Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/12/2013

Bonheur romanesque

si tout.jpgC'est un livre qui donne envie de lire d'autres livres. D'autres romans. Un livre qui donne envie d'être éditeur pour connaître cette extase si rare de la découverte. Un livre fresque, où les premières pages sont une incitation si chaleureuse à la suite que l'on sait qu'on se séparera à regret. 440 pages plus tard, on se quitte bons amis mais on ne dédaignera pas une suite, même si la fin n'appelle pas franchement les prolongations. 

J'avoue deux choses honteuses. D'abord, je n'avais jamais entendu parler de l'auteure, Emmanuelle Bayamack-Tam, alors qu'il semblerait qu'elle a déjà rédigé presque  dix livres. Je n'en retrouve aucun en poche, signe que l'auteure ne rencontre pas le succès qu'elle mérite. Celui-ci est sorti en début d'année. J'ai lu peu de presse dessus, mais Internet a gardé quelques traces d'une renommée discrète mais laudative. Deuxième honte, j'ai été happé par un bandeau de prix. Généralement, cela me laisse froid et "Prix Etonnants Voyageurs Ouest France" a beau être une mention sympathique, cela ne me faisait pas bouger. "Prix Alexandre Vialatte", en revanche, par déférence au grand auvergnat, je l'ai humé. Une quatrième de couv' qui ne disait rien, un titre moche comme ceux des -beaux-  films de Jacques Audiard, mais quelque chose de magnétique dans le style. J'ai plongé.

D'abord, il y a une voix, drôle et détachée. Un style, fleuri et imaginatif en diable. Surtout, ce livre tient grâce à l'admirable récit savamment décousu par la narratrice, Kimberly. Personnage attachant pour son intelligence supérieure stupidement venue sur terre dans une famille Bidochon. Elle est drôle et piquante sans jamais être inhumaine. Touchante et forte car elle sonne vrai en diable, qu'elle récite du Beaudelaire, contemple ses dread locks ou finit la nuit en dansant au Pacha. La galerie de portraits féroces de ses soeurs, stupides et luisantes, de sa mère, aigre et mauvaise ou de son père, tatoueur de son état mais dont le cerveau n'imprime rien. Il y a aussi le petit copain depuis l'enfance, la vieille dame indigne rencontrée par hasard et beaucoup d'autres encore qui sortent de ce roman choral. En lisant ce roman, j'ai pris le même plaisir que lorsque j'ai rencontré la saga Malaussène de Pennac. Mais avec 20 ans de plus. Putain 20 ans... A 13 ans, Pennac était une obligation et une rencontre pour moi singulière ; la lecture pouvait ne pas être une purge. Bien vite la Princesse de Clèves me persuaderait du contraire et je délaissais les livres pour les consoles de jeux. Voilà pour ma confession sarkozyste...

Emmanuelle Bayamack Tam peut être lue à 13 ans, mais aussi à 33 (avec des poussières, d'accord) 53, 73 (je prends de l'avance pour quelqu'un) ou encore 93, -113 sans doute, mais le panel de lecteurs est plus restreint- tant on veut suivre l'auteure dans sa joyeuse sarabande. Noël approche, vous risquez lourd en offrant un prix de l'automne déjà choisi par d'autres, ruez vous plutôt sur cette merveille d'humanité qui n'a pas été réveillée par les trompettes de la renommée. Sans doute dormait-elle comme une bienheureuse.

Commentaires

je l'ajoute aux paquets des Alice Munro, elles feront bon ménage. merci castor lecteur!

Écrit par : marcelline roux | 17/12/2013

Tu fais bien Marcelline, c'est un enchantement !

Écrit par : Castor | 17/12/2013

Les commentaires sont fermés.