26/05/2010
Le dernier des Savage
Je me souviens d'un portrait en 4ème de couv de Libé. Le sémillant, le brillantissime, l'incontournable Christophe Barbier. Philippe Lancon qui faisait le portrait se demandait comment le jeune loup pondait ses 5 éditos quotidiens, se piquait de théâtre et dînait chez Carla. A un moment, il souriait "jamais de romans, inutile selon lui". C'est acquis, je ne serai jamais Christophe Barbier, je ne dirigerai pas l'Express à 35 ans, mais si ça devait être possible à condition de renoncer aux romans, non merci. Les gens n'aimant pas les romans m'angoisse. Accepter de perdre pied, de ne pas être toujours dans le vrai, voir le vraisemblable, la vie quoi. D'ailleurs, ceux qui vous disent que Belle du Seigneur n'est pas crédible niveau romance mais qui comment benoîtement l'affaire Madoff...
Bref, ces derniers temps j'étais happé par le mal du temps: je lisais des tonnes d'essais. Pour le boulot, s'entend. 3 sur la régulation des drogues, deux sur les nouvelles précarités au travail et un sur les entrepreneurs sociaux. Le tout dans la semaine.... Les concepts qui s'entrechoquent et pourtant, la mauvaise conscience de pas en faire assez... J'avais essayé en ce saint dimanche de retourner au roman, mais la revanche des otaries de Vincent Wackenheim s'avéra de ce point de vue décevante... Furetant dans une librairie d'ancien du Boul Mich, je tombais sur le livre en vignette. J'avais adoré 30 ans et des poussières mais d'autres opus du golden boy m'avait agacé avec toutes ces descriptions de costards, lignes de coke vu par les deux narines et partouzes envisagées par tous les orifices. M'enfin, entre lui et un Max Gallo, je tentais le coup.
Grand bien m'en fit. Les 400 pages trépassèrent dans la journée, quel pied ! Loin de moi l'idée que la littérature française est rabougrie (elle va très bien, la vraie, merci pour elle) et l'américaine pétante de santé, mais il y a effectivement, quelque chose du meilleur yankee dès les premières pages.
Le fameux facts facts facts 1er commandement de leurs journalistes qu'on retrouve là. La psychologie accompagne les descriptions, quand trop de mauvais romans français semblent être en mode "lecture" trois pages, puis "pause" les deux suivantes ou l'auteur nous inscrit les sous-titres psychologiques... Là, Mc Inerney ne nous prend pas pour des dindes, mais nous prend par la main pour que nous suivions, halluciné, l'odyssée de Will Savage, dernier rejeton d'une grande famille blanche du Sud, épris des négresses et de Soul, de Blues... Il incarne l'âme damnée du jeune Patrick, qui n'est pas né nanti, lui, et rêve de conformisme américain sans pouvoir se départir d'une admiration sans borne pour les conneries de son cothurne de prépa. La dernière phrase, magnifique, mais je vous laisse la découvrir, arrive alors qu'on aurait bien commandé double dose... Après ça, va falloir s'accrocher pour rivaliser et pas sûr que incognito d'Hervé Guibert y parvienne, laissons lui le bénéfice du doute.
Demain, nous nous demanderons pourquoi les colombiens ont Marcus le prof, les anglais Nick Clegg et nous Bayrou, les 3ème hommes se suivent...
07:25 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Ah oui alors, Le Dernier des Savage est un excellent roman. Heureux de te voir de retour dans l'imaginaire !
Écrit par : R1 | 29/05/2010
Je suis d'accord, mais j'ai replongé cette semaine avec 4 essais...
Promis, demain, je lis HHHH (Grasset), non mais !
Écrit par : Castor Junior | 29/05/2010
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