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26/11/2011

Bordel de bref

9666.jpgSi l'histoire va plus vite et que tout se compresse comme dans l'univers du sculpteur César, il n'y a rien d'étonnant à voir le succès de Bref, le nouveau-court métrage de Canal+. La Fondapol, think tank bien à droite a convoqué Tocqueville pour expliquer la standardisation de l'intime et autres concepts puissants http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/24/bref-tocqu...

Personnellement, je vois dans cet article plaisant de nombreux oublis. D'abord le format. Si Bref plaît, c'est avant tout qu'en 1,40 minutes, on a pas le temps de s'emmerder quand de nombreux programmes courts dévoilent leur médiocrité, même en 7 minutes. Un laps de temps où l'on a le temps d'éprouver plus que de l'ennui, comme dit Nafissatou Diallo. On sait que le seuil d'attention à l'écrit n'a cessé de baisser et que la lecture sur Internet a encore fait chuter de 25% cette tempérance. Le test est simple: on voit place un long article sans image et vous demande au bout de combien de temps votre oeil a lâché. Dans les années 50, on pouvait encore titre "5 colonnes à la une" mais aujourd'hui, 2 colonnes suffisent, au-delà les lecteurs sont déjà évaporés. Bref a compris cela qui a calibré son format pour le zéro déchet. Même lorsque cela n'est pas drôle (une fois sur deux environ) on reste en attendant une bonne vanne, un événement ou une belle chute. Une mine pour les publicitaires donc, d'autant plus que lorsqu'on les revoit en boucle sur Internet, chaque 1,40 minutes est accompagnée de sa pause réclame. Comme pour le SAV d'Omar et Fred, le jackpot est là.

Par ailleurs, même s'il ne faut pas bouder son plaisir, ce qui est étrange dans le succès de cette mini série relève de son supposé caractère universel. Le héros est un homme, soit. Il fallait choisir et le couple hétéro a été campé pour 15 ans par Dujardin/Lamy, depuis, on coupe 50% de l'identification. Il est célibataire. Un nombre croissant de français le sont, mais ériger cela en universel a quelque chose de troublant. Ce d'autant plus que la nidification n'a pas l'air de le tenter. Il est chômeur. Certes, la crise est là, mais 10% de la population est au chômage, 25% chez les jeunes, catégorie que le héros est censé avoir quitté (inconsciemment il faut instiller l'idée que non) donc on choisi un minoritaire. Sa vie est rythmée par une forte activité masturbatrice et de jeux vidéo. Il mange de la junk food et se rend dans des fêtes où l'on boit de la vodka caramel. Toutes ces choses existent, en ce qui concerne la vodka caramel, les trendsetters s'évertuent même à vanter la modernité troublante de ce mélange, mais on peut tout de même s'interroger sur les choix des auteurs. Je ne dis pas que le héros serait plus crédible s'il écumait les lieux de haute culture, avait une passion pour son boulot, vivait une idylle bouleversante et parlait de voyage aux quatre coins du monde, mais à choisir à chaque fois le contre pied, à privilégier systématiquement le côté pauvre de la nature humaine, que nous disent-ils ? N'est-ce pas proprement étrange de se consoler en se disant que certains ont une vie à ce point pitoyable que nous sommes bien lotis ?

Cela, l'amateur de Tocqueville cité au début ne se le demande pas. Mais on pourrait parodier Marx dans une de ces antimétaboles chéries des journalistes : "Misère du rire humain, rire de la misère humaine", car au fond, ce qu'il y a de triste dans ce rire, c'est qu'il n'est pas drôle. Nous nous retrouvons à rire des travers d'une société un peu vide, très rude où la jeunesse avec une certaine précarité va de 18 à 40 ans. Les indignations ne donnant pas de résultats probants et la révolte n'étant pas au programme, reste à se désoler en riant jaune.

Demain, nous serons plus légers d'avoir vu "tous au Larzac".  

Commentaires

Chouette "Tous au Larzac" !
.......
D'accord sur le fait que Bref n'est pas drôle. Ce que ne dit pas Fondapol c'est que le néant de cette société qui est mis en scène dans Bref et qu'ils critiquent, est aussi le portrait d'une société néo-libérale basée sur l'ultra-consommation et sur l'individualisme. Mais au fait, nous ne sommes pas très éloigné du type de société promue par Monsieur Reignier et ses adeptes...

Sinon, c'est pour faire bref Castor que tu as enlevé des mots dans ton texte ?
Pas facile a lire.

Écrit par : Cécile | 26/11/2011

Vais me relire, les post écrit à 7h du matin un samedi... Te dirai pour le Larzac !

Écrit par : Castor Junior | 26/11/2011

En fait je pense que tu as juste oublié de dire que l'article de Benoist était complètement con. Débile, insultant pour la "jeunesse" (essence qui n'existe pas plus qu'il n'existe LA femme ou LE noir) , et surtout tellement niais dans ses références. Enfin disons plutôt SA référence : Dieu sur Terre, Saint Nostradamus des sociétés modernes, Tocqueville quoi, qui se voit bricolé à toutes les sauces par quantité de Pieds nickelés de la pensée (en concurrence avec Hannah Arendt) sur le mode "on est en pleine décadence". Bref, je crois que ça fait longtemps qu'un article ne m'avait pas autant gonflé. Ouf, ça fait du bien de le dire.

Écrit par : Josse | 26/11/2011

Ca va mieux en le disant ? Oui, tu es loin d'avoir tort sur la question des pluriels totalisants...

Écrit par : Castor Junior | 26/11/2011

mais chez les américains, ce qui est intéressant, c'est que cet individualisme-là est couplé à de nombreuses activités dans des associations, ce qu'explique Tocqueville dont la pensée est tronquée pour nous resservir le couplet du méchant individu moderne.

Écrit par : Ema | 26/11/2011

Très juste ! Et dans un très vivifiant livre sur la question on apprend que les français sont moins en retard en la matière qu'il n'y paraît : http://www.autrement.com/ouvrages.php?ouv=2746731301
Mais dans Bref, y a pas d'associations, juste d'idées, ce qui est déjà pô mal.

Écrit par : Castor Junior | 26/11/2011

Bref, c'est un peu le pendant masculin des dessins de Pénélope B. ou Margaux M.
Ca renouvelle le genre, et puis au bout d'un moment... Ben au bout d'un moment je sais plus, je regarde plus. Le quotidien reste le quotidien, on peut le mettre dans n'importe quelle boîte, mieux vaut en sortir.

Écrit par : secondflore | 29/11/2011

Les commentaires sont fermés.