22/09/2014
La mort du clivage, ce grand rêve de droite
"Le clivage gauche droite est éliminé comme un vieux tapis qui aurait trois siècles". Hier soir, Nicolas Sarkozy a enfoncé un clou de plus dans le cercueil favori de la droite : la mort du clivage droite/gauche. Ce matin, Raffarin appuie les propos du boss en arguant qu'il y a un clivage plus pertinent entre Français de la ville et Français des campagnes. J'imagine qu'on aura bientôt celle des familles et des valeurs contre celle des individualistes ; celle des personnes animées par le respect, l'amour de la patrie, contre les internationalistes fondamentalistes... Bref, on caricature à l'excès ceux qui croient en un idéal de gauche, on les moque à outrance et on tente de rattraper par la manche les modérés.
L'ennuyeux, c'est que Manuel Valls fait le même calcul avec les modérés de droite. Il leur clame "je ne suis pas de gauche, je suis pragmatique" (difficile de lui donner tort. Il est pas de gauche...). En somme, les leaders des deux camps historiques se pressent pour attraper tous les modérés, persuadés que leurs bases resteront. Le problème, c'est qu'elles filent. Beaucoup à l'extrême droite, un peu dans le magma dissolu de la gauche du PS, mais surtout énormément vers l'apéro. Marre. Marre de gens qui n'assument plus leur politique. Pourquoi s'intéresser à ce truc si vous êtes d'accord sur tout ? Quelle idée plus nauséabonde pour la démocratie que la mort du clivage droite/gauche ? Elle entérine le complot, le tous pourris, le tous complices, le "ils n'oeuvrent que pour eux ; le 1%". Elle consacre l'UMPS, cette idée folle...
Je n'aime pas le "ça fait le jeu du Front National", mais ça, le fait franchement... Que la droite retrouve ses racines, elles ne sont pas honteuses, non ? Et pour l'aider, l'urgence est que la gauche redevienne de gauche, qu'elle se rappelle que son histoire est fondée sur la ligne de fracture entre dominants et dominés : qu'a-t-elle fait pour les dominés depuis deux ans et demi ? A t'elle tenter de contenir les inégalités grandissantes ? S'est-elle attaquée à la rente, aux profits galopants de l'argent dormant ? A-t-elle agi pour que les noms formés, les illettrés, puissent accéder au savoir plutôt que de permettre aux bobos de se reconvertir ? Il faut penser contre nous mêmes, bobos ou technos aux manettes, et retrouver la réalité des dominés pour agir. Sinon, il ne sert à rien de prétendre incarner l'intérêt général... Voilà les questions à se poser avec lucidité et tenter de donner un grand coup de barre à gauche pour les deux années à venir...
08:59 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Je ne vois pas le rapport entre garantie de démocratie et clivage gauche/droite. D'ailleurs, les visions binaires (ex:gauche/droite) sont souvent perverses et à éviter.
De plus, le clivage gauche/droite n'a plus de sens depuis le tournant de la rigueur initié par la "gauche" en 1983, voire même avant... Pour comprendre cela, il suffit de lire (entre autres) Michel Clouscard, Jean-Claude Michéa ou encore le jeune Charles Robin.
L'échiquier politique est en train de se transformer (indices: Jouyet, Macron, Valls,etc.). Son résultat donnera (en résumant) trois grands groupe : l'extrême gauche, un parti d'union nationale et l'extrême droite. Il faudra choisir son camp...
Écrit par : Charles Morin | 22/09/2014
Il est vrai que depuis 1983, on va vers un mainstream libéral et merci monsieur le professeur, j'ai lu Michéa. Mais l'histoire est cyclique et un bloc de gauche peut se recréer au grand dam du rêve d'union nationale, un rêve de droite à l'Allemande... Je choisis mon camp et il n'est pas de ceux que vous citez.
Écrit par : Castor | 22/09/2014
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