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08/09/2014

Boyhood

imgres.jpgComme souvent, nous nous rencardons (avec l'amoureuse) sur le film après l'avoir vu. Bande-annonce, critiques, on se goberge mieux des commentaires sur une oeuvre après l'avoir vue. Surtout, on a pu la regarder l'esprit libre. Comment aurais-je reçu ce joyau de 2H43 si j'avais lu Libé ou les Inrocks avant ? Les 2 titres incontournables de la coolitude culturelle de gauche n'ont pas aimé, mais alors vraiment pas. Ils ont flingué le principe, trouvé que l'Amérique dépeinte n'était pas celle qu'ils aimaient et autres arguments si toc que l'on reconnaît là la patte de ces deux journaux : pisser contre le vent et avec le sourire encore, pour montrer leur indépendance culturelle. Peu importe.

Boyhood a été tourné avec les mêmes acteurs à raison d'une semaine par an, pendant 12 ans. Trois mois de tournage, donc, mais avec des producteurs capables de comprendre le projet, de soutenir cette prise de risque folle. Deux stars (Ethan Hauwke et Patricia Arquette) qui acceptent de faire glisser cela dans l'agenda de leur carrière chaque année, quoi qu'il arrive. Quand on connaît le taux de chute en dépression ou en cure alcoolique chez les stars hollywoodiennes, s'engager sur un projet de 12 printemps consécutifs est assez dingue. 

Le concept sert un propos bien connu de romans américains ; suivre la saga d'une famille pour un long moment. Pour autant, a-t-on l'impression d'un livre de Johnatan Franzen filmé ? Non. Car dans ces romans choraux comme dans la plupart des films reprenant le principe d'une vie sur vingt ans, les ellipses sont franches. On fait des bonds dans le temps de quelques années. Au cinéma, pour que le remplacement d'un acteur par un autre soit plausible ; en littérature, car le fait de filer au jour le jour pourrait lasser. Là, rien de tout cela, on suit vraiment la vie de ce jeune homme par tranches. Une vie moderne, tailladée. Sa mère divorce deux fois, déménage d'avantage encore. Chaque fois, il faut renouer, socialiser, créer de nouveaux liens. Boyhood est un livre qu'aimerait Zygmunt Bauman et sa modernité liquide. Ca conforterait ses thèses selon lesquelles nous menons désormais plusieurs vies en une. Au XIXème, le père divorcé aurait refait sa vie, mais la mère ? Là, elle reprend des études, congédie son mari et trouve, seule, la force d'élever ses enfants au milieu des ruines sentimentales. Le père change sans changer, s'assagit et accepte plus de compromis qu'il ne l'aurait cru à 20 ans. Les enfants regardent cela, goguenards, puis dépités, puis compréhensifs.

Tout ce qui est filmé est si universel, si transposable à chacun de nous, qu'on en oublierait presque qu'ils ont choisi le Texas, ce symbole de l'Amérique réac. On voit bien une ou deux bibles et carabines, mais c'est sans importance, l'essentiel est ailleurs. D'abord, il filme magnifiquement les paysages et ça donne presque envie d'aller camper là-bas, ensuite et toujours c'est une ode aux relations et les texans n'ont pas l'air plus inhumains que d'autres.

En sortant de la salle, on se dit que les parents restent parents toute leur vie et que les enfants devenus adultes sont toujours des enfants. 2H43 pour conforter une double tautologie ? Non, non, 2H43 pour montrer la magnifique complexité de l'existence. A ce prix là, on redonnerait volontiers 2H43 pour habiller une soirée d'hiver.  

Commentaires

En tout cas très bonne décision que d'aller voir un film en s'écartant de tout a priori. Paradoxalement votre article incite à s'en faire, mais personnellement j'ai tendance à l'inverse à me renseigner pas mal sur chaque long métrage que je compte regarder, donc que ce soit ici ou ailleurs... Mais de ce fait j'ai évité de nombreux films à cause des critiques sans concession (sans doute souvent justifiées) à leur égard et je tends à penser que c'est sans doute une erreur et que parfois, je rate quelque chose.

Écrit par : Alexander | 11/09/2014

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