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25/10/2013

Merci Roberto Casati

liv-3841-contre-le-colonialisme-numerique.jpgDans ce vaste débat qui nous animera encore pour quelques temps encore (j'espère "décennies" même si d'aucuns prévoient la mort du papier avant), voilà enfin le livre que j'attendais depuis des années. Un plaidoyer pro papier écrit par... un technophile. Roberto Casati, contrairement à Finkielkraut et autre Domecq, persuadés que le recours aux technologies leur grillera le cerveau, a une Tablette, ouvre tous les jours son ordinateur avec un site qui lui permet de découvrir des morceaux de musique improbables et utilise les blogs pour échanger avec ses étudiants. A contrario, il ne dit pas non plus comme Bernard Stiegler "la TV nous tuera tous, une éducation à Internet amènera le salut". Non non, il est technophile mais pas béat devant les technologies. Son parallèle gastronomique est amusant : il explique que les gamins préféreront toujours les sucreries à la salade et que nous considérerions d'un drôle d'oeil un diététicien proposant un régime à bas de sucrerie... Idem pour l'éducation et il faut les forcer à cette salade bon pour eux : l'éducation au papier, à la concentration, au temps long.

Ses pages sur le "multitasking" sont imparables. Nous pouvons faire plusieurs choses à la fois, comme tenir un livre et le lire, mais l'attention du cerveau, elle, ne se partage pas. Plutôt que de faire plusieurs choses à la fois, nous passons de l'une à l'autre. Nuance colossale. Ca me fait penser -digression- à ce portrait de Jacques Attali où on explique qu'il dirigeait un concert tout en envoyant des SMS sous l'oeil courroucé des chinois. Des limites, même pour un cerveau pareil, du multitasking...

Le plaidoyer de Casati est donc pragmatique : il veut savoir ce qu'il faut conserver concrètement tel que cela existe et ce qui doit migrer sur Internet. L'exemple des MOOC est éclairant en la matière ; quelle utilité trouver à des cours donnés à 600 personnes sans aucune forme d'interactivité ? Evidemment ces cours là sont prêt à migrer sur Internet. De là à penser que l'on peut dématiéraliser les cours... 

Idem pour la migration "des" livres : bien sûr, l'encyclopédie, les manuels et livres de recettes peuvent entièrement se retrouver en ligne. A part pour de rares personnes relevant d'une prise en charge psychiatrique lourde, personne ne lit ses ouvrages in extenso d'une traite. Et Internet se prête fort bien au picorage. Mais les romans ou les "essais de 200 pages " comme écrit malicieusement Casati, lui dont le livre fait 201 pages ? 

Casati s'interroge ensuite sur un phénomène bien plus large : la démocratie. Sur la démocratie électronique, ses mots sont savoureux pour dénoncer une corruptibilité accrue du système. Somme toute, la démocratie classique connaît une part de corruption partagée, des acteurs connus mais au moins le secret de l'isoloir est préservé. Dans le cas du vote électronique, le doute technique est toujours permis. Et la manipulation comporte des risques accrus. On songe là aux pétitions en ligne qui fleurissent chaque jour (jusqu'à la tristement célèbre pour la libération du bijoutier de Nice) et on dit, "Merci Monsieur Casati".

Sans avoir voulu jouer les Torquemada, mais en se faisant un inquisiteur juste, l'auteur frappe fort "on peut aimer l'Espagne mais être contre leur politique de colonisation" pointe justement l'auteur et on peut le remercier de n'avoir pas cité la France, mais le parallèle vaut toujours. En refermant le livre, on a envie d'aller vers d'autres romans et essais papier, en sachant qu'Internet ne sera jamais bien loin. Pour cette philippique parfaite, cher Monsieur Casati, la patrie du papier vous dit merci. Et on line, en plus.

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