27/10/2013
Le burn out du jogger.
Je ne suis pas un coureur de fond. Enfin, je veux dire ce n'est pas ce que je préfère. Moi, j'aimais terriblement le jeu, le foot et le basket surtout. Malheureusement, des lacunes techniques évidentes m'ont interdit très tôt de briller franchement dans l'un ou l'autre sport. Peu importe, j'y ai joué près de 20 ans. Je m'en tirais suffisamment bien pour faire plus que le nombre, parfois un panier à trois points bien senti, ou une moisson de rebond d'un côté, une frappe en lucarne (involontaire, mais le résultat est là) ou un tacle désespéré de l'autre. C'était bien. C'était chouette. Mais mes amis ont cessé de se lever le week-end, et quand vous avez un trop plein d'énergie à dépenser, vous courez. Surprise, j'étais franchement pas mauvais. Je me suis entraîné avec des aînés, pompiers ou militaires, cadres banquiers et oenologues. Différents rythmes, mais une même incitation au dépassement dans le plaisir.
J'ai connu une première alerte il y a une dizaine d'années. Après une course bâtarde de 9km bouclée en un peu plus de 31 minutes, je voulais vérifier sur la vraie distance et complétait bien mes 10km en 34 minutes et des brouettes. Et vomissais une fois franchi la ligne. Trois fois rien, de la bile. Mais trois fois trop, la preuve que j'avais dépassé le stade du plaisir (qui n'est donc pas le stade oral, noterait Sigmund). Je cherchais un truc plus serein, moins sous pression et trouvais le marathon. Libération. Mon premier fut ma plus grande joie : bouclé en 3H23 en ayant pour seul objectif de finir, je passais tout le dernier kilomètre torse nu à hurler "je l'ai fait" comme un gosse de 8 ans. Malheureusement, j'ai tué le gosse et entrepris d'aller plus vite sur la même distance. J'ai gagné 10 minutes au prix d'un entraînement sérieux, luxe que ma vie actuelle ne peut plus m'offrir (ou alors il faut moins lire et sortir, et cette pensée m'est insupportable).
Bref, je pensais être revenu à une notion de plaisir simple avec le semi marathon : aucune angoisse de ne pas finir 21km quand on a déjà maté les 42 à plusieurs reprises. Reste à courir vite. C'est là le hic. Quand vous vous entraînez souvent, les 21km ne sont plus un problème dans vos jambes (je vous jure) mais dans votre tête exclusivement. Saurez-vous sans cesse accepter d'avoir le souffle court et relancer l'allure pour éviter que l'Autre, ce salopard, ne vous dépasse ? Quand vous êtes un peu devant, la foule se raréfie et l'autre devient un adversaire. Spirale vicieuse.
Ce matin je me suis élancé pour le semi marathon de Vincennes en me jurant que je n'avais d'autre ambition qu'1H30 (j'ai un record 5 ou 6 minutes en dessous). Alors j'ai suivi le monsieur avec son petit ballon 1H30. Au bout de 2km, j'avais l'impression d'être aussi con qu'un canard suivant l'homme aux miettes de pain. Incapable de libre arbitre, de savoir quel était mon rythme. Je suivais, comme un mouton. Ca vous flingue le cerveau et vous vous mettez à cogiter : le danger absolu pour un sportif. Alors j'ai plongé. Arrivé à mi course et à la fin de mon raisonnement sur la vanité de la performance qui n'a d'égal que la chimérique quête de la taille 36 ou des abdos en plaquette de chocolat, je me résumais le dilemme : soit tu serres les dents, tu risques la contracture de la cuisse, mais tu laisses ces cons 3 minutes derrière, soit tu lâches tout, tu finis en sénateur et tu finis... 3 minutes derrière. Réaliser ça m'a abattu : les enjeux étaient pusillanimes. En quoi ma vie changerait-elle pour 3 minutes d'un côté ou de l'autre ? 15 encore, c'est une chose, mais 3 ? Et encore, le jogger découpe sa performance en temps par kilomètres. 3 minutes, c'est 180 secondes, soit sur 11 kilomètres, quelques 16 secondes par kilomètre. Voilà l'enjeu pour lequel j'étais prêt à souffrir ? Ridicule. Alors j'ai absolument tout lâché. Je n'ai jamais réagi quand les légions arrivaient de l'arrière et me dépassaient, pour la première fois de ma vie, je n'ai pas fini une course au sprint. Je me suis contenté d'avancer comme un canard sans tête vers la ligne d'arrivée, comme par magie, en 1H33.
Je ne renie rien de celui que j'étais naguère, bien au contraire. Je voudrais retrouver ce goût du sport plaisir. Mais avec tous ces chronos partout, tous ces buveurs de red bull qui écoutent du 140 BPM autour, j'ai perdu pied. Si quelqu'un a la solution, je suis rudement preneur. En attendant, je vais mollement flâner vers un brunch, car même en 1H33, un semi-marathon, ça creuse.
13:15 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Hello Vince,
Ah la course à pieds... Bien moins performant (rapide) que toi et un peu plus vieux j'ai vite compris que je ne gagnerai plus beaucoup de vitesse dans ma quète du 10 kms sous les 40'. Une seule tentative échouée à 40'18s. Alors le plaisir je l'ai rapidement trouvé dans les chemins. Le trail. Là où la notion de chrono s'efface légèrement derrière celle du classement. Le problème peut sembler être le même mais tu l'éludes dans le tableau des résultats. Même un temps qui peut te paraître médiocre t'a permis de finir dans les 20 premiers. Et ça pour l'égo, ça compte. Ensuite tu allonges la distance dans des panoramas de plus en plus beaux et le simple fait de finir (en ce qui concerne les longues distances) te rend heureux et te donne la banane sous l'arche d'arrivée. D'un autre côté, je me demande si ma démonstratation et mon constat ne sont pas ceux de celui qui vieillit, ou qui vit avec son âge ;-)
Écrit par : Maxime | 28/10/2013
Je retiens la proposition même si bon, je souffre par avance !
La bise aux Verts, je reconnais que tant qu'à perdre un match, j'aurais préféré que ce soit hier...
Écrit par : Castor | 28/10/2013
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