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27/12/2012

A la recherche de notre ancien temps perdu

avis-de-recherche-1.gifCertaines spécialités de recherches historiques me fascinent tout à fait. Les inventaires de bibliothèques. Où l'on réalise à la mort des gens que, jusqu'au XIXème siècle -en France- la majorité des ouvrages contenus dans les rayonnages ne sont "que" des bibles ou des livres de prières. Je ne sais où mettre la main sur ce genre de revues pour les années 2000 à Maubeuge, Auberviliers, Paris ou Brest mais ça m'intéresserait fortement. A quoi peut bien ressembler une bibliothèque lambda aujourd'hui ? Une bibliothèque "normale" pour reprendre la taxinomie dominante. La religiosité éteinte, quelques romans et pièces de théâtre jaunis, des incunables scolaires et puis des cadeaux de noël à foison ?

Pour le français "lambda" dixit Ipsos et consorts, lisant 2 à 3 livres par an, ce sont donc environ 200 ouvrages qui se trouvent dans les rayons quand approche sa mort, 400 s'ils vivaient maritalement. Une radioscopie s'impose d'urgence : internet à déjà flingué les collections de PagesJaunes, sans doute les livres de cuisine seront peu à peu flingués par Marmitton, avant que les liseuses ne finissent le boulot. Habile, la crise du logement pousse dans l'autre sens en réduisant l'espace disponible sur les murs. Restent donc calés sur les étagères quelques best-sellers en séries puisqu'ils se vendent toujours autant (les lecteurs de Levy, Musso, Cornwell ou Foenkinos ont souvent toute la collec...) 3 pièces de Molière, et quelques cadeaux aussi, 2 Goncourt, des livres achetés et pas ouverts avant des voyages en train où l'on a préféré faire la sieste. De plus en plus de polars, aussi, qui sortent de plus en plus du placard (où il n'est pas conseillé de ranger les livres) pour s'affirmer comme une littérature à part entière. A l'occasion de déménagement, de dons aux associations et surtout d'héritage et d'inventaire, on peut aisément mener ce type d'enquête, même en 2012.

En revanche, je ne sais s'il existe des monographies sociologiques et ethnographiques (pour sortir des problématiques uniquement hexagonales) sur le temps perdu. Pas une prolongation des recherches de Proust, mais des coupes longitudinales d'entretiens où les sondés excavent de leurs mémoires la façon dont ils perdaient leur temps à différents âges de leur vie. Regarde-t-on les nuages de la même façon, au XVIII ème comme aujourd'hui ? Sans doute pas. Alors, pas de téléphone pour vibrer dans votre poche, ou d'écouteurs dans vos oreilles pour masquer cet angoissant bruit de la nature. Nos sociétés riches ont horreur du vide et ont organisé l'éternel remplissage du temps sans que l'être humain puisse remplir tout le temps sont temps éveillé. L'ennui, le temps perdu, la glande et le rien faire sont le propre de l'homme. Nul besoin d'être très calé en psychologie pour voir que les workaholics sont avant tout effrayés à l'idée de s'avouer leur vraie nature de feignant. Pour la partie de l'humanité qui ne souffre pas de cette déviance et qui, heureusement pour elle, n'est pas victime d'esclavage moderne, le temps à perdre est un capital précieux et changeant avec les époques de sa vie.

Ainsi, j'ai passionnément perdu des heures de ma vie d'adolescent à téléphoner. Je me demande comment je trouvais tant de choses à dire à des personnes que j'avais vu une heure avant. Mystère. J'ignore comment j'ai pu dépenser autant alors qu'aujourd'hui tous les forfaits sont illimités. Mais ça ne m'intéresse plus. Par un réflexe commun de répulsion, mes coups de téléphone non professionnels sont aujourd'hui extrêmement brefs, l'idée de bacaouaner m'ayant quitté. Comme celle de relire. A 15 ans, je n'avais rien lu et en tirai une certaine fierté, je mettais donc un point d'honneur à relire les mêmes BD ou les mêmes romans de Patrick Cauvin (un moment de honte est vite passé). Ce mimétisme "culturel" s'étendait aux films et aux clips télévisés que j'avais toujours l'impression de découvrir sur MTV.

Aujourd'hui, l'absence de télé me vaccine contre les clips et pour le reste, depuis une bonne dizaine d'années je dirais, l'angoisse permanente de ne rien savoir me pousse toujours à ne rien relire (malheureusement, je concède que je devrais au moins, me relire plus consciencieusement, mea maxima culpa) et à ne presque rien revoir à part les sketchs de Desproges et les spectacles de Lucchini. En revanche, je reste persuadé que mon cerveau à besoin d'importants moments de perte ou de relâche avec des trucs itératifs débiles qui se sont me concernant déporté en ligne : des blind test ou la version électronique de questions pour un champion constituent d'excellent dérivatif procrastinant à l'agenda du jour. Lorsque le mode connecté n'est pas à portée de main, je peux marcher en une heure la distance que le métro accomplirait en vingt minutes pour ne pas avoir à rentrer faire ce qu'il faut vraiment faire. Dans ces moments là, je me demande comment les réfractaires à l'agenda s'évadaient, sans connexion, sans métro à esquiver et sans télétravail. Si quelqu'un connaît une bonne "histoire de la procrastination", "la glande à travers les siècles" ou "l'art de l'évitement des tâches de l'antiquité à nos jours" je suis preneur. Je pourrais chercher sur Internet, mais j'ai la flemme...

Commentaires

J'ai tellement envie de glander que je viens ici. J'ai tellement envie de procrastiner que je n'ai pas réussi à finir ton article....

Écrit par : youdontknowme | 28/12/2012

Je glandais tellement que je mets un jour à te répondre... Je procrastine tellement que je trouve pas de répartie

Écrit par : Castor Junior | 29/12/2012

"The Thief of Time: Philosophical Essays on Procrastination"
de Chrisoula Andreou

:)

Écrit par : Bon Sens | 30/12/2012

Thanks for the tip, I'll have a look ! When I'll feel like it...

Écrit par : Castor Junior | 30/12/2012

Les commentaires sont fermés.