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20/07/2012

Regarder la démence plutôt que la décence des rémunérations.

 

 

 

dement.jpgBéni sois tu Zlatan Ibrahimovic ! A toi seul, tu réunis tous les clichés nécessaires à ce que le débat sur la taxe à 75% sente vraiment le souffre. Suédois, tu débarques en France à grands renforts de pétrodollars (cet argent arabe vomi par tous les crevards d’extrême droite identitaire qui mettent leur haine en sourdine quand leur club gagne à nouveau) en expliquant à l’avance que tu hésites car tu redoutes la supertaxe Hollande… Ajoutez à cela que si tu as du génie dans les deux pieds et le front quand il rentre en contact avec le cuir, à l’intérieur, c’est le son mat. Atrabilaire, mégalomane (« je ne connais pas la Ligue 1, mais la Ligue 1 connaît Zlatan), condescendant et détesté par la plupart de tes coéquipiers, tu as tout du parfait salaud de riches. Un peu comme cet anachronisme chenu d’Ernest Antoine-Seillière. Plus facile de vous détester tous les 2 qu’un affable Franck Riboud, le gentil Zidane ou le consensuel mollement dur, Thuram. Oui, grâce à toi, j’espère bien que la France de l’an I de Hollandie s’étripera au sujet de ton argent de poche.

 

Hélas, je crains bien que lorsque viendra septembre, le mundillo du commentaire ne saisira pas l’occasion de replacer le débat. Tu seras un symbole. De réussite, pour un JF Copé en campagne ou un Mickael Vendetta en mal de promo. D’indécence, pour toute une ribambelle de militants qui mettront ton salaire en exergue pour le comparer aux autres. « Avec 4 Zlatan, on gardait PSA à Aulnay », « Payons 500 infirmières plutôt qu’un Zlatan », « les gamins de cités qui s’endettent pour acheter le maillot du suédois savent ils qu’avec son salaire on pourrait construire XX dans leur ville ? ». A choisir, évidemment, les seconds auront ma sympathie, mais la question n’est pas là. La question n’est pas de la décence morale, mais de la démence du système.

 

S’il faut parler de décence, que ce soit au sens Orwellien. Voilà un thème à aborder dans une époque où les rémunérations inégalitaires galopent. C’est de common decency qu’il faut parler. De l’accès pour tous à tous les besoins essentiels : un toit qui ne soit pas une passoire énergétique quand l’énergie va coûter tant et tant ; d’une éducation solide sur les fondamentaux et les humanités qui permette à chacun d’avoir une boussole et une bouée pour un monde de plus en plus liquide ; d’une santé honnête qui ne ferme pas les yeux sur les douleurs dentaires ou occulaires des plus démunis en leur opposant que cela relève du confort. Cette common decency fait sens dans une France de 2012 qui n’a jamais produit autant de richesses de son histoire, n’en déplaise aux affameurs en chef, les chiffres sont têtus.

 

Or, en déplaçant le débat sur le terrain de la décence morale, on s’expose à des coups rudes et pas forcément faussés. La taxe rapportera quoi 300 millions ? Une paille, 1/10ème de la TVA restauration. Il ne s’agirait pas de faire croire que faire payer les riches suffit à nous sortir de la nécrose. On imagine un quarteron de nouveaux Robsepierre et St Just, calculettes à la main, réquisitionnant les avoirs des 200 familles pour remettre la France d’équerre. Ca ne tiendrait qu’un temps… Non, la crise très profonde et très durable ne sortira qu’en changeant les règles, pas en injectant des monceaux de liquidité selon les préceptes du capitalisme le plus fou. N’importe quel économiste vous expliquera que les inégalités sont néfastes : pour l’emploi d’abord, pour la cohésion au sein du corps économique donc de sa performance, ensuite. C’est ainsi qu’il faut envisager la taxe Hollande à 75%. Non pas comme une mesure fiscal importante de réduction des déficits ni même d’un quelquonque symbole. Non, puisque l’on ne peut pour l’heure encadrer les rémunérations les plus folles et faire en sorte que la production de richesses profitent naturellement de façon plus équitable à la communauté, restent les surtaxes. Celles-ci s’abaisseront naturellement quand l’Hubris financier arrêtera de saisir ces mal élevés qui nous gouvernent et nous font les poches.

 

Demain, dans cette grande tradition française du « malheur public, bonheur privé », je me réjouirais de voir défilé tous les mariés qui poseront devant le monastère du XIVème siècle, comme un pied de nez à l’hyper modernité. Et toc.

 

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