28/01/2014
Sacrés amateurs !
Le rédacteur en chef du Monde magazine, Didier Pourquery, y tient chronique autour d'un mot. S'il me laissait son billet pour une édition, je crois que je rendrais hommage à "Amateur". D'après le trésor informatisé de la langue française, il s'agit de ' Celui (ou celle) qui manifeste un goût de prédilection pour quelque chose ou un type de choses (plus rarement de personnes) représentant une valeur". Dans le langage commun, le terme est plus que galvaudé, déprécié.
Toujours intéressant de faire une recherche du mot dans Google Images. J'ai du descendre beaucoup pour trouvé la couverture de l'excellent livre de Patrice Flichy, Le sacre de l'amateur. Avant ? Des dizaines de photos de filles à poil, quelques références à la revue de Jean-Paul Kaufman -l'amateur de cigares- et des footballeurs amateurs. Peu engageant... Mais révélateur pourtant. Les amateurs seraient des sous-xx, mettez ce que vous voulez à côté de xx, un genre à part, mais un moins bon genre. L'amateur reste l'insulte suprême en politique "une campagne d'amateur. L'amateurisme des socialistes. L'amateurisme de l'organisation des primaires UMP.", mais aussi dans l'entreprise "une gestion de la crise qui relève de l'amateurisme. Une communication grand public d'amateur". Arrêtez le mitraillage en règle de l'ambulance. Appelez la Croix-Rouge à la rescousse et essayez deux secondes de regarder la cible sur laquelle vous vous acharnez. Quelle merveille, quels trésors d'humanité, se cachent dans l'antre de l'amateurisme.
Il y a peu je suis allé écouter ma femme en concert. Ma femme et ses 3 acolytes forment un quatuor, formation musicale que les statistiques déclarent majoritairement composée de quatre personnes. L'alto est un professionnel. Tout de suite, ça fait sérieux. Les deux violons et le violoncelle sont toutes professeures et musiciennes amateurs. Tout de suite, on entend des "boing", des couacs. Et bah bernique. Ce, pour des raisons évidentes qui ne tiennent pas seulement de la rigueur qu'elles mettent à répéter. Il suffit d'envisager deux secondes l'attachement que l'amateur met dans sa passion, un attachement souvent supérieur à l'engagement professionnel. Non qu'elles prennent leur emploi à la légère - au contraire- mais le cerveau, l'âme humaine (allez) n'est tout bonnement pas faite pour s'impliquer à 100% tout le temps. Et samedi dernier, le miracle eut lieu : l'intensité, le plaisir et l'entrain qu'elles mirent à jouer ravit la centaine de spectateurs présents, persuadés d'écouter des pros. Cette mystification n'a rien d'illogique.
On le voit fort bien avec la coupe de France de football, où des équipes amateurs battent régulièrement des équipes professionnelles dont la valeur intrinsèque est largement supérieure. Mais les pros ont d'autres choses auxquelles penser - ce match hyper important dans deux mois ou le défenseur central en plein divorce- , quand les amateurs font de ce moment un summum d'implication. Cette évidence dumb as cabage (bête comme chou, pardon) mais strictement imparable, nous devrions nous l'approprier et l'appliquer à tout un tas de domaines. Après tout, Wikipédia, entreprise amateure par excellence, n'est pas l'abomination que quelques cuistres veulent bien dire. Pour peu que l'on sache s'en servir, c'est un excellent outil d'apprentissage. Nombre d'artistes, d'acteurs, d'écrivains, de musiciens ou de cinéastes se réclament de l'amateurisme et excellent pourtant. Ils ne produiront sans doute pas une oeuvre aussi vaste, aussi ample, mais ils choieront ce qu'ils feront. Petite honnête cuvée, bien plus plus nécessaire que des tonnes de récoltes banales.
A l'heure où l'on va voter la loi sur le cumul des mandats, l'évidence vous frappe et pas en douceur : le texte est un premier pas, mais élude le vrai problème du cumul. Celui du cumul dans le temps. Le problème majeur n'est pas tant celui du député maire, que celui d'élus pour quarante ou cinquante ans, qui jamais de leurs vies n'envisagent autre chose la politique que conçu comme une course de haies, faite d'élection et de ré-elction, avec ce que cela implique de compromis, d'arrangements. Le mandat unique par esprit d'amateurisme, au sens de celui qui aime vraiment, mais avec une rigueur et une exigence rare. Voilà pour mon utopie matinale. Sur ce m'en vais courir. En amateur.
09:22 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Tout-à-fait d'accord, Vincent !
Un ami musicien professionnel avec lequel j'ai beaucoup joué (comme amateure) m'a souvent répété de ne pas avoir de complexe, en disant : en musique, l'amateur est celui qui aime jouer, le professionnel est celui qui en vit ! A la fin, les deux ensembles font de très belles choses. Les professionnels qui acceptent de se mêler à des amateurs sont eux aussi des passionnés. Les autres préfèrent rester entre eux.
A l'image du quator de ta femme, je joue dans un big band de 15 personnes, 3 professionnels et 12 amateurs. Ça marche.
Écrit par : Sabine Nagel | 28/01/2014
Sabine, j'ai pu voir les photos sur FB et effectivement, suis certain que ça marche, même s'il manque le son : mets une vidéo !
Écrit par : Castor | 28/01/2014
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