26/04/2010
Les médias malades de la psy...
Certaines gouttes d'eau font déborder les vases, moi c'est un article sur les poils qui a fini de me raser...
Ce week-end dans le Figaro Magazine (à la campagne on ne trouve pas toute la presse qu'on veut et franchement, le Berry Républicain n'a d'intérêt que zoologique), enquête sur la barbe de 3 jours. D'après la plume il s'agit d'une tendance. Bon.
Admettons, ce sont des pages modes, je m'attends donc à lire que ça va mieux avec les peaux bronzés ou au contraire, se marie parfaitement avec les carnations délicatement lactées. Mais non. Pour expliquer une tendance de mode, la journaliste interroge... Des psys. Le psy en question qu'on confinera à l'anonymat ou sa médiocrité lui réserve une place d'office explique sans bouger les oreilles que cela correspond "à une envie de ne pas grandir, le fait de ne pas se raser tous les jours, c'est refuser de devenir un homme". Voila voila voila...
La semaine dernière, un abruti encarté à la droite du Reich avait attaqué Yann Barthes sur ce même détail capillicole en le traitant de sous homme faussement viril. Je passe sur l'homosexualité refoulée et vous le dit sereinement: les homophobes, après votre prochaine séance de tir à la carabine, tirez-vous sur la nouille les uns les autres, ça vous détendra...
Deux choses à répondre. Primo, une barbe fut-elle de trois jours, peut au contraire être un moyen de se vieillir, mais surtout, deuxio, si certains types ne se rasent pas souvent, c'est pour ne pas s'écorcher la peau, guère agréable... Le bon sens, que n'importe quel journaliste pourrait déduire de lui même, semble la chose la plus mal partagée dans les rédactions. Que ne réfléchissent-ils à l'irruption du poil par eux mêmes plutôt que de regarder ceux qui leur pousse dans la main et leur fait appeler des psys à la rescousse ?
Passons sur les psys qui acceptent de prostituer leur discipline en répondant à des questions instantanées et générales quand tout dans leur science est fait pour réfléchir à des problématiques de longue durée et particulières... Je dis bien qu'ils se prostituent et gagnent au moins cela, du fric... Après, si les gens sont assez cons pour écouter Marcel Rufo répondre en direct sur France 3, c'est leur souci. "Allo docteur, vous ne me connaissez pas, mais mon fils Marius de 13 ans refuse de faire ses devoirs et je l'ai vu regarder les seins de sa grande cousine à un mariage ce week-end. Est-il délinquant et pervers polymorphe?". Marcel répond à des âneries pareilles. Pourquoi ? Mauvaise question. "Pour combien?" plutôt, mais ça je ne sais pas...
Les psys sont donc les nouvelles stars des plateaux pour les questions d'éducation, Rufo ou Almos, Naouri sont invités partout, ils ont tribune officielle où ils vendent leur lessive de cerveau en barrique prêt à l'emploi pour le tout venant. C'est ennuyeux, mais il y a pire... Je ne m'explique pas qu'en plus de tout cela, les journalistes interrogent les psys sur la barbe de trois jours, l'addiction sexuelle de Woods et Ribéry (pas ensemble, du moins pas que je sache), l'identité française, le retour du legging, la chute en bourse de Danone et la hausse de Total ou l'inverse; l'engouement pour les soldes, les nouilles en sachets et l'Iphone... Tout ce qui est "tendance" ne saurait être analysé par un journaliste seul, avec son flair de sourcier et ses contacts, non, les tendances il faut les laisser aux psys... Déprimant.
L'argument d'autorité qui devrait encourager les journalistes à se secouer les puces c'est de voir que la dernière fois qu'on a poussé à bout la logique ça a donné "Psychologie Magazine" qui oeuvre autant pour la diffusion de la pensée que Patrick Balkany pour celle du bon goût...
Demain, donc, nous ne lirons pas Psychologie Magazine, mais plutôt Courland de Jean-Paul Kauffmann (je sais, c'est ma phase ex-otages...) un livre élégant et érudit où on trouve cette savoureuse phrase de Dorgeles "l'expérience ressemble aux cure-dents, personne ne veut s'en servir après vous".
16:44 | Lien permanent | Commentaires (12)
Commentaires
La psymania est (avec le diabète, peut-être) la grande maladie collective des sociétés qui ne savent pas quoi foutre.
Autre manifestation prisée des JT : "oui c'est vrai, mon fils a fracassé le crâne de son prof de maths mais il faut le comprendre, il est fragilisé psychologiquement depuis la mort de son canari, etc."
(et se raser, c'est juste chiant)
Écrit par : secondflore | 26/04/2010
Autre fléau de nos sociétés médiatisées et médiatisantes : le témoignage de "l'homme de la rue" (par opposition à "l'homme des bois"? à la "femme de l'avenue"? au "gamin des boulevards"?), censé refléter le bon sens commun, la psyché populaire.
Je vous en livre un échantillon, puisque je me suis interrogé moi-même (pour respecter une démarche scientifique, je suis allé m'interroger dans la rue):
-Monsieur, vous avez une barbe de trois jours, pourquoi?
-Parce que ma femme me trouve plus beau avec.
Et de là on peut aussi rebondir sur le rôle et la place de l'homme dans les couples postmodernes, problématique que l'on ne saurait aborder sans un bon psy of course...
Écrit par : r1 | 26/04/2010
@ SF : c'est vrai que c'est chiant... Bonne excuse !
@ R1: l'homme à la rue a des excuses pour ne pas se raser, l'homme de la rue, je sais pas trop...
Écrit par : Castor Junior | 26/04/2010
La télévision est elle-même psychologique ; elle ne fait que renvoyer au monde son reflet. Normal que les psychologues y prennent beaucoup de place. Le miroir est l'outil médiatique essentiel. Discours sur l'origine : continent noir.
La télé et les médiats ne servent d'ailleurs qu'à dire au monde occidental : "Mais oui, t'es le plus beau des mondes possibles !", et à convaincre le reste de l'humanité que c'est le cas.
Alors forcément, le jour où une émission montre que le citoyen français n'attend que les circonstances propices pour se muer en tortionnaire (cf. l'émission de C. Nick), ça fait un peu désordre vu qu'on pensait avoir psychanalysé jusqu'à la lie le régime de Vichy.
Écrit par : Lapinos | 26/04/2010
Heu.... Je pense quand même que les psychologues et surtout leurs homologues analystes peuvent aider ceux qui dérive et pas seulement des continents avec leurs obsessions vichystes et colonialistes quand je parle de l'avis des psys sur la barbe de 3 jours...
Les psychanalystes peuvent aussi aider à réfléchir les rapports avec les autres, les femmes tout ça, sans s'énerver...
Écrit par : Castor Junior | 26/04/2010
Alors là si tu penses, c'est différent je me retire, car "femme qui pense n'a pas besoin d'un homme".
Écrit par : Lapinos | 27/04/2010
Allez, ne mettons pas tous les psys et tous les journalistes dans le même sac; ceux auxquels tu fais allusion sans une minorité il me semble…
Au fait pourrait-on soumettre une question à ces psys télévisuels: pourquoi certaines femmes se maquillent-elles dans le métro et pas dans leur salle de bains? Aussi intéressant que la barbe, non?
Écrit par : Yola | 27/04/2010
@Yola: Minorité de psys, certes, mais de plus en plus de journalistes, malheureusement... Sinon, c'est vrai ça que ne se maquille t'elle ailleurs ??? !
Écrit par : Castor Junior | 27/04/2010
Ma barbe de trois jours sert souvent à marquer les peaux tendres et fragiles de ces demoiselles. Problème quand ce n'est pas la bonne qu'on marque, les traces rouges peuvent trahir...
Plus sérieusement, joli coup de gueule, et je te rejoins sur le niveau de psychologie de comptoir de certains professionnels actuels. Je ne regarde pas la TV, mais leurs avis fleurissent sur le net, sur des sujets où ils n'ont rien à faire.
Écrit par : Pierre | 28/04/2010
@ pierre, je note l'emploi de la barbe comme fer rouge... Pratique et maniable. Essaie la nivea soft quand même... Et déserte les mariages chinois, tu donnes très bien pas envie d'y aller !
Écrit par : Castor Junior | 28/04/2010
Un récent sondage cité par Frans de Waal dans "l'âge de l'empathie" : Question, "Expliquez les raisons de vos derniers rapports sexuels"
Réponses :
-"Je voulais faire plaisir à mon petit ami".
-"Je voulais une augmentation".
-"Nous n'avions rien à faire".
-"C'était pour changer de conversation".
...
Je serais curieuse de savoir quelles profondes reflexions en tireraient nos éminents psy. spécialistes de la barbe de 3 jours.
Écrit par : estellebeaurivage | 28/04/2010
@Estelle:
C'est assez énorme... Je pense pouvoir traduire tes réponses au caillassage des bus par des gosses:
-Je voulais impressionner des meufs
-Je voulais me faire respecter des boss et avoir une augmentation de mes commissions
-On avait rien à foutre
-C'était pour changer de conversation, on allait se prendre la tête entre OM et PSG....
Écrit par : Castor Junior | 28/04/2010
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