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23/04/2010

Les politiques aiment la langue de boeuf

Mais pas seulement dans leur assiette. Je ne veux pas verser dans le post réac, ne crois pas qu'il y eut un âge d'or du verbe politique, qu'il soit forcément plus lyrique à gauche (in Georges Marchais we trusted...) mais tout de même, les limites atteintes en ce moment me font froid dans le dos.

Je passe sur Nabot Léon, "fais pas le malin", c'est si consternant, mais de la part de l'auteur de "si y en a que ça les démange d'augmenter les impôts" plus rien ne peut me surprendre... Ce matin, une secrétaire d'Etat à la ville que je nommerai pas, mais disons qu'elle est en poste disait sur Inter "Clichy sous Bois est un truc très symbolique de ce qui se passe dans notre pays". Je cite celle-là, pour ne passer tirer facilement sur toutes les fautes de syntaxe, les barbarismes et autres...

Pour moi, depuis quelques années, ne datons pas la chose de mai 2007, c'est plus ancien, il y a une inversion du rapport du politique au verbe: historiquement, c'était son arme, sa lame, son artillerie. Langue folle, rebelle, revêche, enflammée ou apaisante, mais le verbe soutenait les idées pour lever les foules. Aujourd'hui les politiques manient la langue de bois et les électeurs attrapent la gueule de bois à cause de ces discours formatés comme des pièces d'usine.

Que retenez-vous d'une interview d'un Copé, d'un Valls ou surtout d'une Rama Yade ? Rien, car tout est fait pour lisser son discours au maximum et devenir inattaquable. Une trouille du verbe exacerbée qu'on refoule dans une trentaine d'expressions passe-partout, façon "éléments de langage" avec lesquels on peut commenter n'importe quel sujet sans avoir de procès.

Morano, Eric Raoult, Christian Estrosi et autres ne sont pas différents, ils sont juste plus boeufs et "dérapent". Ce fameux terme en vogue, avec lequel on condamne Hortefeux, Frêche, Sarkozy ou un Christian Vanneste... Ledit dérapage a ceci d'inquiétant qu'au-delà du corps politique, il est repris la bouche en choeur par toute la presse bienpensante qui, elle aussi et de plus en plus, reprend ses trente expressions langue de bois pour commenter l'actualité. Une dizaine de marqueurs "Libé" une dizaine "Figaro" et hop, on appelle ça une analyse. Surtout, la presse moque le verbe, même quand il sert une cause. D'accord Villepin brame plus qu'il ne déclame, mais son discours à l'ONU avait du fond; la presse le juge peu crédible pour ça. Plus intéressant le jugement des médias sur Montebourg: il s'est assagi, ne fait plus de pique (il s'est fait gronder un jour pour avoir répondu que le plus gros défaut de Ségolène était son compagnon) et ainsi promu plus "homme d'Etat". Je note au contraire qu'à une époque il pourfendait les paradis fiscaux, la délinquance en col blanc et autres et quand on peut l'entendre la-dessus, il débite fadaise sur fadaise à propos des primaires à venir... Mais il s'en fout puisqu'il a l'onction cathodique, estampillé homme d'Etat...

Le problème de cette phobie de l'écartement discursif, c'est qu'elle contient une paupérisation langagière inexorable, quand on s'interdit, qu'on se bride, on emploi un vocabulaire de plus en plus restreint, et, fatalement, ceux qui maîtrisent moins les fondamentaux de la langue lisse nous choque par l'indigence crasse de leur français.

Soupir en songeant aux amateurs de langue de boeuf dans l'assiette et de langage sanguin à l'Assemblée. En ce vendredi d'avril, j'en viens à regretter amèrement Jean-François Probst, et même Tibéri; en face, Roland Dumas et Jack Lang dans le genre théâtre de boulevard, ça valait son pesant d'arachide. Au final, ils ne sont pas moins margoulins que les nouveaux, mais au moins, on s'écharpait en dentelle et avec savoir-vivre et on pouvait rire un peu. Quitte à être pris pour des cons autant que ce soit avec le sourire...

Demain, je le dis sans arrière-pensée politique et sans vouloir créer de polémique, mais nous serons sans doute en week-end.

Commentaires

Du bœuf au beauf, on reste dans le sanguin et le primaire. Difficile de faire pousser des fleurs de rhétorique sur le fumier de la médiacratie. On revient toujours aux fondamentaux : éduquer pour critiquer et non pas abrutir pour consommer. Typique de l'époque qui préfère le flux au solide. Alors que la langue de bœuf succède à la langue de bois, c'est toujours le citoyen récepteur qui se bouche les oreilles et qui est pris pour un con. On parle en unités de bruit médiatique désormais et de marqueurs : tout est dit, rien que dans les appellations (non contrôlées) : vite un canon de rouge ! (faut que ça saigne...)

Écrit par : franc-tireur | 23/04/2010

Tout à fait d'accord pour le canon de rouge, mais pas certain d'avoir la force ce week-end, je pars à Sancerre avaler quelques ballons blancs....

Écrit par : Castor Junior | 23/04/2010

Si tu as le temps, je t'invite à reécouter l'émission et à dénombrer la quantité de fois où elle a dit "clair", "c'est clair", "il faut être clair", "soyons clair", "je vais le dire clairement", "si on n'est pas clair", "quand on est clair"...
Tout ça me paraît trouble.

Sauf son discours sur la burqa.

Écrit par : estellebeaurivage | 23/04/2010

?????????????? T'y es pas, Castor, sûr que si tu prends les discours d'Adolf Hitler ça te remue les tripes de toutes les Allemandes, il est meilleur que Karajan : rires, pleurs, colère, Villepin n'a qu'à aller se rhabiller, il fait mousser les gonzesses mais c'est les métallos qui font la guerre en première ligne la plupart du temps. Le "Verbe" politique comme tu dis s'est juste déplacé, il est plutôt dans les feuilletons yankis : c'est pas génial, ça ? des scénaristes meilleurs que tous les écrivaillons français du "Flore" has been. Le Verbe a pas cédé d'un pouce, Castor. Merde, Villepin ? Tu te prendrais pas pour Mme Bovary des fois ? (D'ailleurs G. Schröder revendique justement tous les droits, c'était beaucoup plus difficile pour les Boches -colonie US comme le Japon- de dire "Auf Wiedersehen" à Papa Bush qu'à Chirac et Villepin à gueule de lévrier à son pépère : ouaf ! ouaf !

Écrit par : Lapinos | 25/04/2010

@ Estelle: faut que j'aille sur France Inter pour la réécouter, c'est clair, heu pardon c'est limpide...

@Lapinos: c'est bien ce que je dis, dans des feuilletons mais plus dans les meetings ni dans les colonnes ou les ondes...

Écrit par : Castor Junior | 25/04/2010

- Ouais ben le Verbe c'est du cinoche précisément, si tu crois que Goebbels se serait privé de bons téléfilms qui diffusent la bonne parole via le cinoche dans chaque foyer, qu'est-ce que tu crois ? Ils ont dû faire avec les moyens du bord les nazis, à commencer par l'organe du Füher. Après les Yankees ont eu tout le temps de perfectionner les V2.
- Pipeau complet de Villepin, uniquement destiné à la ménagère de moins de cinquante ans, politique intérieure, tout le travail avait déjà été fait en coulisse.

Écrit par : Lapinos | 25/04/2010

@Estelle : oui, le "clair" et ses dérivés ont remplacé les "naturel" et "naturellement" de Chirac. A noter, le retour en force du "évident" et de son adverbe - Copé le prise beaucoup.
A bien écouter les politiques, on vit dans un monde clair, évident et naturel, comme les solutions qu'ils proposent à nos problèmes (vous avez entendu Lefèbvre parler du boucher hallal de Nantes? C'est pas une violation de la présomption d'innocence, ça? C'est pas une atteinte à la vie privée? C'est pas un gros racisme de base de merde de sale gros beauf à fusiller?)


Pardon...
Me suis énervé tout seul...
Ferai plus...

Écrit par : r1 | 26/04/2010

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