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12/09/2014

10 ans après, les révoltés toujours abandonnés

2740.jpgGouverner, c'est prévoir. Dans notre folie court termiste, prenons tranquillement un an d'avance. En 2015, donc, nous "fêterons" les dix ans des révoltes urbaines qui avaient plongé la France dans un long, un très long trouble. Il faut revenir, évidemment, sur les mots. Encore et toujours l'apophtegme de Freud, "quand on lâche sur les mots, on lâche sur les choses". 10 ans après, la doxa évoque ces faits en parlant "d'émeutes" quand il s'agissait pourtant de révolte. Une révolte sociale, une désespérance profonde.

Alors, bien sûr, cela ne se fit pas le sourire aux lèvres et les roses à la main. Non, ce fut violent, débile souvent et inexcusable quand ils brûlèrent des bibliothèques et des écoles au lieu de s'attaquer au garage BMW voisin. Mais c'était d'autant plus la preuve qu'ils ne voulaient pas renverser le capitalisme mais être écouté par la République. Comme le rappelle le livre de Kepel, "Banlieues de la République", la figure la plus détestée dans les quartiers populaire n'est pas le flic mais le conseiller d'orientation. Cette révolte fut paraît-il entendu. Il y en eût plein la bouche en 2007, les entreprises signèrent en masse des chartes de la diversité, mot clé qui envahit le discours public, pour un temps.

Et nous sommes revenus, toute pensée Fox News bue, à la méfiance devant les émeutiers. Me revient en mémoire un mail de ma tante, qui vit à Los Angeles, me demandant si j'allais bien. De passage chez mes parents dotés d'un téléviseur, j'allumais CNN. "FRENCH RIOTS" en gros sur l'écran. On aurait dit un mauvais western avec des hordes de sauvages qui voulaient dépouiller les honnêtes gens. Comme on déforme la réalité on s'en arrange et les souvenirs qui remontent sont déformés.

Dix ans après, donc. Un colloque de l'Institut Montaigne s'interroge en reconnaissant avec force humilité que la question de la diversité en entreprise n'a guère avancé. Un peu, mais pas aussi vite que l'évolution de la population. Les jeunes des quartiers populaires sont bien plus diplômés que les employeurs ne l'admettent, lesquels restent figés sur des positions d'une France des années 50. Comme le soulignait justement une chercheuse, "dans une France où moins de 5% des catholiques vont régulièrement à la messe, le réflexe d'entre soi avec les chrétiens joue toujours pleinement alors que l'on exclut toujours massivement les musulmans, projetant notamment sur les hommes une incapacité à manager les femmes". Bravo... Et la sociologue Laure Béréni de ponctuer "la question de la diversité fut malmenée sous le quinquennat de Sarkozy. Elle est complètement oubliée sous celui de Hollande. Avec la montée du vote frontiste, aucune mesure favorable à l'ouverture ne semble acceptable. Je le regrette fortement, mais je crains une régression sur ces sujets". Si les révoltes de 2005 resurgissent, on ne pourra pas dire que les signaux d'alerte n'étaient pas là...

 

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