29/10/2011
L'exercice de l'Etat, c'est bon pour la santé (mentale)
Deux catégories de films me déçoivent quasi systématiquement : ceux sur l'entreprise et ceux qui évoquent la politique. Je pensais donc risquer une nouvelle déconvenue, malgré un casting plus qu'attrayant. On ne m'y reprendrait pas deux dois, car je m'étais déjà fait la même réflexion avec le Président, car j'adore Dupontel et pourtant, quelle purge... Et bien là, non. Mais alors vraiment non et ho putain quel pied !
La raison de ma déception sur ces films ne varie guère : c'est plus complexe que ça. Je doute que le nombre de salopards absolus soit si grands dans ces mondes. En revanche, la maladie mortifère de l'âme qui règne est plus que contagieuse et ça, "L'Exercice de l'Etat" le dépeint à merveille.
D'abord, il y a ce truc très français des élites qui se soupèsent entre eux par codes et dont le réalisateur parle très bien avec la journaliste Marie-Laure Delorme là : http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-l’exercic...
Ils en parlent finement et le livre de Delorme est au coeur du film de Schoeller. Elle est allée voir les énarques et écouter leurs motivations. De plus en plus, ces diplômés d'une élite de l'élite se détournent du service public pour aller vers le privé. Pour l'argent bien sûr, mais aussi pour le pouvoir car comme le campe très bien Didier Bezace dans les 5 minutes où il apparaît car "on a les moyens de mettre en oeuvre, quand l'Etat n'est qu'une vieille godasse qui prend l'eau de toute part". Pourquoi tant d'esprits se pressent ils vers l'Etat alors ? Le pouvoir qui est partout. Et le pouvoir défigure cet Olivier Gourmet, magnifique, qui promet de ne pas oublier d'où il vient et s'en souvient plus dans ses cuites mémorables qu'au quotidien. Il est pris dans un vertige qu'il ne maîtrise plus comme quand un de ses collaborateurs lui dit "et ta fille en Egypte", qu'il répond "elle part quand ?" et qu'on lui réplique "elle y est depuis deux jours". Il n'a alors qu'un moue même plus honteuse, un mouvement de menton et il faut repartir de l'avant...
Le film dépeint tout de façon très juste, les rapports entre les hommes, entre les castes, entre les générations avec ces jeunes à la langue syncopée à la limite du saccadé, toujours en rupture et aussi proches de l'intérêt général que DSK des moins trappistes. Schoeller croque tout ça et s'autorise beaucoup de très belles images. La mort, le désir, les pulsions sont souvent montrées sous formes de rêves, de cauchemar ou de flous toujours artistiques. Enfin, il y a les rapports avec le personnel du politique, ces porteurs de parapluie si bien croqués par François Morel qui remarquait que pour les 20 ans de la chute du mur, Sarkozy avait un porteur de pépin quand Merkel le tenait elle même http://www.youtube.com/watch?v=MenAhJm3awo comme il dit "ça n'a l'air de rien", mais c'est beaucoup. Scholler croque tout au plus juste comme les relations plus troubles avec les chauffeurs, mais il est vrai que si vous voulez connaître la bio off de Giscard, Mitterrand ou Chirac, demandez à leurs chauffeurs... Pour Sarkozy, il l'écrit lui même, alors...
Bref, alors que le changement d'heure domine le week-end, pas de changement à venir dans l'exercice de l'Etat, sauf ce très bon film, une parenthèse réflexive de deux heures. Ce serait trop bête d'élargir le plan de rigueur au cinéma...
Demain, nous réfléchirons avec angoisse à l'affectation de cette heure supplémentaire...
07:39 | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Et bien, ce sera pour la prochaine séance! Dans le genre film sur l'entreprise un peu décevant, tu peux ajouter De bon matin. Le propos est intéressant, mais le scénario va un peu dans tous les sens, en oubliant d'approfondir les rouages qui conduisent à l'acte désespéré du protagoniste. Je me suis dit comme toi: c'est plus complexe que ça!
Écrit par : Yola | 30/10/2011
Merci, tu me confirmes que j'ai bien de m'éloigner de ce film malgré mon amour pour Daroussin !
Écrit par : Castor Junior | 30/10/2011
C'est surtout pour Darroussin que j'y suis allée. Mais là pas de déception, il fait exister son personnage.
Écrit par : Yola | 01/11/2011
Je suis sûr, mais j'ai cessé d'aller voir les films pour des "performances" comme disent les ricains... Même si j'avoue que c'est précisément pour cette raison que "The artist" me chatouille.
Écrit par : Castor Junior | 01/11/2011
C'est "plus complexe que ça", on peut le dire de bien des choses... sans doute que même le "PR" qui nous est montré n'est pas totalement un manipulateur cynique! Et on doit aussi pouvoir le dire des relations du Ministre avec son "staff" (essentiellement le Directeur de cabinet et la chargée de com'): quand ils lui "soufflent" des phrases, ils participent, quelque part, à "l'exercice du pouvoir" (et non de l'Etat). Un film que j'ai bien aimé, et que, comme vous sans doute, je suis loin d'être allé voir comme un pur divertissement!
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Écrit par : ta d loi du cine | 28/01/2012
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