14/04/2012
Cette séduisante ombre du doute
Alors que la campagne s'achève et nous achève de concert, une évidence s'impose qui a été peu souligné par les dizaines de commentateurs : le doute est de retour. La nouveauté, c'est qu'il va emporter la mise des électeurs quand il était méprisé naguère. Fini l'homme providentiel qui arrive avec son lot de solutions façon yakafokon laissez faire le Général. A ce titre, 3 candidats seulement font part de leurs doutes et a un moment ou à un autre, avec une influence plus ou moins forte, cela leur fait réussir leur campagne ou du moins dépasser leurs objectifs : Poutou, Mélenchon, Hollande. J'y reviendrai.
Les autres s'enfoncent de manière inexplicable dans leurs certitudes et en pâtissent. La chose est palpable chez 3 candidats dont Sarkozy, mais mettons Sarkozy à part car reconnaissons à ce dernier de se heurter à un mur pluricausal au premier rang desquelles il faut bien citer son bilan. Sa repentance discrète lui cause moins de tort que son bouclier fiscal et autres réformes iniques.
Pour les 2 autres, à savoir Bayrou et le Pen, je trouve que l'on peut dater, quasiment au jour près, le début du patinage de leurs campagnes. Du jour où ils ont tous commencé à marteler "non vous avez tort et moi je sais exactement ce qu'il faut faire". Un brin de confiance en soi ne suffit pas à se présenter à la présidentielle, c'est entendu. Et des certitudes, il en faut quelques unes, mais pas plus. Il faut surtout des convictions profondes, un cap, une vision. Là où notre trio déraille, c'est que les Français, comme bien d'autres peuples du monde, ne sont plus dupes des paroles politiques quand les crises se succèdent avec la régularité des avaries techniques sur la ligne B du RER. Si quelqu'un savait "exactement" quoi faire, pourquoi en sommes nous encore à 10% de chômeurs, 8 millions de pauvres, autant de mal logés et avec un nombre croissant de personnes touchées par l'illettrisme ? Evidemment que non et la dernière (de crise) en date a encore plus profondément ravagé cette croyance puisqu'elle touche au nerf avec de la dette publique. On voit bien que leurs marges de manoeuvres se réduisent et qu'ils ont tellement la trouille qu'ils parlent permis de conduire car c'est plus commode que d'avancer une conception de l'Etat.
Regardez Poutou. Oui oui, Philippe Poutou, l'homme décrié par Giesbert. En revoyant sa prestation sur France 2, ce qui émeut les téléspectateurs et peut être quelques électeurs, c'est précisément cela. Je garde raison, je ne parle pas de tsunami Poutou, de Poutoumania ou de 5%. Je dis juste que le fait qu'il admette la difficulté de se retrouver seul quand les campagnes se mènent à plusieurs convainc les électeurs. Regardez Hollande, je ne voterai toujours pas pour lui mais je lui reconnais d'avoir réagi très intelligemment quand il s'est fait quelque peu malmené dans la campagne. Il s'appuie sur des gens autour de lui, écoute, reconnaît qu'il ne sait pas tout. C'est la thèse du hollandisme révolutionnaire d'Emmanuel Todd, en gros Hollande est un social-démocrate bon teint qui va se gauchir malgré lui car il comprend les désordres sociaux actuels. La tranche d'impôt à 75% est la première manifestation de cela. Mélenchon aussi a ses doutes, le chiffrage précis d'une révolution est plus complexe que celui d'une réforme et ça, ça dépasse de loin la capacité de compréhension de l'ami François Lenglet...
Demain, 35 000 gogos ahaneront sur une distance qui a flingué le premier à la parcourir et cette année ce sera sans moi. L'après midi, deux après midi se livreront à un ridicule concours de qui a la plus longue fidèle de suiveurs, nous en profiterons pour avancer dans les oeuvres complètes et puissantes de Zygmunt Bauman.
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