Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/05/2012

La fonction crée l'organe

large377.jpgMardi soir, c'était la première intervention de François Hollande a la télé depuis son élection. Ca n'a l'air de rien et honnêtement c'est sans doute pas grand chose. Ayant un impondérable (préparer une salade de fraise) qui me bloquait les mains, j'en profitait pour jeter un coup d'oeil à cette curiosité en lâchant le très subtil "voyage présidentiel" de Pierre-Jean Rémy (qui imagine le voyage que Mitterrand n'a jamais pu faire, éloigné du pouvoir et retiré depuis quelques années, c'est pas le sujet mais c'est assez bath ce livre). Surprise, quelque chose a changé chez Hollande. Quoi ?

D'abord, je repense à tous mes étudiants ou mes relations de droite (j'ai aussi des amis de droite mais ils s'opposaient avec une vigueur plus édulcorée), évoquant l'apparence de François Hollande pour expliquer qu'il ne pouvait incarner la fonction ultime. Comparé aimablement à un flan ou autre substance incertaine, Hollande ne pouvait, selon ses contempteurs, occuper "physiquement" la fonction. Les bras m'en tombent. Déjà parce que l'ancien locataire de l'Elysée, comme Churchill, comme Roosevelt, comme... Mais qu'est-ce que je suis en train d'écrire ? Depuis quand les capacités à diriger un état se lisent sur votre visage? Inepte. L'apparence du chef d'Etat c'est plutôt une image qui se fige dans votre cristallin et pénètre votre inconscient. D'ici quelques semaines, la photo officielle d'Hollande sera dans toutes les mairies, à tous les sommets internationaux et il n'aura plus de physique. Seulement une fonction. 

Ensuite, le langage, arme meurtrière et subtile. Jamais Sarkozy n'aura l'honneur d'être désigné par son patronyme. Le tacle est bien plus tranchant en regrettant à chaque les exactions du "prédécesseur" charge largement aussi violente que celle qui renvoyait le locataire de Matignon au rang de "collaborateur". Fini "monsieur petites blagues" comme disait Fabius, et cela il se doit à lui seul. La tentation n'est jamais loin. Quand Pujadas lui dit "depuis votre élection, les prévisions de croissance sont à la baisse" Hollande sourit, lâche "les deux ne sont pas liés" et repart vers autre chose, il sait qu'il n'y a plus droit. Il peut reprendre le chocolat, sans doute, mais pas les piques. Ou alors en d'autres circonstances. Par ailleurs, sur la forme, le fait qu'il soit invité sur le Plateau de France 2 plutôt que de convoquer les journalistes à l'Elysée rend l'interview regardable et donne plus de corps aux questions, on sent le journaliste (enfin, Pujadas) libéré. 

Enfin, le fond. Sur les législatives. Pas un nom, pas une situation particulière évoquée, uniquement une stratégie politique tracée avec dignité. Soulagement. Cette interview ne m'a pas rendu Hollandolâtre, loin s'en faut. Ce que j'entends politiquement depuis un mois, n'est pas décevant mais conforme à la morne espérance soulevée par les 60 engagements. En revanche, en mettant mon bulletin dans l'urne au second tour, j'espérai à minima une autre pratique du pouvoir. Plus digne, moins empreinte d'hubris. Moins agité, plus rare et ne parlant pas pour ne rien dire. Un président quoi.

Les commentaires sont fermés.