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28/05/2010

Le serpent du travail se mord la queue...

31321962e3a9405e03ba6c0bda5ae811full.jpgFoxconn Technology. Fournisseur des acteurs de téléphonies mobiles Nokia et Sony en Chine. Onze suicides en quelques semaines. Quelques journalistes français, pas à une luxation de l'épaule près, à force d'enfoncer des portes ouvertes, parlent de "France Télécom chinois". En plus, il s'agit du même secteur d'activité, ainsi tout le monde est heureux, on tient notre coupable. D'ailleurs, je ne sais plus quel Servan-Schreiber le dit "le monde va trop vite" dans un essai éponyme qui à mon humble avis mérite d'aller avec une lenteur sénatoriale caler une commode bancale...

Le parallèle est tentant et l'occasion trop belle de stigmatiser les nouvelles technos. Le virtuel, l'insanité du virtuel, ces entreprises déconnectées qui tuent car le travail n'y est pas vrai.... Carabistouille.

Vous trouverez des experts sans cravate (dans les nouvelles technos, les experts n'ont pas de cravate, ils la remette pour parler pétrole ou chômage) pour vous expliquer gravement que les salariés, trop vieux (c'est à dire plus de 35 ans...) ne sont pas capables d'appréhender les mutations technologiques de notre époque, le "gap" par rapport au monde ancien et patati... Bernique, oui.

Ces onze suicides, chez les chinois, m'inspirent une infinie mélancolie. La colère c'était avant, quand on se révoltait. Quand les syndicalistes chinois mourraient  d'une balle dans la nuque pour avoir exigé des conditions de travail décentes pour leurs camarades de galère. Ce mode de dialogue social abrupt, et pas seulement de pomme, a fortement contenu les velléités de relève... Désormais, les damnés de la chaîne sont des maillons esseulés et quand leurs patrons ont trop tiré sur leur corde, ils l'empoignent et se pendent avec.

Fort heureusement, le travail ne conduit pas qu'au suicide. Mais n'est-il pas proprement insane d'imaginer que Nabot Léon a été élu avec un programme visant à "remettre la France au travail" sans dire de quel travail il s'agit ? Car au-delà des suicides, les burn out, les dépressions, les altercations, les micro-grèves se multiplient et les salariés s'enfoncent sans issue dans une servitude volontaire, quand ce n'est pas une aliénation volontaire.

En dînant avec une amie trentenaire et nullipare bien qu'en couple depuis des années et désireuse de repeupler la planète, elle m'expliquait que dans son agence, ce n'était simplement pas pensable. Elle serait congédié pour faute grave, ou on maquillerait. D'ailleurs, il semblerait que dans sa même agence, une de ses camarades, même âge, même parchemins enluminés des grandes écoles et même brio a démissionné. Pour rien, pas d'autre poste ni de perspective, juste l'envie d'aller en monastère sans foi, réfléchir à l'absurdité de son monde.

Son cas est navrant, mais ne nous apitoyons pas sur cette jeune fille qui bénéficie encore du seul luxe à l'heure actuelle (je sais de quoi je cause) : le choix. Les autres, de plus en plus nombreux, n'en ont pas et subissent ce discours martelé jour après jour, édito après édito: le travail est un privilège. Et puisque c'est un privilège, on accepte les horaires à rallonge, les rémunérations sans rallonge et les oukases de petits chefs eux même l'ulcère menaçant dès que les grands chefs rôdent... C'est véritablement la fin d'un cycle: travail sans conscience n'est que ruine des salariés.

Demain, qu'est-ce qu'on fait ? Je pense que les salariés s'en carrent du care mais préfèrerai une Commune (les Grenelle, ils en ont soupé) de la vie au travail. Mais, la classe politique tient bon et les renforts arrivent: aujourd'hui l'Ipad et à compter du 11 juin, la coupe du monde du foot, viendront les vacances et en septembre, il faudra penser à acheter une nouvelle trousse à Téophile et une salopette à Leïla...

Demain, du coup, nous entamerons le week-end par un détour par la place de Grève en écoutant Just a perfect day, en regrettant que ça ne dure pas plus...

Commentaires

Oui, tu as tout à fait raison : dans le monde du travail, face au désespoir, à l'injustice, à l'oppression, on est passé d'une protestation collective, la manif', à un acte individuel, le suicide. Je n'avais pas fait le rapprochement (fécond) avec ce qui se passe dans nos quotidiens égoïstisés (je néologise si je veux !)

Et "Pefect Day" est dans mon Top 20...

Écrit par : R1 | 29/05/2010

Tu me donnes une idée, là: une manif des suicidés pour recréer du lien. C'est béton niveau concept mais assez coton à réaliser, quand même...

Écrit par : Castor Junior | 29/05/2010

D'un côté, le collectif a permis de belles avancées sociales; d'un autre, dans une certaine ultragauche, il a eu tendance à nier un peu beaucoup l'individu; alors peut-être faut-il du temps pour qu'on redonne un (autre) sens au collectif. En attendant, c'est vrai que le monde du travail ça craint!
A Perfect Day, c'est vraiment bien et (presque) tout Lou Reed…

Écrit par : Yola | 29/05/2010

Vu vos réactions, je pense que la diffusion intempestive de Perfect Day au bureau changerait peut être la donne...

Écrit par : Castor Junior | 29/05/2010

(la manif des suicidés, je lève le pouce, hilare)

Écrit par : Jen | 02/06/2010

Heureusement que tu le lève, si tu l'abaisse, c'est que tu es du côté des réprimeurs...

Écrit par : Castor Junior | 02/06/2010

Les commentaires sont fermés.