29/05/2012
Une histoire de la séduction politique
Le genre de livre qu'on prend un peu honteusement uniquement à cause du titre avant de le reposer en se disant que ça ne peut être aussi simple et que la mercatique éditoriale ne fait pas tout. Repris, feuilleté, instruit au détour de 2 pages au hasard, quelques anecdotes savoureuses et hop, il est acheté l'opus.
Le livre a les avantages de ses limites ; dans le fond, ce n'est qu'une galerie de portraits avec nombre d'anecdotes fort amusantes, mais ce n'est pas pour autant que l'auteur nous démontre avec une flamboyance nouvelle les ressorts de la séduction politique. Il retourne chez les grecs et les latins pour exhumer les premières traces de fascination pour un bonhomme promettant de changer le monde, soit, mais les explications psychanalytiques qu'il avance n'ont pas de quoi ôter trois pattes d'un bipède à bec. Globalement, le choix des fringues, la puissance érotique de la culture, du corps, de la voix ou du pouvoir, on n'apprend pas grand chose sur les adjuvants de la séduction. Ce qu'il y a de bien plus intéressant, c'est de voir comment nombre de politiciens, de Disraeli à Chirac, ne savaient pas jouer instinctivement de leurs capacités séductrices et on a du apprendre à mobiliser leurs charmes pour qu'il opère hors de la sphère privée.
Des anecdotes à foison, donc, comme le contrat de confiance signé devant caméras, chez un notaire, entre Silvio Berlusconi et les italiens, sur une base de 5 engagements programmatiques. Ou encore Poutine tirant avec une seringue hypodermique sur une femelle tigre ou encore le discours où Nixon étale toute sa déclaration de patrimoine jusqu'à l'emprunt sur sa bagnole pour contrecarrer les rumeurs sur son train de vie. On voit aussi souvent comment tout nous est importé des Etats-Unis, passés maître dans l'art de la parler à la fois aux peuples et aux élites, à masquer son mépris des incultes en cachant son soupçon d'érudition.
Sinon, l'autre intérêt du livre, indubitablement, est de montrer la très grande constance des techniques de séduction en politique. Ce, à rebours des discours dégoulinant de certitudes communicantes sur la modernité de la vidéosphère qui enterre la graphosphère. Que nenni, un livre de 1846 de François de Groiseilliez , l'art de devenir député et même Ministre, par un oisif qui n'est ni l'autre, où l'auteur donne tous les trucs de réunions tupperwear ou de flatteries pour chiens, des astuces de marchands d'aspirateurs et on est aussitôt frappé par l'actualité brûlante du truc. Idem pour le manuel du courtisan, daté de 1675 et qui lui aussi prône un certain nombre de techniques qu'emploient aujourd'hui les intriguants qui essaient d'approcher du miel socialiste.
Au fond, non non rien n'a changé, tout tout a continué, hé hé... C'est la triste morale du livre et la critique du livre en creux se trouve peut être là. Je n'ai pris dans mon résumé que des exemples démocrates et plus ou moins modernes, mais tous les tyrans de l'histoire se sont très habilement et massivement servis de ces moyens de viol des foules. Le vrai défi serait plutôt de trouver une fin à ce livre ou plutôt des politiciens désireux d'y mettre un terme. Non pas que l'on ne puisse pas être un homme ou une femme politique de talent en recourant trop systématiquement à la séduction. Mais ça biaise le propos. Mirabeau était fort laid, cela ne l'a pas empêché de faire progresser ses idées sans chercher à changer son image. Où est Mirabeau aujourd'hui à part une station de métro et un poème d'Apollinaire chanté par Marc Lavoine ?
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