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15/04/2013

Sale temps pour les braves

9782264059529.jpgUne quatrième de couv' se livrant à d'audacieuses comparaisons, c'est coutumier. Mais que ces dernières soient justifiées, voilà qui est plus rare. Celle de Sale temps pour les braves, de Don Carpenter nous apprend que l'auteur compte parmi les héritiers de John Fante. Ce dernier étant l'un de mes auteurs favoris, je me jetais dans l'aventure. Dès les premières pages, on reconnaît la justesse de la filiation. Une Amérique dure, pauvre et pas honteuse de l'être, mais lorgnant les plus riches avec avidité. Ici, les malfrats ne sont pas des victimes, pas des sadiques, juste des impatients dépourvus d'imagination et animés d'un désir unique : s'enrichir. Beaucoup.

Le cadre choisi par Carpenter pour planter son roman est très intéressant. Il choisit des petites villes paisibles (Portland, Seattle) pendant les trente glorieuses pour décentrer sa focale et nous montrer les bouges et autres claques. Même quand l'action se déporte à L.A. en fin de livre, pas question de céder aux sunlights et autres face dorée. L'univers de Carpenter semble voué à ne pas sortir d'une noire mêlasse. Tant mieux.

S'il y avait une once de trame policière dans ce roman, on le rangerait dans la catégorie des Hard Boiled Dicked novels, aux côtés de Dashell Hammet, Raymond Chandler ou David Goodis. Des durs à cuire peuplent le roman, voire surpeuplent le roman. En effet, l'univers de petites combines, de menus larcins, de maisons de correction et de prisons avec mitard dans lequel nous emmène l'auteur ne laisse guère de place aux petites natures. Physiquement s'entend. Car les âmes de ces marlous sont plus qu'écorchées et ce ne sont pas les bassines de whisky qu'ils éclusent qui les sauvent. Jack Levitt, le protagoniste s'est échappé de l'orphelinat et a depuis lors vigoureusement défendu sa liberté à grands renforts de mornifles. Les femmes il y pense, les baise, mais leur demande de décarrer quand le soleil se lève. Elles posent trop de questions, les bougres. A force de ne pas croire au travail, à l'amour, à la vie, on n'a peur de rien et cela finit rarement bien.  

Le roman a paru dans les années 60 dans une indifférence certaine aux USA, mais lorsqu'il fut publié à nouveau dans les années 2000, ce fut une consécration internationale. Difficile d'expliquer l'écart de perception critique entre l'une et l'autre époque. Peut être les amours interdites des malfrats étaient elles trop audacieuses pour les années 60. Le bandit à la petite semaine peut bien culbuter toutes ces filles de petite vertu, tout va bien, mais dès lors qu'il s'agit d'évoquer son désir ardent pour un ancien co-détenu, plus complexe. Aux Etats-Unis s'entend, chez nous le roman de Carpenter avec son monde interlope aurait été consacré au même rang que Genet. Chez nos copains Yankees, il fallait attendre que la nation soit mure pour aimer Brokeback Mountain. L'histoire littéraire est remplie d'oeuvres qui n'ont pas rencontré leurs publics, tant pis pour eux et profitons-en, nous qui bénéficions de ce right novel at the right time.   

Commentaires

Un bouquin extraordinaire surtout, parce qu’il brasse tous les grands thèmes, haine et amour, mort et naissance, riches et pauvres, Blancs et Noirs, sexe sans tabous, homosexualité, prison, mariage… N’en jetez plus, la cour est pleine.

Écrit par : Le Bouquineur | 17/04/2013

Je vois que nous sommes synchrones ! (et très beau billet)

Écrit par : castor Junior | 17/04/2013

Les commentaires sont fermés.