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12/03/2013

La politique de la baudruche

hd_baudruche01.jpgPlus j'avançais dans ma lecture, moins j'en revenais. Un livre bâclé, écrit dans un style de lycéen avec une conclusion de première partie qui osait cette aberration rhétorique : "il nous faudra donc voir quels sont les points négatifs et les points positifs de l'urgence". Ce genre d'inepties jalonne les courts chapitres, truffés de sondages et d'enquêtes d'opinions, les seules données scientifiques dont dispose l'auteur. La ponctuation aussi est enfantine, car débordant de "!" et de "?" primaires, et de marques d'autosatisfaction telles que, "et si je m'étais trompé ?". A peine croyable, mais c'est ainsi que débute l'introduction qui s'achève, je vous le donne Emile par... "alors je persiste et je signe ! ". T'as raison mon cochon, aide toi le ciel t'aidera, c'est mieux de s'apprécier soi même en attendant que les autres ces ingrats, te tressent des louanges (même s'ils le firent).

Sinon, comme tous les élèves cossards, mais dotés d'un solide vernis, il glisse quelques citations des maîtres sur la question sur laquelle il disserte (Régis Debray et Hartmut Rosa, pas de bol pour lui, ce sont aussi les miens et j'ai lu les livres en question) pour étayer son propos. Mais il ne fait que paraphraser les maîtres sans rien avancer. Tout cela si bien qu'à la fin du livre, il est impossible de mettre la moyenne à cette très faible copie. Il faut malheureusement proposer le redoublement de l'élève et l'inciter à se réorienter. Problème, l'ensemble des médias lui avaient déjà décerné les laudes et couronnes réservées aux premiers de la classe. Que tout le monde ait pu dire du bien de "La Dictature de l'urgence" de Gilles Finchelstein peut laisser songeur. Si l'on décortique la chose trois minutes, pas de quoi sombrer dans des abîmes de perplexité non plus : il s'agit d'un magnifique exemple de politique de la baudruche. Explication.

L'auteur. Finchelstein n'est pas un universitaire, un chercheur ou un journaliste d'investigation, mais un intellectuel influent. Pour ne pas se perdre dans des approximations, on peut lire sa fiche Wikipédia qu'il a manifestement corrigé lui-même, soucieux de son image numérique, afin de continuer à récuser l'évidence de son inclination sociale-libérale. On peut voir qu'il mélange les genres : à la tête d'un think tank, directeur des études pour une agence de com', plume de ministre (DSK puis Mosco) il passe sa vie à grenouiller. Or, à quasi 50 ans, il n'a rien publié. Ca ne fait guère sérieux, il sort donc un premier livre (feuilleté et jeté sur la pile) avec l'ineffable Matthieu Pigasse sur le monde d'après la crise. Les médias choisissent le banquier pour parler de l'après crise et Finchelstein reste dans l'ombre. Il fulmine et bâcle dont le présent livre pour avoir droit aux honneurs des gazettes et être enfin reconnu comme un intellectuel de premier plan. Les médias sont trop heureux d'avoir enfin un prétexte pour inviter celui dont le nom filtrait dans tous les articles sur DSK et renouveler le cheptel de "penseurs de gauche", il gagne le droit de faire le tour complet des popotes pour parler d'un livre facile à pitcher, disserter, chroniquer sans l'avoir lu puisque le principe est "il faut redonner du temps au temps" avec des exemples piochés chez Mc do, Zara ou Apple pour expliquer l'accélération de l'histoire... Et voilà comment le caniveau est porté au pinacle.

Pas besoin d'être grand clerc pour voir que cet opus a été rédigé comme pour beaucoup d'éditocrates : dans les taxis, les halls d'aéroports, dans des halls de Sofitel en attendant à chaque fois, l'arrivée d'huiles diverses. Ironie de l'histoire, Finchelstein a sans doute consacré infiniment plus de temps à assurer la promotion de son ouvrage qu'à l'écrire. Au final, on ne peut que suggérer à l'auteur d'appliquer ce qu'il prône pour le reste du monde : sortir de la dictature de l'urgence de sa propre vie et prendre le temps de faire un livre qui fasse sens...

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