèreté (sauf avec les bouquins de Fottorino et Sollers...) donc j'ai lu l'opus de Jorland avec bienveillance... Et bien m'en fit ! L'auteur s'est plongé dans un tas de monographies, de tableaux, d'enquêtes peu appétissantes comme la vaste recherche sur le goitre et le crétinisme. Le tout pour comprendre comment des hommes de bonnes volontés ont voulu faire reculer la mortalité démentielle en France. On y croise de grandes figures comme Villermé ou Hallé (qui a donné une très belle rue à Paris...) des débats à n'en plus finir, des expérimentations drolatiques pour comprendre si les odeurs des égoûts sont simplement insupportables ou bien létales.

On apprend des choses folles sur la mortalité infantile: si elle était aussi importante, alors, c'est aussi car le très fort nombre d'enfants bâtards ou non désirés poussaient certains à organiser des espèces d'hôpitaux infanticides où on tuaient les mouflets à la naissance comme des chatons... Charmant...

On voit surtout que l'hygiène est un projet politique global et majeur: pour que le pays soit hygiénique il faut réunir architectes, chimistes et autres et surtout il faut de l'ordre pour empêcher les contagions. Les mômes à l'école et pas dans les rues, les putes en maisons closes et pas dans la rue, les taulards en taule et pas dans la rue... Bon, en gros personne dans la rue. Ce souci d'ordre vient se nicher jusque dans les moeurs, toute sexualité déviante est suspecte d'être mortifère: un passage très amusant explique que les sodomites à force de s'acharner sur une voie non naturelle ont le gland en tire-bouchon... Pour autant, lisez-le pour ne pas émettre l'idée court-circuitée et éhontément fausse selon laquelle les premiers hygiénistes seraient fachos à cause de leur quête d'ordre, à l'époque c'était plus Comte, "ordre et progrès" allaient ensemble. A l'époque je dis bien....

Bref, c'est une somme d'érudition prodigieuse au service d'une avancée majeure pour l'humanité et écrit dans une prose romanesque. Romans que l'auteur fustige gentiment en conclusion puisqu'il s'avère qu'en France on a trop pensé l'hygiène quand d'autres l'appliquaient et stoppaient plus tôt les épidémies de choléra...

Savant, drôle et passionnant: que demande le peuple ?

Demain, nous reviendrons sur le 5 mars, mort de Staline, plutôt que sur le 4, mort de Jacques Marseille, ce dont nous nous remettrons bien plus aisément.

 

Commentaires

J'ai peut-être un peu de retard (dans le commentaire et dans le vocabulaire), mais j'aimerais bien savoir ce que c'est que "lancer une soupe". Je compte sur toi pour me mettre à niveau et me permettre ainsi d'épater les étudiants par mon éternelle djeunesse.
Bravo pour ce billet sur Jorland, tu nous fais saliver.

Écrit par : estellebeaurivage | 06/03/2010

Vaste sujet, en effet…
Mais quand même, l'école pour empêcher les contagions… les gosses, dès qu'ils vont à l'école (à la crèche aussi, bon d'accord), ils se chopent tout: les rhumes, les poux, et se les refilent… Et tiens, même les gros mots:)

Écrit par : Yola | 07/03/2010

@Estelle: lancer une soupe n'est pas une discipline olympique, c'est plutôt avancer l'idée que peut être, éventuellement, on pourrait tenter de faire une soupe... Les jeunes...

@Yola: retour de l'école à domicile ? Ca a (dé)formé Luc Ferry et ça, ça fout les jetons !

Écrit par : Castor Junior | 07/03/2010

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